Eglises d'Asie – Chine
A PROPOS DES RECENTES ORDINATIONS EPISCOPALES DE KUNMING ET DE L’ANHUI
Publié le 18/03/2010
Dans ce court article, je m’en tiendrais à commenter les propos du P. Heyndrickx. Selon lui, il est évident qu’Anthony Liu Bainian, vice-président de l’Association patriotique des catholiques chinois, et l’Association patriotique en tant que telle n’ont pas suffisamment d’envergure pour provoquer, à eux seuls, un conflit avec le Saint-Siège ; ils n’ont donc pu agir que sur ordre des plus hautes instances de l’Etat chinois.
Il a peut être raison, mais tout dépend de ce qu’on entend par « plus hautes instances ». Selon moi, le problème ne se situe pas plus haut qu’au niveau du Bureau des Affaires religieuses, qui, à l’échelle nationale, est appelé Administration d’Etat pour les Affaires religieuses.
Se demander si de telles actions ont été prises par le gouvernement central est sans importance. Les reproches reposent principalement sur l’Association patriotique des catholiques chinois (APCC) et le Bureau des Affaires religieuses (BAR). Contrairement au P. Heyndrickx, nous savons, par différentes sources sûres, que l’approbation du gouvernement central a été donnée tardivement. Même si, sur le terrain, les membres de l’APCC avaient changé la date de la cérémonie à la dernière minute, le gouvernement central n’aurait, de toute manière, pas pris de mesures disciplinaires contre eux. Le cas de Mgr Liu Xinhong, de Wuhu, en est une bonne illustration. Je l’ai rencontré personnellement le 7 avril dernier. Il m’a clairement dit que le gouvernement local lui mettait la pression pour procéder à l’ordination. C’était sa décision de repousser la date de l’ordination, il espérait que l’accord du Saint-Père arriverait rapidement. Jusqu’à ce moment-là, le gouvernement central pouvait très bien ne pas être au courant de ce qui se passait au niveau local.
Aujourd’hui, il est difficile de savoir jusqu’à quel point le gouvernement central est impliqué. Toutefois, à travers ces événements, on remarque bien l’importance de la mentalité typiquement chinoise, le gouvernement central approuvant toutes les actions de l’APCC et du BAR, quelles qu’elles soient. Après tout, ces deux institutions sont sa progéniture. Quelles que soient les difficultés, le gouvernement central les soutiendra totalement, du moins aux yeux du monde.
Selon le P. Heyndrickx, exercer des pressions sur des évêques légitimes pour qu’ils participent à des ordinations illégitimes est une insulte faite au Saint-Père. « Le Saint-Siège n’a jamais été autant humilié a-t-il écrit. L’APCC peut penser la même chose, mais d’autres dans le monde et hors de Chine peuvent avoir une opinion différente.
En réalité, le P. Heyndrickx, sait qu’« il a été dit à d’autres évêques que la demande d’accord du pape pour l’ordination épiscopale des deux jeunes évêques avait, depuis longtemps, été transmise à Rome, et que le pape ‘avait silencieusement approuvé les ordinations’ ». Si la décision avait été prise pour insulter le Saint-Père, il n’aurait pas été nécessaire d’établir un faux rapport pour induire en erreur les évêques ordinants.
Quand les fidèles ont regardé la télévision le 30 avril dernier, ils ont pu voir que le principal ordinant était dans une chaise roulante et tremblait fortement. L’APCC ne pouvait-il pas trouver un autre évêque ? En réalité, les gens de l’APCC étaient en train de s’abaisser eux-mêmes.
Il y a également eu des rumeurs comme quoi ces ordinations étaient une riposte à l’élévation au cardinalat de Mgr Joseph Zen Ze-kiun, évêque de Hongkong. Le P. Heyndrickx a même mentionné que ceux qui espéraient que l’évêque de Hongkong devienne plus réservé, s’étaient trompés. Presque quotidiennement, les médias ont publié les remarques franches et astucieuses de Mgr Zen, en fonction de ce qu’il avait pu conseiller au pape.
Si le gouvernement chinois utilise ces ordinations pour attaquer ou punir Mgr Zen, ils ont déjà perdu la bataille. L’évêque ne perdra pas cette bataille ; il est suffisamment peiné de voir l’Eglise catholique de Chine, qu’il chérit, faire des erreurs aussi importantes. Mgr Zen n’a rien perdu. Au contraire, il a gagné un respect et a bénéficié d’un soutien, tant à l’échelle internationale qu’en Chine continentale.
Il est navrant que le P. Heyndrickx ait limité son analyse à ces deux cas. Il est suffisamment au courant, j’en suis certain, de l’affaire dans la partie est du Guangdong, où le P. Huang, de cette région, refusait d’être ordonné évêque sans l’accord du pape et a finalement obtenu du Bureau local des Affaires religieuses que celui-ci se plie à sa manière d’agir. Le gouvernement ne pouvait pas le forcer à faire quoi que ce soit. Personne ne peut forcer quelqu’un qui souhaite rester fidèle au droit canonique, à changer d’avis. Ne rejetons pas la faute sur le gouvernement central ! C’est Liu Bainian et son équipe qui méritent les reproches.