Eglises d'Asie

LE POINT SUR LA SITUATION POLITIQUE ET SOCIALE du 1er mars au 30 avril 2006

Publié le 18/03/2010




POLITIQUE

Avec le rétablissement de l’immunité parlementaire des trois députés de l’opposition, le 28 février dernier, et surtout depuis le vote de l’amendement constitutionnel permettant à l’Assemblée nationale d’accorder sa confiance à un gouvernement à la majorité absolue (50 %+1 voix), voté le 2 mars, le paysage politique évolue rapidement : Ranariddh démissionne de son poste de président de l’Assemblée, plusieurs ministres et hauts fonctionnaires du FUNCINPEC sont limogés, le PSR, « Parti en dehors du gouvernement lance sa politique de coopération et non plus d’affrontement avec le gouvernement. On assiste à un renversement d’alliances, imprévisible il y a trois mois, mais qui laisse planer le danger d’une concentration de la totalité du pouvoir entre les mains d’un seul parti, sinon d’un seul homme, comme le dénonce le représentant du secrétaire général de l’ONU pour le respect des droits de l’homme au Cambodge.

Nouvelle donne politique

Le 28 février, Khem Veasna, membre du PSR, exclu du PSR pour attaques verbales contre la monarchie, est remplacé par la députée de Prey Veng.

Le 2 mars, par 96 voix sur 97 présents, les députés votent l’amendement à la Constitution permettant l’abaissement à la majorité absolue (50 % + 1) pour le vote de confiance au gouvernement. Cet amendement proposé jadis par le PSR avait, alors, été catégoriquement refusé par le PPC.

Les observateurs estiment que le PPC et le PSR sont comme des joueurs de poker qui ont en vue les élections de 2008, chaque parti espérant gagner la majorité des suffrages, sans avoir besoin de s’allier à d’autres pour diriger le pays.

La majorité requise précédemment, de par la Constitution était celle des deux tiers (amendement imposé par Hun Sen qui avait peur, en 1993, d’être évincé par le FUNCINPEC). Sam Rainsy salue ce vote comme une « nouvelle avancée sur le chemin de la démocratie permettant d’éviter les crises politiques comme celles qui ont suivi les élections de 1998 et de 2003. « Cela permettra à un seul parti de gouverner le pays, évitant la création de postes inutiles au sein du gouvernement, et la corruption que cela entraîne. » Mais pour éviter la dictature, le chef de l’opposition demande une vraie séparation des trois pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire, ce qui n’est pas encore le cas au Cambodge. Cet amendement assurera la stabilité politique et la confiance des investisseurs, renchérit Hun Sen.

Certains membres du FUNCINPEC pensent que désormais Hun Sen n’a plus besoin du FUNCINPEC pour gouverner. En effet, dans la foulée de cet amendement, Hun Sen demande à Sirivuddh et à Nhiek Bun Chhay, respectivement co-ministre de l’Intérieur et co-ministre de la Défense, de quitter leurs fonctions, les deux personnalités restant Vice-Premiers ministres. Il estime le système des co-ministres mauvais, entraînant des lourdeurs, et indique que le système des quotas pour la répartition des postes dans l’administration à chaque parti (70 % au PPC, 30 % au FUNCUINPEC) est terminé. « Nous allons garder ceux qui sont compétents. Aux autres nous proposerons des stages de perfectionnement dit le Premier ministre. « Désormais il n’y a plus de fonctionnaires PPC et FUNCINPEC, mais uniquement des fonctionnaires du gouvernement Heng Samrin met en garde Ranariddh contre son retrait du gouvernement : « Si le prince se retire, certains ministres le suivront, d’autres resteront avec le gouvernement. » « Certains rejoindront le PPC. Ils seront les bienvenus ajoute même Hun Sen.

Le 4 mars, Ranariddh, sans doute blessé par les propos virulents du Premier ministre contre les membres incompétents et corrompus du FUNCINPEC, et sur sa propre vie privée, ou plutôt tirant la conclusion logique du vote de la veille, démissionne de ses fonctions de président de l’Assemblée nationale, « dans l’intérêt du parti ». Il tente de restructurer le FUNCINPEC en nommant Chakrapong (son demi-frère) à la place de Sirivuddh (demi-frère du roi Sihanouk) au poste de secrétaire général. Cette nomination n’a pas l’air de plaire aux dirigeants du FUNCINPEC qui accusent Chakrapong d’avoir trahi une fois le parti pour entrer au PPC en 1992, d’avoir lancé un mouvement de sécession après les élections de 1993, d’avoir lancé son propre parti « Chakrapong de l’âme khmère » en 2002. Ils refusent cette candidature, Nhek Bun Chhay reste seul candidat.

Curieuse coïncidence, le 14 mars, le ministre des Finances demande à Chakrapong de rembourser la somme de 1 360 000 dollars dans les trois jours, en taxes de parking non réglées, d’avril 2001 au 30 juin 2005, par la société aérienne Royal Phnom Penh Airways, dont il était président.

Le 5 mars Ranariddh annonce sa démission de co-président du Conseil pour le Développement du Cambodge.

Depuis cette date, de nombreux fonctionnaires du FUNCINPEC sont démis de leurs fonctions : le 5 mars, le général Sao Rany (adjoint du directeur de la police nationale) est limogé ; 104 conseillers de Ranariddh (coûtant 300 000 USD à l’Etat par an) sont rayés des rôles.

Le budget de ces conseillers était supérieur à celui des con-seillers des trois plus hautes personnalités de l’Assemblée na-tionale (90 personnes). Hun Sen a 56 conseillers, Sar Kheng 5.

Dans sa politique de nettoyage, le 14 mars, Hun Sen s’en prend à la mauvaise gestion du Comité national olympique (CNO) présidé par Ranariddh, dont il dénonce la mauvaise gestion et la corruption, et annule l’organisation des Sea-Games prévus en 2011 dans le Royaume. Un million de dollars auraient disparu en frais d’hôtels cinq étoiles et autres dépenses inutiles. Il bloque donc un financement du CNO de 500 000 USD. Le 20 mars, le ministère de l’Education, de la Jeunesse et des Sports demande la démission de Khek Ravy, président du CNO, qu’il accuse de ne lui avoir jamais présenté les comptes. Le 24 avril, les onze membres du CNO élisent Sao Sokha, chef de la police militaire, à la place de Khek Ravy.

