Eglises d'Asie

A quelques jours des élections législatives du 2 avril, les responsables des grandes religions du pays ont appelé au calme et à l’unité

Publié le 18/03/2010




Tandis que les manifestations anti-Thaksin se maintenaient à un haut niveau de mobilisation dans les rues de Bangkok, les responsables des principales religions présentes dans le pays ont appelé au calme et à l’unité dans un pays divisé entre partisans et opposants au Premier ministre Thaksin Shinawatra. “Tous les Thaïlandais sont des patriotes et désirent pour le pays le progrès et le développement. Aujourd’hui, cependant, la crise politique perturbe et soucie les gens a déclaré le cardinal-archevêque de Bangkok, Mgr Michai Kitbunchu, le 20 mars devant une assemblée de 2 000 représentants des religions bouddhiste, musulmane, chrétienne, hindoue et sikh (1).

La rencontre, organisée par le Département des Affaires religieuses du ministère de la Culture, a eu lieu au Centre culturel de Thaïlande, à Bangkok. Selon ses organisateurs, son objet était de rassembler les responsables religieux pour contribuer à faire passer un message de paix et d’unité auprès de l’opinion publique. Depuis le début du mois de février dernier, l’opposition politique au Premier ministre, avec en fer de lance l’Alliance populaire pour la démocratie, est entrée dans une phase de confrontation aiguë avec Thaksin Shinawatra. Ce dernier, élu en 2001 à la tête de son parti Thai Rak Thai, très largement réélu en 2005, a dissous la Chambre basse du Parlement le 24 février dernier et appelé à des élections anticipées pour le 2 avril. Rejeté par les classes moyennes urbaines, qui lui reprochent notamment la vente, exempte de taxe, de son conglomérat de télécommunication Shin Corp à des intérêts étatiques singapouriens, le Premier ministre demeure très populaire dans les campagnes.

Lors de la rencontre interreligieuse du 20 mars, placée sous l’égide du roi de Thaïlande, dont le 60e anniversaire de l’accession au trône est fêté cette année, les différents responsables religieux ont dit en quoi le calme et l’unité étaient, selon eux, nécessaires en ce moment. Selon le cardinal Kitbunchu, l’unité n’est pas possible si la haine est au cour de chacun ; il a donc appelé ses concitoyens à “corriger ce qui est mauvais et de se pardonner mutuellement”. Parnchai Sighsujdehb, responsable de l’Organisation sikh de Thaïlande, a assuré que, depuis le début de la crise, “les sikhs de Thaïlande priaient Dieu pour que la violence soit épargnée au pays”. Il a également rappelé que le sikhisme appelait à s’élever au-dessus des cinq vices fondamentaux : la luxure, la colère, l’avidité, l’orgueil et l’ego.

Le brahmane hindou Phra Rajaguru Vamadevamuni a, pour sa part, dit que, ce que les fidèles des différentes religions en Thaïlande craignaient par-dessous tout en ce moment, c’était un bain de sang à la manière de ce qui s’était passé en 1992, lorsque l’armée avait écrasé les manifestations pro-démocratiques. Le religieux hindou a invité les factions pro- et anti-Thaksin à négocier une issue pacifique à la crise, en guise de cadeau au roi. Pour les musulmans, Sawas Sumalyasak, conseiller d’Etat pour les affaires islamiques, a souligné que les musulmans de Thaïlande recevaient un soutien financier et moral de la part du roi. Il a rappelé que le roi avait contribué financièrement à la publication d’une interprétation du Coran en thaï.

Quant au vénérable Phuthajarn, patriarche suprême – par intérim – du bouddhisme, il a appelé à l’unité, “outil de l’amour par lequel les divisions entre les personnes et au sein de la société peuvent être abolies”. L’abbé en second du temple Sutat Thepwararam, important sanctuaire bouddhiste de Bangkok, a pour sa part appelé les bouddhistes “à ne pas se lancer dans des discussions politiques, à éviter les querelles personnelles”. Il a ajouté que “les moines bouddhistes ne sont pas autorisés à s’ingérer dans les affaires politiques attaque à peine voilée contre “l’armée du dhamma” (2), les troupes d’élite de la secte bouddhiste Santi Asoke.

Fondée en 1975 par Rak Rakpongse, ancien présentateur vedette de télévision, devenu bonze, Santi Asoke prône un bouddhisme ascétique. Rapidement populaire parmi des classes moyennes, en recherche de valeurs au sein d’une société en voie de modernisation rapide, elle a vite suscité l’hostilité de la hiérarchie bouddhique qui a obtenu l’arrestation de 80 de ses moines en juin 1989, dont son fondateur, obligé de retourner à l’état laïque. Impliquée dans le jeu politique, la secte a soutenu au cours des années 1980 Chamlong Srimuang, qui fut gouverneur de Bangkok et leader des manifestations de 1992. Chamlong Srimuang est aujourd’hui l’un des responsables de la secte (3).