Eglises d'Asie – Birmanie
LES AUTORITES EMPECHENT LES MARIAGES CHEZ LES ROHINGYAS
Publié le 18/03/2010
Selon des spécialistes des droits de l’homme, des responsables politiques ainsi que des journalistes Rohingyas qui se sont entretenus avec l’agence Inter Press Service (IPS), les Rohingyas qui osent enfreindre l’interdiction de se marier sont sujets à de fortes sanctions. « Nous connaissons au moins cinq couples qui ont été arrêtés et mis en prison cette année pour s’être mariés sans la permission des autorités locales, rapporte Chris Lewa, responsable des études du groupe indépendant Arakan, qui recense les cas de violations des droits de l’homme dans la région. Depuis mars 2005, aucune autorisation de mariage n’a été délivrée aux Rohingyas. » Pour avoir épousé une musulmane de dix-huit ans, un jeune homme de 25 ans a été frappé et torturé par la police birmane des frontières (Nasaka).
Bien avant l’application de la loi sur l’interdiction des mariages Rohingyas, les autorités militaires avaient mis en place « un véritable parcours du combattant afin de dissuader tout Rohingya de se marier. Les fiancés devaient obtenir la permission de quatre administrations différentes, dont la Nasaka et le Bureau de l’immigration. « Obtenir cette autorisation pouvait prendre une ou deux années (.). Et il fallait payer des dessous-de-table à chaque administration confie Fayas Ahamed, éditeur de la Kaladan Press Network, une agence de presse spécialisée dans la diffusion d’informations sur les Rohingyas et basée dans le port bangladais de Chittagong. C’est ainsi que les mariages en instance d’accord se comptent par milliers. Fayas Ahamed estime que « depuis le début de l’année 2004, au moins 10 000 demandes de mariage attendent l’aval des administrations ».
Une telle politique n’est qu’une illustration de la manière dont sont traités les Rohingyas par la junte de Rangoun, connue officiellement sous l’appellation « Conseil pour la paix et le développement du pays » (SPDC). D’autres privations de droit, telle l’interdiction faite aux Rohingyas de se déplacer ou de transporter de la nourriture dans la région Arakan, ont amené les responsables de communautés Rohingya à accuser Rangoun de « nettoyage ethnique
« Les Rohingyas sont forcés de vivre comme dans un camp de concentration précise Nurul Islam, président de Rohingya National Organization, groupe appartenant à l’IPS, un mouvement politique séparatiste Rohingya. « La philosophie du SPDC est de rendre la vie dure aux Rohingyas afin de les inciter à fuir au Bangladesh (.). Non seulement les restrictions de circulation sont plus fortes qu’auparavant, mais dans cette région, elles sont également plus violentes que partout ailleurs en Birmanie, ajoute Nurul Islam, qui a été contraint à l’exil du fait de ses activités politiques. A présent, vous ne pouvez plus vous déplacer d’un village à l’autre sans un laissez-passer. Les Rohingyas ont même besoin de ce permis pour se rendre dans les dispensaires. »
Selon Chris Lewa, les villageois, condamnés à la pauvreté, ont été contraints de payer les autorités pour obtenir un laissez-passer afin de collecter l’aide alimentaire envoyée par le Programme alimentaire mondial. « Une femme enceinte a été violée dans le sud de Maundaw, alors qu’elle partait chercher des vivres. » Les Rohingyas, essentiellement agriculteurs ou artisans, doivent aujourd’hui faire face à une disette, du fait de la mauvaise récolte de cette année et des restrictions de circulation. « La Nasaka et les militaires (ont interdit) le commerce de riz à l’intérieur et au-delà de la région [le nord de l’Arakanet même entre villages précise Chris Lewa.
En août 2005, après une visite en Birmanie, la direction du Programme alimentaire mondial a révélé comment les restrictions de distribution alimentaire avaient conduit les enfants des régions frontalières à souffrir de malnutrition. Selon James Morris, directeur du Programme alimentaire mondial, seul un cinquième des 5 500 tonnes de riz, que l’organisation onusienne a acheté pour les populations de l’Etat de l’Arakan, a été distribué.
« Tout commerce alimentaire ou tout déplacement nécessite l’aval des administrations locales, confirme Akan Tongul, le responsable birman du Programme alimentaire mondial dans une interview réalisée par courriel. Chaque camion nécessite une autorisation pour pouvoir se déplacer et ces procédures prennent du temps, parfois des semaines, puisque le système est à présent très centralisé. Ainsi, si le responsable local est absent, le laissez-passer ne sera pas signé pendant un long moment. »
En 2002, Human Rights Watch, ONG internationale de défense des droits de l’homme, a fait une demande auprès de l’ONU pour que les souffrances endurées par les musulmans de l’Arakan soient ajoutées à la liste des sévices infligés par la junte birmane aux autres groupes ethniques de Birmanie. « La violence qui sévit contre les musulmans de l’Arakan font partie du quotidien, pouvait-on lire dans le rapport du HRW. Contrairement à d’autres régions birmanes, la violence contre les musulmans est systématiquement pratiquée par l’armée birmane. »
La violation des droits des Rohingyas dure depuis le coup d’Etat de 1962. Toutefois, l’hostilité du SPDC envers la minorité musulmane du pays s’est clairement manifestée au début des années 1990, à partir du moment où les Rohingyas ont été exclus de la liste des 135 nationalités reconnues par Rangoun.
Au cours de ces dernières décennies, les discriminations officielles ainsi que les émeutes occasionnelles perpétrées contre ces groupes ethniques ont contraint des dizaines de milliers de Rohingyas à fuir et à se réfugier dans les pays frontaliers. Ainsi 300 000 Rohingyas ont fui la violence et les persécutions en se réfugiant au Bangladesh, au Pakistan et en Inde, tandis que d’autres se sont réfugiés en Malaisie ou en Arabie Saoudite. « La tragédie des Rohingyas est l’ouvre du SPDC, rien de plus (.). Ils sont en train de nous étrangler progressivement commente Fays Ahamed.