Le ministère de l’Education, de la Jeunesse et des Sports, renonce à organiser la President’s Cup qui devait se tenir à Phnom Penh du 10 au 20 mai, faute de moyens financiers pour installer des lampes halogènes de 4 000 lux et réparer les vestiaires, soit 850 000 dollars. Finalement la coupe aura lieu, mais de jour.

Le 14 mars, Ranariddh, de nationalité française, part en France, théoriquement pour aller donner des cours à l’université d’Aix en Provence, et délègue ses pouvoirs par écrit à Sirivuddh, pour gérer le parti et signer des documents officiels. Il n’indique ni les motifs de son départ, ni la durée de son absence. Le même jour, le PPC et le FUNCINPEC mettent sur pied une commission pour régler les conflits entre les deux partis.

Le 20 mars, lors de sa première session, le Sénat élit Chéa Sim président (PPC), Sisowath Chivanmonirak (FUNCINPEC) premier vice-président, Tep Ngoun (PPC) deuxième vice-président. Le FUNCINPEC perd donc un vice-président. « Normal, puisque le PPC a gagné les élections dit un membre du PSR.

En toute logique parlementaire, le 21 mars, Heng Samrin est élu par 110 voix sur 112, à la place de Ranariddh comme président de l’Assemblée. Kim San (FUNCINPEC), secrétaire général de l’Assemblée est remercié. Le premier vice-président est PPC, le deuxième vice-président, You Hok Kry, est FUNCINPEC, alors que la candidate proposée par Ranariddh était sa demi-sour, Norodom Vachéara. Lors de la même séance, l’assemblée reconduit Nhek Bun Chhay dans ses fonctions de vice-Premier ministre (106 voix sur 111), et sanctionne Sirivuddh (17 voix sur 111) qui perd ses fonctions. Sirivuddh annonce dans la foulée sa démission de président par intérim du FUNCINPEC.

Le 23 mars, les vice-gouverneurs de Phnom Penh, des provinces de Kandal, de Siemrap, de Banteay Méan Chhey sont mutés à d’autres postes. Le 29 mars, le gouverneur FUNCINPEC de Mondolkiri est démis de ses fonctions. Quarante trois autres hauts fonctionnaires FUNCINPEC devraient encore être mutés, pour manque de compétences. Seuls treize d’entre eux seront remplacés, les 30 autres postes étant inutiles. Le 2 avril, quatre vice-gouverneurs FUNCINPEC sont remerciés. Au total ce sont sept gouverneurs FUNCINPEC qui sont remplacés par des gouverneurs PPC. Le 22 avril, sept chefs provinciaux FUNCINPEC de la police sont mutés. L’ambassadeur FUNCINPEC aux Philippines est relevé de ses fonctions.

Aux critiques, Hun Sen répond qu’il nettoiera tous les fonctionnaires qui ont acheté leur place sous de faux noms ou qui sont incapables. Un diplomate étranger donne son avis : « Les pays donateurs reprochent beaucoup de choses à Hun Sen, mais pas cela ».

Le 26 mars, le PSR annonce qu’il boycottera les forums menés par le Comité cambodgien des droits de l’homme (CCHR) créés par Kem Sokha qui ne font que le critiquer, et accuse Kem Sokha de prendre la CCHR pour en faire un marchepied à la formation d’un parti politique lui volant son électorat. Le CCHR reçoit chaque année 800 000 USD de la part de Republican Institute. « Si je créais un parti. je perdrais l’aide que je reçois de l’USAid dit Kem Sokha.

Famille royale

Le 3 mars, Hun Sen invite le Roi-Père, résidant à Pyong Yang, à rentrer au Cambodge pour le nouvel an. Le roi décline l’invitation. Il rentrera sans doute vers le 20 mai.

Après avoir visité la population cambodgienne dans les différentes provinces, le roi Sihamoni se fait connaître sur la scène internationale en se rendant en visite officielle au Laos et au Vietnam (27 mars), puis en Malaisie, et en Indonésie.

Plusieurs membres de la famille royale accusent le PPC et la direction du FUNCINPEC de vouloir évincer la famille royale de toute activité politique. Les revers politiques de Ranariddh, de Sirivuddh, de la princesse Vachéara, sa sour, de Chakrapong, sembleraient indiquer que la famille royale n’a plus le vent en poupe. Comme dit un membre du FUNCINPEC, « certains membres de la royauté sont invités à modifier leur comportement Des journaux proches du PPC suggèrent que les membres de la famille royale soient exclus de la politique. Heng Samrin, président du PPC, affirme que « le PPC n’a nullement l’intention d’exclure la famille royale. Certains membres s’en excluent eux-mêmes en faisant des choses qui n’inspirent pas confiance a-t-il dit.

Nhek Bun Chhay est en train de réduire le comité directeur du FUNCINPEC de 193 à 39 membres. La princesse Vachéara propose de changer le nom du parti, puisque les membres de la famille royale sont exclus des instances dirigeantes. Selon la princesse, parmi les plus hautes instances du parti, onze sont des républicains. A l’exemple de son frère Sirivuddh, le 11 avril, la princesse Vachéara démissionne de la présidence d’un groupe de travail pour la préparation des élections, et devient simple membre du parti.

Le 7 avril, le gouverneur FUNCINPEC de Siemréap écrit à Hun Sen pour lui demander l’autorisation de rallier le PPC. Hun Sen accepte. Selon le déserteur, beaucoup voudraient suivre son exemple, car depuis 2000, le FUNCINPEC vit dans « l’anarchie et le désordre ». Selon les responsables du FUNCINPEC, ce déserteur avait acheté le nom d’un autre et ne faisait donc qu’obéir aux ordres de Hun Sen.

Le PSR se lance dans la démocratisation du parti : les militants des villages éliront des délégués communaux, qui éliront à leur tour des comités provinciaux, qui éliront les candidats aux prochaines élections de 2008, le tout à bulletin secret. Les délégués de district et de province formeront le Congrès national, qui choisira son président et comité directeur. Après les élections, le PSR reprendra son nom originel, « Parti de la nation khmère ».

Le 7 avril, l’Assemblée nationale approuve les changements des hauts fonctionnaires opérés par le gouvernement, et élit deux députés PSR à la tête de la commission parlementaire de l’Intérieur et de la défense nationale (Yin Sovann), ainsi qu’à celle de la coopération internationale et de l’information (Son Chhay). En plus, le PSR reçoit deux postes de vice-président et trois de secrétaire de commission. Désormais le PPC préside cinq commissions, le FUNCINPEC et le PSR deux chacun. Onze députés PSR deviennent membres des dites commissions. « Cette nouvelle donne reflète mieux le résultat des urnes se réjouit Hun Sen, qui met ainsi fin à la crise qui a suivi les élections de 2003.

