Eglises d'Asie

TEMOIGNAGE SUR LES PRESSIONS SUBIES PAR LE CLERGE “CLANDESTIN”

Publié le 18/03/2010




Nous parlons ici principalement du “Certificat de prêtre”. Si nous acceptons d’être reconnus par le gouvernement, nous pourrons travailler comme prêtres. Sinon, nous ne pourrons plus exercer notre ministère en aucune manière.

Sur ce point, je suis d’accord en principe. Selon moi, il est normal pour un prêtre “clandestin” d’être reconnu – ou plus précisément d’être connu – par le gouvernement. Et cela ne peut qu’être bénéfique pour l’Eglise et la société dans son ensemble. Mais on ne peut pas obliger un prêtre à aller contre ce qui fait le cour de sa foi.

Aujourd’hui, pratiquement, comment faut-il faire pour être reconnu par le gouvernement ? En premier lieu, il faut faire “une demande écrite” auprès du Bureau des Affaires religieuses, dans laquelle on doit promettre explicitement “d’aimer la patrie et l’Eglise, d’accepter les directives du gouvernement transmises par l’Association patriotique et de s’en tenir aux trois autonomies”. Selon les propres termes du Bureau des Affaires religieuses, les “trois autonomies” revêtent un sens principalement politique, à savoir une indépendance totale du citoyen chinois vis-à-vis des autorités étrangères. Concrètement, cela signifie qu’en Chine, un catholique chinois peut être en communion avec le pape, mais, dans la pratique de sa foi, il lui faut être d’abord placé sous le contrôle du gouvernement, tel que cela est défini dans la “Réglementation sur les affaires religieuses” promulguée l’an dernier.

Dans notre diocèse, des prêtres sont appelés à “participer à des sessions”. Après quelques-unes de ces sessions et des visites aux autorités, ils doivent rédiger leur “demande écrite” en acceptant entièrement ce qui est demandé par le gouvernement. C’est ainsi que, dans notre diocèse, après avoir adressé cette demande de reconnaissance, les prêtres ont, en présence de représentants des autorités, concélébré la messe avec les évêques de la province (et, parmi ces derniers, figurent des évêques non reconnus par le Saint-Siège). Après cette célébration, les prêtres en question ont obtenu leur “certificat” et, en principe, ils ne devraient plus être inquiétés.

Ces prêtres estiment que le gouvernement ne leur demande plus, au moins explicitement, de trahir leur foi ou de laisser complètement le pape de côté, comme cela était le cas dans les années 1980. Le fait, pour eux, de participer aux structures “officielles” de l’Eglise relève plutôt d’une “formalité acceptée pour aider les fonctionnaires à “accomplir leur devoir”.

En revanche, pour les autres prêtres, qui représentent la moitié du presbyterium clandestin, pour lesquels l’obéissance aux principes d’autonomie de l’Association patriotique correspond à une aliénation de leur liberté (fidélité au pape), il est nécessaire de se cacher pour éviter d’être poursuivis et arrêtés.

Dans une telle situation, si complexe et déroutante, je me pose des questions pour moi et mes confrères dans le sacerdoce :

– Pouvons-nous faire cette démarche par écrit qui consiste à demander à être reconnus par les autorités, et accepter ce que demande le gouvernement pour être en règle avec la réglementation religieuse ?

– Dans notre diocèse sans berger, la division du clergé et des fidèles (en “officiels” et “clandestins”) est en train de se produire. Que pouvons-nous faire ?

– Evidemment, dans une telle situation, on peut toujours faire des compromis “en parole” avec le gouvernement et ceux qui agissent ainsi le font pour jouir d’une certaine reconnaissance des autorités afin d’être plus libres dans l’exercice de leur ministère. Mais, en signant un document par lequel on reconnaît les principes de l’AP, ces prêtres ont aussi conscience de se compromettre. Compromis, compromission. De quelle marge de manouvre disposons-nous ? Sommes-nous fidèles à notre foi en agissant ainsi ?