Eglises d'Asie

Acquittés après avoir été faussement accusés de profanation du Coran, deux chrétiens ont été libérés mais craignent pour leur sécurité

Publié le 18/03/2010




Le 29 mai dernier, trois semaines après avoir été acquittés par la Cour suprême des charges de profanation du Coran faussement prononcées à leur encontre, deux chrétiens, Asif Masih et Amjad Masih, ont été remis en liberté et sont retournés chez eux, à Jhang, district situé à 400 km. au sud de la capitale, Islamabad. Cependant, tout en se réjouissant de leur libération, leurs proches et des organisations de défense des droits de l’homme craignent pour leur sécurité, tant, ces dernières années, des individus acquittés de charges prononcées au titre des lois anti-blasphème ont rencontré les pires difficultés, voire la mort, après leur libération.

Amjad est catholique et Asif appartient à l’Armée du salut (1). En 1999, tandis que les deux hommes purgeaient une peine de prison prononcée à leur encontre pour vagabondage, ils ont été accusés d’avoir profané un exemplaire du Coran. Lors de leur procès, ils ont affirmé que la police avait fabriqué cette accusation parce qu’ils avaient refusé de leur verser des pots-de-vin, mais le tribunal refusa de les entendre et les condamna à la prison à vie, en fait une peine de vingt-cinq années de réclusion. Ayant fait appel auprès de la Haute Cour de Lahore en mai 2003 – et vu leur condamnation confirmée -, les deux hommes ont porté leur affaire devant la Cour suprême en août de la même année. Celle-ci a prononcé leur acquittement dix-huit mois plus tard, sans même les entendre en audience.

A l’annonce de la nouvelle de la libération prochaine de son mari, Kausar, l’épouse d’Amjad, s’est déclarée “très heureuse”. “Toute cette période a été très dure pour ma famille, mais je crains que le plus dur soit devant nous, des extrémistes pouvant s’en prendre à Amjad ou quiconque de sa famille a-t-elle ajouté. Selon Meena Munir, de l’Organisation ‘les femmes aident les femmes’ de Jhang, il est impensable que les deux acquittés puissent revenir vivre dans leur district. “Ils sont menacés de mort. Dès lors qu’une personne a été accusée de blasphème, elle est considérée comme condamnée, même si elle est acquittée a-t-elle expliqué. Par ailleurs, les deux hommes et leurs familles se trouveront dans une situation de pauvreté intenable, étant donné qu’ils ne trouveront personne pour les employer. Kausar a ajouté que, durant la détention de son mari, qui a duré huit années au total, elle a travaillé comme domestique chez deux ou trois familles musulmanes, mais celles-ci l’ont renvoyée dès qu’elles ont appris que son mari était accusé de blasphème. “A certains moments, il m’était même impossible de sortir de mon quartier et de me rendre dans des quartiers musulmans a-t-elle encore précisé.

Amjad, âgé de 36 ans, a quatre enfants (trois filles et un garçon), d’âge scolaire et Asif, 30 ans, est célibataire. Par mesure de précaution, le lieu de leur résidence actuelle est tenu secret. Selon le P. Bonnie Mendes, directeur du Centre de développement humain de Toba Tek Singh, dans la province du Pendjab, les deux acquittements “sont une victoire de la vérité, qui doit encourager le combat pour obtenir la suppression des lois anti-blasphème”.

Depuis 1992, quatre chrétiens accusés de blasphème ont trouvé la mort, assassinés par des extrémistes, et un certain nombre d’autres n’ont dû leur salut qu’à la fuite. En 1997, un juge de la Haute Cour de Lahore qui avait acquitté des chrétiens accusés de blasphème avait été tué dans des conditions similaires. Dans tous les cas, les chrétiens concernés par ces affaires ont dû déménager, quitter leur village pour se cacher dans les grandes villes. La plupart de ceux qui ont été condamnés en première instance avant d’être acquittés en appel ont dû quitter le Pakistan, une fois remis en liberté (2).