Politique internationale

Rapport avec le Vietnam

Le 7 mars, au terme d’une visite de deux jours au Cambodge, le Premier ministre vietnamien s’engage à faire fabriquer par son pays les bornes frontières et à les mettre en place d’ici la fin de l’année 2008.

Les Khmers Krom qui voulaient manifester contre les mauvais traitements infligés à leurs compatriotes par les autorités vietnamiennes, ne sont pas autorisés à manifester, mais peuvent remettre une lettre au Premier ministre vietnamien.

Soixante sept villageois de Ta Nga, près d’Anlong Méas, se plaignent de ce que les soldats vietnamiens ont détruit leurs cultures et se sont emparés de leurs terres, affirmant que le village est vietnamien. Les autorités vietnamiennes ont même construit une route traversant le village. Le cas n’est pas isolé, on entend souvent de semblables plaintes en d’autres parties de la frontière.

Chine

Le 9 avril, le Premier ministre chinois, Wen Jiabao, se rend au Cambodge pour un voyage éclair de moins d’une journée, lors de sa tournée en Asie-Pacifique. Phnom Penh réaffirme sa position pour « une seule Chine ». La Chine se positionne comme l’acteur incontournable en Asie, le seul capable de contenir l’influence américaine dans la région. Par le Cambodge, la Chine a un accès direct au Golfe de Siam. Le Cambodge, d’autre part, joue sa carte politique traditionnelle : la Chine est le meilleur rempart contre ses deux voisins expansionnistes vietnamien et thaï.

JUGEMENT DES EX-RESPONSABLES DU KAMPUCHEA DEMOCRATIQUE

Le 8 mars, Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, annonce qu’il a soumis une liste de douze juges et experts internationaux au gouvernement de Phnom Penh. Cinq juges doivent être choisis parmi les noms de cette liste par la Cour suprême cambodgienne.

Le 14 mars, deux accords sont signés entre l’ONU et le gouvernement cambodgien pour préciser les droits et obligations de chaque partie. Le gouvernement prendra en charge les bâtiments, la détention des accusés, le logement sécurisé pour les témoins et victimes, les bureaux, l’eau, l’électricité. L’ONU prendra en charge les véhicules, les télécommunications, le soutien à la défense et aux témoins.

Le 31 mars, quatre moines viennent bénir les bâtiments qui abriteront le tribunal. Une statue du Lauk Ta Dambang Daèk le génie au bâton de fer de 1,76 m., sculptée par l’université des beaux-arts, sur proposition de la représentante de l’ONU, persuadera les accusés de dire la vérité. « Tous les esprits ont été invités, seul Lauk Ta Dambang Daèk a accepté l’invitation Ce génie a le pouvoir de lire dans les esprits. Tous seront invités à prêter serment de dire la vérité devant lui.

Nuon Chéa, n° 2 du régime de Pol Pot, estime que l’appellation « Khmer rouge » est méprisante, car elle émane des opposants au régime, en l’occurrence de Sihanouk, vers 1965. A Anlong Veng, lors du huitième anniversaire de la mort de Pol Pot, une cérémonie bouddhique est organisée en son honneur, dans laquelle il est traité de « patriote ». Pour d’autres, Pol Pot est devenu un Néak Ta (génie) puissant qui leur fait gagner de l’argent. Le roi Sihanouk s’insurge.

Un film thaïlandais intitulé Ghost Games (‘jeux des fantômes’), prend le centre de détention « S 11 » et un pays fictif « Gambodia » comme terrain, provoquant la fureur de défenseurs des droits de l’homme qui voient ainsi banaliser la barbarie khmère rouge.

Pour beaucoup de jeunes ou d’étudiants cambodgiens, les atrocités commises au temps des Khmers rouges ne relèvent que du mythe.

ECONOMIE

Croissance

Selon le rapport de la Banque mondiale (BM), la croissance en 2005 s’élèverait à 7 %. L’Institut national des statistiques l’estime à 9,8 %, l’Institut Economique du Cambodge à plus de 10 %. Selon la BM, le taux de croissance de l’agriculture serait de 17 %, grâce à une pluviométrie très favorable. Les exportations de textiles sont en hausse de 10,6 % (2,2 milliards de dollars), le tourisme a connu une progression de 35 %. Les investissements étrangers ont presque doublé par rapport à 2004 (210 millions). Cependant, l’inflation a augmenté (6,7 % en 2005, contre 5,7 % en 2004, et 0,5 en 2003). Si le pourcentage de la population vivant sous le seuil de pauvreté à baissé (47 % en 1994, 35 % en 2005, soit une diminution de 1 % par an, à comparer aux 3,2 % du Vietnam et 2,3 du Laos), le nombre des pauvres a augmenté en chiffre absolu, passant de 4,6 à 4,8 millions de personnes. Si la confection a augmenté en volume, les revenus des ouvriers du textile auraient chuté en moyenne de plus de 5 %, à quoi il faut ajouter l’inflation de 6,7 %.

Même sans analyse statistique, un observateur impartial s’aperçoit du progrès économique réalisé durant la dernière année : nombre de voitures (luxueuses), construction en grand boom, divertissements chers, etc. Le pays semble commencer à décoller. Cependant, ce décollage est à multiples vitesses, et est réservé à un pourcentage relativement restreint de la population, ce que confirment les analyses les plus fines.

Agriculture

Selon les chiffres officiels délivrés le 29 mars, la récolte de riz 2005-2006 a été excellente et s’élève à 5,9 millions de tonnes, soit 1,4 million de plus que l’an dernier (+ 43 %, la meilleure depuis 27 ans). Mais plus d’un demi million de tonnes sont partis en contrebande à l’étranger, sans valeur ajoutée. Selon le ministère de l’Agriculture, le Cambodge exporte annuellement 500 000 tonnes de riz. Les entreprises de décorticage de riz se plaignent de ne pas avoir accès à des prêts pour stocker le riz, ce qui leur permettrait de rivaliser avec les pays voisins.

