Eglises d'Asie

Selon l’évêque du diocèse catholique de Mannar, la Marine sri-lankaise s’est livrée à une attaque sanglante en visant une église où étaient réfugiés près de 3 000 civils

Publié le 18/03/2010




Dans le contexte de plus en plus sanglant, caractérisé par l’escalade des affrontements entre forces armées, gouvernementales ou issues de la rébellion tamoule (1), les incidents de Pesalai, qui ont fait six morts et une soixantaine de blessés – dont la moitié grièvement touchés -, marquent une étape supplémentaire. Après une bataille navale au large de la presqu’île de Mannar, sur la côte nord-ouest du pays, des unités de la Marine sri-lankaise ont investi le village de pêcheurs de Pesalai et y ont semé la terreur. L’incident s’est produit le 17 juin dernier et a amené l’évêque du diocèse de Mannar, Mgr Rayappu Joseph, à appeler les parties belligérantes à cesser les tueries et à respecter le cessez-le-feu, conclu entre Colombo et les Tigres tamouls en février 2002.

Selon le compte-rendu des événements écrit par l’évêque à l’intention du nonce apostolique au Sri Lanka, après la bataille navale qui s’est produite au large de la base que la Marine entretient à proximité du village de Pesalai, des unités de la Marine ont investi le village, catholique à 90 % et dont la grande majorité des 8 000 habitants sont tamouls. Près de 3 000 personnes avaient trouvé refuge dans l’église Notre-Dame des Victoires. Le gouvernement a nié que ses forces aient ouvert le feu sur l’église, faisant porter la responsabilité de l’incident sur les rebelles. Or, affirme l’évêque dans son compte-rendu, ce sont bien les militaires qui ont ouvert le feu et sont responsables des morts et des blessés.

Massés dans l’église, les villageois en avaient fermé les portes et les fenêtres, mais un soldat a forcé un volet et lancé deux grenades à l’intérieur de l’édifice. L’une d’elles, en heurtant un barreau de fer, a rebondi à l’extérieur, mais l’autre a pénétré dans l’église et explosé, tuant une femme âgée de 75 ans et blessant de nombreuses personnes. D’autres soldats ont tiré au raz de la porte d’entrée, blessant d’autres réfugiés qui étaient plaqués au sol. Enfin, à l’extérieur de l’église, sur la plage, des soldats ont donné l’ordre à six pêcheurs, revenant à terre, de s’identifier, en se mettant à genoux et en présentant leur carte d’identité. Quatre ont obtempéré et deux ont pris la fuite. Les quatre ont été tués d’une balle dans la bouche en tenant, pour certains d’entre eux, leurs papiers à la main. Quant aux deux autres, l’un a été abattu et l’autre a pu s’échapper, malgré une blessure par balle. C’est le témoignage de ce sixième homme, recueilli par des catholiques à l’église de Kaataspathri, qui a permis de retracer le déroulement des événements.

Selon Mgr Rayappu Joseph, le rapport des forces militaires, qui affirmait que les Tigres tamouls avaient attaqué les policiers du village de Pesalai et provoqué l’intervention des forces de la Marine, est totalement inexact. “Tous les habitants de Pesalai disent que rien de tel ne s’est passé” et que les mensonges des autorités ajoutent “l’insulte aux blessures”. L’évêque précise que la Marine et les forces armées doivent cesser d’attendre que les civils les informent sur les activités des Tigres. “Elles ne comprennent pas que les civils n’ont rien à voir avec les plans et les activités du LTTE (les Tigres tamouls) et que leur seul souci est de rapporter de quoi nourrir leur famille, qui est souvent nombreuse précise le prélat.

Lors de la messe de funérailles des six victimes (trois catholiques, deux hindous et un musulman), Mgr Rayappu Joseph a appelé les fidèles au pardon pour leurs agresseurs. Le lendemain, 19 juin, il a appelé les catholiques à faire pénitence et une cérémonie de purification a eu lieu dans l’église, après que “le sang d’innocents eut été versé, le sang de ceux qui étaient venus chercher refuge dans le sanctuaire de leur religion”.