Eglises d'Asie – Thaïlande
Un centre d’accueil géré par l’Eglise catholique vient en aide aux travailleurs migrants clandestins victimes d’abus
Publié le 18/03/2010
Pour les responsables du centre Stella Maris de Songkhla (1), sur le golfe de Thaïlande, l’histoire de Sao, pour tragique qu’elle soit, n’est pas inédite. C’est pourquoi, lorsqu’ils ont reçu un coup de fil de la conserverie de poissons leur indiquant qu’une ouvrière avait besoin d’aide, une équipe s’est aussitôt rendue à l’usine. Tan Pruengsa, une des bénévoles actives dans ce centre catholique d’entraide, se souvient de son premier contact avec Sao. La jeune fille était assise, tremblante, dans un bureau, le côté gauche de son visage contusionné et enflé. En pleurs, Sao expliquait confusément qu’un homme était venu à l’usine, le 1er février dernier, et lui avait dit qu’il voulait l’emmener travailler comme intendante ménagère à Phuket, là où justement elle avait de la famille. Sao téléphona à ses proches, pour prendre conseil, et décida que l’offre était une bonne nouvelle pour elle. Elle se décida donc à suivre l’homme. Mais, plutôt que de traverser la péninsule pour aller à Phuket, celui-ci se dirigea vers le sud, vers Padang Besar, à proximité de la frontière avec la Malaisie. Sao resta enfermée durant cinq jours dans une chambre d’hôtel. “J’ai été violée et maltraitée témoigne-t-elle, son visage tuméfié et son oil ensanglanté corroborant ses dires. Elle se rappelle avoir entendu l’homme dire au téléphone qu’il allait l’envoyer en Malaisie. Son tourmenteur la menaçait de la tuer ou de la livrer à la police, au cas où elle chercherait à fuir. “Je ne suis qu’une étrangère. Qui pourrait me croire ou m’aider ? raconte-t-elle, ajoutant que, malgré sa peur, elle décida de prendre le risque de s’enfuir pendant une absence de l’homme. N’ayant nulle part où aller, elle reprit le chemin de la conserverie.
Sao et son oncle, avec qui elle partage un appentis dans l’enceinte de l’usine, ne veulent rien dire à la police de ce qu’elle a subi, parce que tous deux sont clandestins en Thaïlande. Tan Pruengsa rapporte que, désormais, la jeune fille a peur de tous les hommes qu’elle ne connaît pas. “Elle reste prostrée et parfois, elle pleure témoigne la bénévole du centre Stella Maris, ajoutant que l’homme qui l’a enlevée doit très certainement appartenir aux réseaux qui organisent le trafic, lucratif, d’êtres humains entre la province de Ranong, à la frontière thaïlandaise avec la Birmanie, et la Malaisie.
Pour Stefen Kan Mit, un des responsables de Stella Maris, les raisons qui ont poussé Sao à quitter la Birmanie ne sont pas difficiles à comprendre. Lui aussi est Birman, lui aussi a quitté son pays dans l’espoir de trouver une vie meilleure en Thaïlande, mais il ne peut, pour le moment, entrer en contact avec la jeune fille. “Sao est encore en état de choc et a peur de tous les hommes explique-t-il et il faudra plusieurs semaines avant qu’elle accepte de parler de ce qui lui est arrivé.
Les chances de retrouver l’homme qui a enlevé Sao sont minces. Le directeur du personnel de la conserverie a bien relevé le numéro d’immatriculation du véhicule de l’homme en question. Il est près à témoigner devant la police, s’il le faut. Mais Sao et son oncle ne veulent pas entendre parler d’une action auprès de la police ou de la justice, ayant trop peur d’être expulsés ou de créer des problèmes à leurs proches qui sont à Phuket, immigrés clandestins comme eux.
Pour Tan Pruengsa, ce qui est arrivé à Sao n’est pas un cas isolé. Au centre Stella Maris, elle aide une fillette de 13 ans, venue elle aussi de Birmanie, qui a été violée par son employeur thaïlandais. Elle soutient également une Cambodgienne, violée par plusieurs hommes. Placé sous la supervision de la Commission épiscopale pour les gens de la mer, le centre de Songkhla a été créé pour le service des marins et des migrants. “Nous soutenons et visitons onze communautés de Cambodgiens et de Birmans explique Tan Pruengsa, qui estime le nombre des immigrés dans la seule localité de Songkhla à près de 10 000. Le personnel du centre visite systématiquement les chantiers de construction, où se concentrent les migrants. “Nous les aidons individuellement ou en groupe pour des raisons humanitaires, et essayons aussi de former des leaders ouvriers et des responsables de communauté explique encore la responsable. Elle souligne que le centre travaille à l’amélioration de la condition féminine, à la santé et à l’hygiène, ainsi qu’à la formation pour les ouvriers de l’industrie de la pêche. Une partie des membres du centre conseille et soutient les malades du sida.