Cependant, la famine se ferait sentir dans plusieurs provinces (Kompong Speu, Battambang, Prey Veng, Oddar Méan Chhey, Svay Rieng, Pursat). Par exemple, même si les statistiques notent un surplus de 1 000 tonnes de riz dans la province d’Oddar Méan Chhey, la famine menace. « Les riches ont stocké le riz dans leurs greniers et ne le distribuent pas se plaint le gouverneur de la province.

Le 12 mars, pour la première fois, l’Arabie Saoudite fait un don de 1 034 tonnes de riz au PAM pour ses programmes d’alimentation des élèves scolarisés, et ses programmes « travail contre nourriture » dans la région de Kompong Cham et Kompong Cham. Ce don représente 440 000 dollars.

Bois

L’administration des forêts reconnaît qu’entre 2004 et 2006, 264 902 hectares de forêts, propriétés de l’Etat, ont été détruites par les riches et les puissants. « C’est plus difficile que de lutter contre les Khmers rouges reconnaît Hun Sen.

La construction du nouveau bâtiment de l’Assemblée nationale requerrait 10 000 m3 de bois précieux. Si l’on en faisait des planches de 2,5 cm, cela représenterait une surface de 26 hectares. Si on en faisait un mur de 3 mètres de haut, cela représenterait un mur de 86 kilomètres.

Tourisme

Le 19 avril, le secrétaire d’Etat au tourisme conduit une délégation interministérielle pour développer des sites touristiques sur l’histoire des Khmers rouges : la tombe de Pol Pot, la maison de Ta Mok, etc. Ces sites seraient loués à des sociétés privées, comme l’a été le site de Cheung Aek Killing Field Des opérations de spéculations foncières sont lancées par des hauts personnages de l’Etat dans le secteur. Le secteur d’Anlong Veng attire beaucoup de Cambodgiens qui spéculent sur la valeur des terrains.

Le 7 avril, après plus de dix ans passés à contrôler les exportations supérieures à une valeur de 4 500 dollars, la société suisse SGS (Société Générale de Surveillance) est remplacée par BIVAC International, après un appel d’offres. La SGS demandait un tarif de 0,8 % des valeurs contrôlées, BIVAC ne demande rien.

AIDES et INVESTISSEMENTS

Le 2 mars, lors de l’ouverture de la 8e réunion du Groupe consultatif, Hun Sen demande aux représentants des pays donateurs de lui faire confiance, car le Cambodge, sous sa houlette, « passe de la guerre à la paix, d’une culture de conflit à une culture de compromis, d’une culture de confrontation à une culture de dialogue et de réconciliation Il invite les donateurs à donner davantage de responsabilités aux Cambodgiens, et à les laisser maîtres de leurs réformes. Comme à l’accoutumée, il promet de procéder à beaucoup de réformes, et se prétend le seul à pouvoir les réaliser.

Certains pays émettent quelques réserves sur la politique gouvernementale. Le Cambodge demande une aide de 513 millions de dollars, on lui en offre 601 millions. « C’est un encouragement aux réalisations opérées sous la conduite de Hun Sen constate le ministre des Finances. L’Europe, à elle seule, s’engage à verser 164 millions, l’ONU 58, la BAD 88, la BM 53, les Etats-Unis 61, la France 39, l’Australie 18,6. Le Japon versera 115 millions lorsque sera arrivé le terme de son année fiscale. Certains voient dans ces aides un encouragement à la corruption.

A la fin février, le gouvernement japonais accorde une aide et un prêt de 12,3 millions de dollars pour soutenir le gouvernement cambodgien dans ses ajustements structurels économiques, ainsi que pour le développement du port de Sihanoukville. Le 7 mars, 900 000 dollars sont accordés dans le cadre du programme Kusanone aux ONG japonaises : fourniture de bennes à ordures à la municipalité de Phnom Penh (59 000), agence de déminage MAG (619 000), construction d’école (39 000), programmes éducatifs pour les enfants (93 000), assistance sanitaire (82 000).

Le 7 mars, lors d’un forum portant sur les échanges commerciaux entre le Cambodge et le Vietnam, en présence du Premier ministre vietnamien, le Premier ministre cambodgien « suggère aux investisseurs vietnamiens d’ouvrir des usines aux frontières, qui s’alimenteront en électricité produite dans leur pays à meilleur marché ». Trente neuf produits cambodgiens sont exonérés de taxes, (dont le riz, les feuilles de tabac, les noix de cajou, le caoutchouc, le poivre, le sucre de canne, les bananes). Les échanges commerciaux entre les deux pays sont actuellement de 700 millions de dollars. Deux ponts seront construits sur le Tonlé Sap et le Bassac, grâce à la coopération entre les villes d’Hô Chi Minh Ville et Phnom Penh. Une succursale de l’hôpital Charey et un centre commercial vietnamien seront construits dans la capitale cambodgienne pour une valeur de 40 millions de dollars.

L’unique usine de torréfaction de noix de cajou (Khmer Agricultural Product), sise à Kompong Cham, ferme ses portes et renvoie ses 400 employés. La faute reviendrait aux autorités cambodgiennes qui demandent sans arrêt des pots de vin, au prix trop élevé de l’électricité, de l’eau, des produits pétroliers qui rendent les produits cambodgiens peu compétitifs par rapport à ceux du Vietnam. L’usine, qui représentait un investissement d’un million de dollars, était prévue pour torréfier 3 000 tonnes de noix par an, mais elle n’arrivait à en acheter que 1 000, le reste partant en contrebande au Vietnam à des prix défiant toute concurrence. La province de Kompong Cham est couverte de 10 000 hectares d’anacardiers, produisant 10 000 tonnes de noix par an.

Le groupe AZ, dirigé par Ung Bun Haw, membre important du PPC, en dépit de l’absence de loi sur l’attribution de mines, reçoit l’autorisation d’extraire du bauxite dans un parc national protégé de la province de Mondolkiri, refuge des tigres, des éléphants, et des boeufs sauvages. Il a déjà dépensé deux millions de dollars en prospection. La construction d’une usine de transformation du minerai d’aluminium coûterait plus d’un milliard, et demanderait une puissance électrique de 1 500 mégawatts. Les ONG de défense de l’environnement s’inquiètent des conséquences écologiques de cette usine.

Le 20 mars, le ministre des Finances signe un accord avec la Banque japonaise de Coopération internationale pour un crédit de 2,739 millions de dollars, afin de financer la première phase du développement de la zone économique spéciale de Sihanoukville, qui doit s’étendre sur une superficie de 1 000 hectares, et générer 500 000 emplois à l’horizon 2010-2012.

