Eglises d'Asie

Une étudiante catholique s’élève contre des pratiques jugées discriminatoires à l’encontre des non-musulmans

Publié le 18/03/2010




Quandeel Benjamin a porté plainte, le 28 novembre dernier, devant la Haute Cour de Lahore, au Pendjab, pour protester contre des mesures applicables aux seuls étudiants musulmans du pays et qu’elle estime être discriminatoires à l’encontre des minorités religieuses de ce pays à 95 % musulman. Depuis, elle est devenue célèbre dans les médias ; des journaux l’ont félicitée pour “s’être mise debout et s’être fait respecter” et la télévision nationale lui a consacré des reportages, la comparant à la pionnière du mouvement anti-ségrégationniste aux Etats-Unis, Rosa Parks (1).

C’est la première fois qu’un étudiant chrétien pakistanais porte en justice une affaire liée à la règle qui veut que, lors des examens d’entrée à l’université, un étudiant musulman qui s’est montré capable de mémoriser le Coran est crédité de 20 points supplémentaires. Cette règle a été établie il y a vingt-cinq ans et, dès lors que le bureau des admissions d’une université certifie qu’un ou une étudiante a appris le Coran par cour, celui-ci ou celle-ci peut bénéficier de la prime.

L’an dernier, la jeune femme Benjamin Quandeel s’était qualifié pour passer les examens d’entrée de la faculté de médecine du Pendjab. Ses notes pour son entrée à King Edward étaient de 77,97, mais la dernière place est revenue à un étudiant musulman qui avait obtenu 78,51. Sans les 20 points additionnels, les notes de ce dernier auraient été inférieures à celles de Quandeel Benjamin. L’un et l’autre faisaient partie des 12 804 candidats qui concouraient pour 2 000 places disponibles.

Aux termes de la plainte déposée par Quandeel Benjamin, il est inconstitutionnel d’accorder 20 points aux seuls musulmans qui connaissent le Coran par cour, s’il n’est pas, dans le même temps, possible d’accorder 20 points aux étudiants appartenant aux minorités religieuses et faisant la preuve de la connaissance de leur religion. Depuis le 28 novembre, l’étude de la plainte a été repoussée à plusieurs reprises par le tribunal et, le 1er décembre dernier, les cours au King Edward Medical College ont commencé sans Quandeel Benjamin.

La jeune femme a déclaré que ses parents et le prêtre de sa paroisse, le P. Emmanuel Yousaf, l’avaient encouragée à aller en justice. “Notre paroisse a toujours participé aux combats pour la justice a-t-elle précisé, soulignant que le P. Yousaf avait été lui-même à la pointe du combat pour la justice au temps de Mgr John Joseph, évêque de Faisalabad (2). “C’est ainsi que j’ai été élevée dans un contexte de lutte. Mon jeune frère et ma sour prient avec moi le Seigneur pour qu’il m’aide à obtenir justice explique-t-elle. Son père est responsable d’un foyer de jeunes et sa mère est institutrice ; ils ne disposent pas de beaucoup d’argent pour ses études. Mais la jeune femme catholique est déterminée à devenir médecin. « Si je n’obtiens pas justice dans ce pays, c’est que le Seigneur a préparé un chemin ailleurs pour moi dit-elle, ajoutant qu’à ses yeux, la pratique de la foi chrétienne au Pakistan va de pair avec l’action militante. “Cela fait partie de la vie des chrétiens et des autres minorités religieuses au Pakistan. Nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir peur dans cette lutte. Nous devons l’affronter avec assurance, mais être prudents dans nos prises de décision et leurs applications explique-t-elle encore.

Selon elle, sa situation est semblable à celle de milliers des jeunes chrétiens qui se découragent chaque année “face à ces règlements discriminatoires à l’encontre des étudiants issus des minorités et ces violations des droits fondamentaux garantis pas la Constitution du Pakistan Au King Edward Medical College, 46 étudiants musulmans ont bénéficié de cet avantage accordé à la maîtrise du Coran.

Parmi les chrétiens admis à la faculté de médecine, certains témoignent des difficultés rencontrées au cours des études. 95 % des étudiants sont musulmans, précisent-ils, et il n’est pas rare que des étudiants musulmans refusent une invitation à déjeuner ou à dîner d’un étudiant chrétien. Haroon Chaudry, étudiant de l’Ecole de médecine d’Allama Iqbal de Lahore, rapporte ainsi que “ses plus proches amis” ne veulent pas manger de ce qu’il apporte de chez lui et, un soir, ils ont refusé son invitation à rompre le jeûne du ramadan. Ils s’excusent en disant que leur religion “ne leur permet pas”. Il raconte aussi que, s’il rend visite à des amis musulmans au foyer des étudiants de l’Ecole, les fondamentalistes s’invitent et entreprennent des discussions théologiques avec eux. “Après un moment, ils se tournent vers moi et commencent à me poser des questions sans queue ni tête sur le christianisme.” Kashif Sunil étudie dans cette même faculté de médecine. Il raconte que certains musulmans l’empêchent de laver sa vaisselle dans l’évier communautaire sous prétexte qu’ils y pratiquent eux-mêmes le “wuzoo le rituel de purification avant la prière.

D’après l’Association chrétienne des étudiants évangéliques, organisation qui aide financièrement les étudiants chrétiens des universités pakistanaises, douze jeunes filles et vingt-trois garçons étudient dans les diverses facultés de médecine du Pakistan.