Le 21 mars, Hun Sen se rend en visite officielle en Corée du Sud, et signe un prêt de 21,7 millions de dollars, ainsi qu’un accord permettant aux travailleurs cambodgiens de partir en Corée. Actuellement, 1 700 Cambodgiens sont travailleurs immigrés en Corée.

Le 24 mars, la coopération française signe trois accords d’assistance avec l’Académie royale des professions judiciaires (Ecole royale de la magistrature, ER des greffes) pour une valeur de 63 000 dollars, afin de financer la formation des greffiers.

Selon l’agence officielle chinoise Xinhua du 31 mars, l’une des plus importantes sociétés chinoises de production de caoutchouc (Hainan Natural Rubber) signe un contrat avec une société cambodgienne inconnue (Suigang Investisment), sise à une fausse adresse, pour planter et exploiter des hévéas sur 62 659 hectares, dans la province de Préah Vihéar, dont 88 % seraient couverts en forêt. Or la loi cambodgienne de 2001 interdit d’accorder une concession supérieure à 10 000 hectares. Cette mystérieuse société aurait demandé une concession de 90 000 hectares en octobre dernier, qui aurait été réduite à 60 000. On assiste au même processus d’affirmations et de démentis, de fausses adresses que pour l’attribution d’une concession à la société chinoise Wuzhishan à Mondolkiri

Le 7 avril, lors de sa visite-éclair au Cambodge, le Premier ministre chinois signe onze accords, portant sur un don et prêt de 600 millions de dollars, pour moitié déjà accordés par le passé. Il pose la première pierre du chantier de construction du nouveau bâtiment du Conseil des ministres, de la centrale hydraulique de Kamchay. Une partie des dons sera affectée à la construction de deux ponts sur le Mékong (à Prek Tamak) et sur le Tonlé Sap (Prek Kdam).

La société thaïlandaise Samart, contrôlant déjà le trafic aérien cambodgien, principal actionnaire de la cimenterie de Kampot, va lancer une centrale électrique d’une valeur de 22 millions de dollars, dans l’enceinte même de l’usine.

Une société chinoise (Golden China Group) obtient l’autorisation d’exporter 5 000 macaques à longue queue, pour expériences médicales. Dans la province de Kratié, les villageois déboisent pour obliger les singes à se regrouper sur un seul arbre, qu’ils coupent ensuite. Un trafic de singes est par ailleurs organisé avec le Vietnam, où le singe se vend entre 10 et 15 dollars.

SOCIETE

Selon le rapport du ministère des Affaires sociales, présenté le 16 mars, le Cambodge serait peuplé de 13 millions d’habitants, dont 34,7 % vivraient au-dessous du seuil de pauvreté. Il compterait 169 058 handicapés, dont 69 552 femmes. Chaque mois, 79 personnes perdent un membre en sautant sur une mine ou des engins non explosés. Vingt orphelinats d’Etat accueillent 1 849 orphelins, 133 centres tenus par des ONG en accueillent 5 182. En 2005, 48 896 personnes ont souffert de famine, et 8 962 de catastrophes diverses.

Les accidents du travail causeraient 1 500 décès par an, soit quatre morts par jour, spécialement dans les transports, les chutes et électrocutions (bâtiment). On signale assez fréquemment des accidents par explosion d’engins que les ferrailleurs sont allés déterrer pour revendre

Le bâtiment dans lequel est hébergé l’ONG Mith Samlanh (Friends), fondée en 1994 et dirigée par Sébastien Marot, est vendu pour 2,5 millions de dollars. Ce centre héberge chaque jour 1 800 enfants des rues. Six docteurs y donnent 2 346 consultations par mois. L’ONG dirige treize programmes contre le sida. Le budget annuel de Mith Samlanh est de 1,4 million de dollars.

Selon plusieurs agences de voyage, le nombre de Cambodgiens s’étant rendus à l’étranger pour les fêtes du Nouvel an (14-17 avril) a augmenté de 30 à 40 %. Ils étaient 248 l’an dernier.

Le 28 avril, le Front Uni pour la Construction Nationale et la Défense du Kampuchéa, créé en 1981, organisation de masse émanant du FUNKS de 1978, se mue en une ONG, nommée Front pour le développement du Cambodge, enregistrée au ministère de l’Intérieur. Cette ONG comprend le même personnel et organigramme que le front de jadis : Heng Samrin, Chéa Sim et Hun Sen dans le comité d’honneur de 30 membres, 391 membres dans le comité national, 27 membres permanents. Cette création « non politique », permettra à ceux qui ne veulent pas rejoindre directement le PPC, de rejoindre son action. On ignore ce que cache cette création.

Forces armées

Selon le co-ministre de la Défense, les forces armées comprendraient 112 773 hommes, 613 généraux (dont plus d’une centaine honorifiques), et 6 654 colonels. Depuis le 1er mars, l’âge de mise à la retraite pour les hommes de troupe varie entre 38 et 42 ans, de 43 à 55 ans pour les officiers jusqu’à commandant, à 58 ans pour les lieutenants-colonels, et 60 ans pour les colonels et généraux. Cela permettra ainsi la mise à la retraite de 38 000 militaires. En 2004, la Banque mondiale avait suspendu son programme de démobilisation d’un montant de 18,4 millions de dollars, pour cause de malversations. D’après le ministre, il n’y aurait pas de soldats « fantômes ». Les soldats handicapés ne reçoivent leur retraite que 150 à 200 jours après la date prévue (ce qui permet à leurs supérieurs de faire fructifier le capital).

Le 15 avril, 109 démineurs cambodgiens partent pour le Soudan, à l’invitation de l’ONU. Ils seront un total de 135. Pour le Premier ministre, c’est le signe d’une volonté du Cambodge d’intégrer pleinement la Communauté internationale. Il conseille à ses soldats de ne pas répéter les fautes de l’APRONUC au Cambodge.

L’ambassadeur des Etats-Unis demande au Cambodge d’envoyer un contingent en Irak, même un contingent humanitaire. Cet envoi serait contraire à la constitution estiment certains, d’autres pensent que ce serait une occasion pour le Cambodge de payer en retour l’assistance humanitaire dont il a été le bénéficiaire, d’autres que ce serait placer le Cambodge comme un partenaire international. Finalement Hun Sen décide de s’abstenir : « Nous sommes dégoûtés de la guerre. Notre peuple a suffisamment souffert dit-il.

Le 4 avril, trois Cambodgiens dont au moins un d’origine cham, sont arrêtées près de Phnom Penh (Chraing Chamrès), en possession de deux lance-roquettes antichar, de marque Ambrush, fabriquées à Singapour, sur brevet allemand, utili-sées par la résistance contre le régime de Phom Penh des années 1980, ou importées avant les « événements » de 1997 par le FUNCINPEC. Il semblerait qu’il s’agisse de trafic d’armes avec la rébellion musulmane de Thaïlande. Ils cherchaient à vendre ces lance-roquettes 100 000 dollars pièce.

Plus de 2 000 armes de fabrication chinoise et américaine sont découvertes dans une cache creusée par les Khmers rouges, près de Samlaut. La plupart de ces armes, bien graissées, seraient en état de fonctionnement. Ce sont les villageois qui ont révélé l’emplacement au CUMAC.

Circulation routière

La coopération belge lance une campagne de distribution de 2 100 casques dans la province de Siemréap, pour une valeur de 25 000 dollars. Ces dons s’accompagnent d’une éducation au code de la route et au civisme.

Après avoir interdit les voitures avec volant à droite, Hun Sen les autorise, pour faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat. Il y aurait 30 000 voitures à volant à droite, dont les propriétaires, en grande partie des militaires, policiers et gendarmes, ne paient pas de taxe. Depuis cette mesure, 1 200 propriétaires ont obtenu une plaque d’immatriculation en règle, sur 3 000 qui se sont présentés. Cependant, selon plusieurs ONG, les voitures à volant à droite sont à l’origine d’un quart des accidents.

Mouvements sociaux

Les syndicats SIORC, l’AIEC (Association Indépendante des Enseignants du Cambodge) et d’autres syndicats moins importants demandent l’autorisation de se rassembler pour le 1er mai : ils demandent un salaire mensuel de 100 dollars pour les enseignants, 82 pour les ouvriers, et la réduction de la durée hebdomadaire de travail de 48 à 44 heures. La municipalité refuse l’autorisation.

Le 27 février, 200 employés des usines Néak Hos (Flying Fragon) c’est-à-dire un sur trois, se mettent en grève pour réclamer l’application par la direction de la décision du Conseil d’arbitrage du 10 février dernier, ordonnant la réintégration de sept syndicalistes licenciés. Ces syndicalistes protestaient contre la réduction des contrats à durée indéterminée à une année, puis à trois mois. Sam Rainsy demande par écrit au Premier ministre d’intervenir pour régler le conflit. Les grévistes menacent de brûler les commandes prêtes à être envoyées aux Etats-Unis. La grève dure deux semaines.

Le 2 mars, environ 3 000 employés de l’usine Wing Tai Apparel manifestent, deux jours après que la direction ait fermé ses deux usines par manque de commandes. Vingt deux usines ont fermé en 2005, 53 nouvelles ont ouvert leurs portes, 256 travaillent actuellement.

De la fin février à début mars, plus de 10 000 ouvriers de sept usines se mettent en grève pendant plus d’une semaine pour demander une augmentation de salaire et de meilleures conditions de travail.

Spoliation de terrains

Le 26 février est créée officiellement une autorité chargée de régler les conflits fonciers, présidée par Sok An, ministre du Conseil des ministres. Cette autorité comprend les membres des différents partis. Les dix ONG cambodgiennes de défense des droits de l’homme refusent d’en faire partie pour garder leur liberté d’action, des dignitaires du gouvernement ou de l’armée étant impliqués dans la plupart de ces conflits. Le 15 mars, lors d’une réunion avec ces ONG, Hun Sen demande que les gens emprisonnés à cause des conflits fonciers soient libérés, et toutes les concessions de 10 000 hectares soient réduites, mais il refuse que ce soit l’Assemblée nationale qui vote l’attribution de ces concessions. Les détenus sont progressivement libérés.

La technique de spoliation des terres est simple : les hommes influents de Phnom Penh s’attribuent des terrains sur une carte, puis se font établir un titre de propriété légal, éventuellement antidaté, par les autorités locales, contre échange d’un cadeau, puis en chassent les habitants, qui, eux, occupent le terrain depuis des décennies, sans titre de propriété, puisqu’ils n’existent pas encore partout au Cambodge.

On commence à noter plusieurs cas de réactions violentes de la part des paysans, qui rappellent celles de Samlaut et de Ratanakiri en 1967 et 1968, préludes à la révolte khmère rouge.

Vingt-cinq familles de la minorité Kreung de Labansiek (Ratanakiri) s’opposent à deux membres du PPC pour la possession d’un terrain.

Le 28 février, Om Yentieng, président de la Commission gouvernementale pour le respect des droits de l’homme, accuse les autorités de Kompong Speu d’avoir déplacé 700 pauvres des villages du mont Aural, de 2 000 hectares de terres en conflit.

La sour du ministre des Finances, mariée au secrétaire d’Etat du ministre de l’Aménagement des sols, est accusée d’avoir acheté illégalement 500 hectares de terres dans le district de O Yadav (Mondolkiri). Le représentant d’ADHOC, à Ratanakiri, estime à plus de 10 000 dollars le bénéfice tiré par les autorités locales dans cette vente. Les autorités ont menacé les villageois, ou leur ont offert quelques caisses de bière et des jarres d’alcool.

Soixante-dix soldats du bataillon 310 de la police des frontières accusent deux de leurs commandants d’avoir donné seize hectares de leur base située dans la région de Samlaut, à des parents ou des « soldats fantômes ». Ils auraient ainsi gagné 300 000 dollars.

A Chhuk, dans la province de Kampot, un chef de pagode se voit interdire par les autorités locales d’encourager les fidèles à manifester contre l’octroi d’une concession de 9 800 hectares qui devra déplacer 1 020 familles, en cinq villages, à une société de fabrication de sucre de canne (Worl Christa).

Le 8 mars, à Stoeung Trang, dans la province de Païlin, les villageois armés de pierres, de couteaux et de bâtons, ainsi que de bouteilles d’essence, se défendent contre une charge de cinquante policiers et militaires venus expulser dix familles de leurs terres : deux militaires sont grièvement blessés, cinq légèrement.

Le 14 mars, plus de cent paysans armés de machettes, de Prasat Bang (Kompong Thom), manifestent contre une société à qui le gouvernement a accordé une concession de 10 000 hectares pour y planter des acacias.

Le 15 mars, environ 400 contrebandiers d’essence s’attaquent à un bureau des douanes de Trapéang Thlong (Krek, Province de Kompong Cham), brûlent une voiture avec laquelle les douaniers ont poursuivi et tué l’un d’entre eux.

Le 14 mars, le vice-gouverneur de Siemréap (FUNCINPEC) fait saisir 700 exemplaires du journal cambodgien Réasmey Kampuchéa, qui l’accuse d’avoir vendu un lac public. Il pourrait s’agir de révélations dans le cadre de la campagne du PPC contre le FUNCINPEC.

Le 17 mars, environ 300 résidents du quartier de Dangkor (Kandal), armés de couteaux, de bâtons, de houes, se heurtent à cinquante policiers armés de boucliers et de bâtons, dans un conflit foncier. Il semble que des grands du royaume soient derrière chacun des deux camps.

A Roméas Aek, dans la province de Svay Rieng, 450 hectares de forêts ont été coupés depuis l’an 2000. La police et les agents de protection de la forêt sont responsables de cet abattage de bois. Le 20 mars, un groupe de villageois signe une pétition pour protester contre cette destruction.

Le 20 mars, 70 familles de Koh Kong portent plainte contre une femme d’affaires phnom penhoise qui s’est emparée de 500 hectares de leurs terres à Srè Ambel.

Le 23 mars une centaine de villageois de Siemréap protestent contre la relaxe, sur ordre du député PPC, de sept pécheurs qui ont rasé neuf hectares de forêts inondées, sur encouragement des autorités locales.

Le 31 mars, une vingtaine de villageois de Ratanak Mondol (Battambang) qui arrachaient des plans de manioc plantés sur leurs terres, réclamées par le commandant du bataillon 504, ont été blessés. Une lettre émanant de Om Yentieng, conseiller du Premier ministre, en date du 14 février, ordonnait pourtant aux deux parties de rester tranquilles, tant que la justice n’aurait pas réglé le conflit.

Au début du mois d’avril, les habitants du district de Ponhéa Lu (Kandal), s’insurgent contre la société Pan-Imex qui devait y développer un programme agricole sur 400 hectares et y construire un village culturel sur 200 hectares. Mais la société commence des travaux sur des terrains qu’elle n’a pas acquis.

Le 24 avril, des affrontements se produisent dans la province de Bantéay Méan Chhey entre une soixantaine de villageois et les forces de l’ordre venues déplacer une clôture sur un terrain, où vivent dix-huit familles.

Le 10 avril, l’Autorité nationale pour la résolution des conflits fonciers se réunit pour la première fois : elle a reçu plus de cent plaintes, dont environ quarante jugées « sensibles » et estime leur nombre à 3 000, dont mille ont déjà été prises en charge par le gouvernement.

Vente de biens d’Etat

Le théâtre du Bassac détruit par un incendie en 1994 est cédé sous forme d’un bail de trente ans à Royal Group (Kit Meng, patron de Mobitel et des chaînes TV CTN) qui y construira un studio pour sa TV. Les termes de la cession ne sont pas révélés. Royal Group doit construire une salle de théâtre sous l’un des deux chapiteaux du cirque soviétique. L’autre chapiteau a été transformé en boîte de nuit par la société Spark.

Les abords de la route reliant Stoeung Treng à Ratanakiri, distant de 142 km. ont été complètement déboisés sur des kilomètres de chaque côté, au profit de hauts fonctionnaires ou hommes d’affaires de Phnom Penh qui y ont reçu des concessions. « Un désastre écologique dit un observateur.

Le 17 avril, on apprend que l’emplacement de la cour municipale de Siemréap a été vendu, mais on ne sait à qui. Le tribunal va s’installer à 4 km. de là.

Droits de l’homme

D’après le Département d’Etat américain, la situation des droits de l’homme au Cambodge s’est détériorée durant l’année 2005 : au moins 22 personnes ont été lynchées, 88 ont été arrêtées arbitrairement, plusieurs tuées à la suite de manifestations à Poïpet ou à la prison de Kompong Cham, de nombreuses arrestations opérées pour interdire toute liberté de parole, etc. En février, le Département d’Etat fait savoir que l’an dernier Hok Lundy, chef de la police nationale, s’est vu refuser un visa pour les Etats-Unis pour cause de trafic humain. En mars, le département d’Etat l’a invité à se rendre aux Etats-Unis.

Le 28 mars, le Kenyan d’origine indienne, Yash Ghai, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour les droits de l’homme au Cambodge, au terme d’une seconde visite, s’est montré très critique par rapport au respect des droits de l’homme. « La situation n’a pas fondamentalement changé depuis le temps de l’APRONUC dit-il. Il dénonce notamment « la concentration de tous les pouvoirs entre les mains d’un seul homme que beaucoup semblent craindre ». Il dénonce l’impunité des grands, et les concessions économiques, la justice au service des puissants. Hun Sen, qui avait refusé de le recevoir lors de sa première visite, injurie le représentant de l’ONU, « personne originaire d’un pays pauvre Il le traite de « touriste de long séjour » qui reçoit de mauvaises informations de fonctionnaires paresseux, il ne veut pas le recevoir « parce qu’il ne le mérite pas ». Il demande à Kofi Annan de limoger son représentant. Yash Ghai ne se démonte pas pour autant et annonce qu’il reviendra. C’est une habitude du Premier ministre de s’en prendre aux représentants de l’ONU, après Mary Robinson, Thomas Hammarberg, Peter Leuprecht. Le 30 mars, Kofi Annan fait une déclaration soutenant son envoyé.

Du 18 au 24 avril, une délégation de six parlementaires européens, dirigée par Marc Tarabella, chargé des relations avec les pays d’Asie du Sud-Est, vient enquêter sur l’observation des droits de l’homme au Cambodge. Elle trouve le pays « en avance » sur ses voisins, mais émet beaucoup de réserves sur « l’indépendance et l’intégrité de la justice les « formes diverses de corruption à tous les niveaux « l’abus des biens d’Etat et des ressources naturelles les « expropriations des paysans en faveur des concessions délivrées à des intérêts particuliers Cependant, la délégation se démarque de Yash Ghai, qu’elle accuse d’avoir trop noirci la situation. Les ONG cambodgiennes de défense des droits de l’homme pensent, au contraire, que Yash Ghai est plus proche de la réalité, et s’appuie sur des sources beaucoup plus sérieuses, implantées au Cambodge, que ces visiteurs pressés. Le groupe de l’Alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe au Parlement européen critique les propos de Tarabella qui « ne reflètent pas les vues du Parlement 

Le Conseil des ministres du 25 avril vote la proposition de loi sur l’abolition des peines de prison pour les cas de diffamation qui seront remplacées par une amende comprise entre 250 et 2 500 dollars. Pour les journalistes, cela revient au même, car aucun d’entre eux n’aura les moyens de payer cette amende et ira donc en prison.

Durant les deux derniers mois, on a fréquemment annoncé l’arrestation, l’incarcération de militaires et de policiers auteurs de délits. Des policiers ayant torturé des détenus, ou étant responsables de leur mort (une femme enceinte, un voleur de bicyclettes) sont mis en examen. Le fait est suffisamment rare pour être signalé. Plusieurs militaires ont utilisé leur arme à feu contre des serveuses de bière trop lentes, ou peu complaisantes et les ont blessées, voire même tuées. La police se déclare incapable d’arrêter les fautifs.

Le 21 avril, sept fonctionnaires (trois juges, deux procureurs adjoints et deux greffiers), condamnés dans le cadre de la campagne « gant de fer lancée par Hun Sen en mars 2005, sont rejugés et acquittés. Leur arrestation puis leur acquittement témoignent du peu d’indépendance de la justice cambodgienne.

Santé

Le royaume manque de sages-femmes. En cinq ans, le taux est passé de 0,95 à 0,82 pour 1 000 habitants. 200 centres de santé n’ont pas de sages-femmes. Il en manquerait 650 au plan national, ainsi que 200 accoucheuses rurales (qui ont un salaire mensuel de 17 USD). En 2005, le Cambodge a déboursé 172 millions de dollars pour la santé, soit 12,7 dollars par habitant, dont 33 % proviennent du budget de l’Etat, le reste de l’aide internationale.

Deux enfants sont morts de la grippe aviaire : le 21 mars, une fillette de 3 ans, à Kompong Speu ; le 5 avril, un garçon de 12 ans, dans la province de Prey Veng. Une vaste campagne est lancée dans les écoles pour prévenir des dangers de la grippe aviaire. Le 6 avril, l’Australie débloque une aide de 765 000 dollars à l’UNICEF pour lancer une campagne de prévention par affichettes, brochures, et spots télévisés. Le 20 avril, le gouvernement japonais accorde une aide de 1,55 millions dans le même but. Aucun budget n’est prévu pour dédommager les éleveurs pour l’abattage de leurs volailles.

L’institut Pasteur du Cambodge est doté d’un laboratoire de biosécurité de niveau P3 pour des expérimentations sur des virus particulièrement dangereux, grâce à un don de 2,5 millions d’euros de la France. Ce laboratoire sera en service dès décembre prochain.

DIVERS

Phnom Penh

La Ville de Paris accorde une aide de 1,73 million d’euros à l’Association internationale des maires francophones, à laquelle appartient Phnom Penh. Parmi les projets retenus figure l’accès à l’eau potable de quartiers pauvres de la ville.

Le nouveau bâtiment de l’Assemblée nationale comprendra plus de 300 pièces : chaque député, chaque commission aura un bureau, chaque parti une salle de réunion. L’opposition dénonce le coût exagéré des équipements, achetés trois fois le prix de leur valeur courante. La construction demande 10 000 m3 de bois. Si l’on découpait ce bois en planches de 2,5 cm, ces planches recouvriraient 26 hectares. Si l’on en faisait un mur de 3 mètres de haut, ce mur aurait 86 km.

1 507 familles habitant sur le front du Bassac, dont le terrain est vendu à la société Sou Srun, acceptent de déménager à Dangkao, à 25 km. de Phnom Penh. Chacune recevra un terrain de 60 m avec titre de propriété. Une école, un dispensaire et des routes sont construits pour les recevoir. Des riches Phnom Penhois se sont fait passer pour pauvres afin de recevoir des lots de terrain.

La France rénove les bâtiments de la gendarmerie nationale khmère de Kambol pour un montant de 219 000 dollars.

Patrimoine

L’épave d’un bateau de 100 m. de long et de 30 m. de large, datant du XVIe siècle, est découverte au large de Koh Sdech, dans la province de Koh Kong, par 30 m. de fond, avec de nombreuses poteries et d’objets pré ou post-angkoriens. Plus de six cents poteries ont été récupérées. L’homme d’affaires Ly Yong Phat prévoit de construire un musée à Koh Kong pour les exposer.

Trois sépultures angkoriennes viennent d’être découvertes sur le site d’un ancien hôpital de Jayavarman VII, à l’intérieur d’Angkor Thom.

Plus de 1 000 villageois se sont mis à creuser deux hectares de rizière, situés sur un ancien cimetière cham, dans la province de Prey Veng, avec l’espoir d’y trouver des objets de valeur. La police a dû intervenir pour faire arrêter ces « fouilles ».

Divers

Vingt-six étudiants de l’Institut de Technologie du Cambodge ont reçu une bourse mérite de la société Alcatel, qui représente 7 000 dollars. Alcatel accueille également des stagiaires de l’ITC.

In Tam, ancien Premier ministre et président de l’Assemblée nationale sous le régime de Sihanouk, est décédé le 1er avril, dans l’Arizona. En 1963, il avait fait arrêter et exécuter Préap In, son propre neveu, devenu khmer sérey.

Religion

A la fin mars, Tep Vong, patriarche de l’ordre Mohanikai, déconseille aux parents de « forcer les jeunes encore en pleine santé et énergiques, à prendre le froc, alors qu’ils sont occupés à aider leurs parents. Les parents devraient plutôt penser au gouvernement pauvre qui a grand besoin de ressources humaines Déclaration étonnante, contraire à la tradition qui veut que tout homme prenne le froc au moins une fois dans sa vie. Déclaration qui ressemble étrangement à celle qu’aurait pu faire le Front révolutionnaire après 1979.

Deux églises chrétiennes sont incendiées : l’une, le 18 avril, à Khieng Svay, par une partie des fidèles en rébellion, suite à un conflit foncier opposant deux « pasteurs » ; l’autre, le 28 avril, à Lovéa (Kandal), par les villageois qui n’ont pas donné leur accord à sa construction, une autre église existant non loin de là.