Eglises d'Asie

LE POINT SUR LA SITUATION POLITIQUE ET SOCIALE du 1er mai au 30 juin 2006

Publié le 18/03/2010




POLITIQUE

Derrière le voile

Les premiers mois de l’année ont vu l’affirmation du PPC face au FUNCINPEC, et le retour de Sam Rainsy au Cambodge. Si Sam Rainsy a donné des gages au PPC, envisageant même de partager le pouvoir après les élections de 2007, il semblerait que ce ne soit plus la lune de miel entre les deux partis, et que le PPC tente de renouer avec le parti royaliste.

Le 26 mai, l’ancien roi Norodom Sihanouk rentre au Cambodge, après plusieurs mois passés en Chine et en Corée du Nord. Bien qu’il ait demandé à être reçu comme un simple citoyen, le roi Sihamoni, son fils, le corps diplomatique et une centaine de personnalités cambodgiennes, dont Hun Sen, viennent l’accueillir. Le 3 juin, à la télévision nationale, Sihanouk parle de son « cher Hun Hen qu’il qualifie de « héros du Cambodge qu’il aime comme « son propre fils, si Samdech accepte se dit prêt à soutenir Hun Sen pour qu’« il dirige la nation jusqu’à la fin de ses jours Il chante ensuite 21 chansons en khmer, et une 22e demandée par Hun Sen. L’ancien roi en fait vraiment trop. Sans doute veut-il pour améliorer les rapports entre la monarchie et le gouvernement assez tendus ces derniers mois.

Le 18 mai, à la suite d’un accord entre le PPC et le FUNCINPEC, dix des quarante-trois hauts fonctionnaires limogés le mois précédent trouvent de nouveaux postes, alors qu’ils auraient dû suivre six mois de formation. Il ne s’agit pas, en fait, de manque de compétence de la part des fonctionnaires, mais de volonté politique du PPC d’avoir le contrôle du pouvoir. Par contre, le ministre du Travail FUNCINPEC est remplacé par un ministre PPC.

Pen Sovann, ancien Premier ministre de la RPK, qui prétend diriger un parti de 200 000 membres, mais sans siège à l’Assemblée nationale, déclare qu’il ne ralliera pas le PSR, car ce parti a abandonné ses idéaux, notamment en présentant des excuses pour avoir accusé Hun Sen d’être derrière l’attaque du 30 mars 1997.

Le FUNCINPEC traverse une grave crise. Ranariddh est toujours en France, aucune date n’est fixée pour son éventuel retour. Le 30 mai, un groupe de partisans royalistes écrit un mail violent, traitant Nhek Bun Chhay, secrétaire général du parti, et les dirigeants actuels de « marionnettes de Hun Sen ». Selon Nhiek Bun Chhay, Chakrapong, Sérey Kosal et Chéa Chanboribo auraient l’intention de créer un nouveau parti autour de Ranariddh. Ces trois derniers demandent la démission de Nhiek Bun Chhay et veulent porter plainte contre lui en diffamation.

Le 28 juin, lors de la célébration du 55e anniversaire de la fondation du PPC, Chéa Sim, secrétaire général du PPC, annonce que le parti continuera sa collaboration avec le FUNCINPEC. Déjà Hun Sen avait tenu de semblables promesses, et affirmé que le PSR rêvait s’il voulait coopérer avec le PPC après les élections de 2007. Sam Rainsy, pour sa part, continue à affirmer son opposition à la signature de la convention additive au traité frontalier de 1985 avec le Vietnam, et estime que le pays ne vit que grâce aux aides internationales, entachées d’ailleurs par la corruption.

Elections des chefs de village

Les élections municipales de 2002 n’ont pas changé les chefs de village. En vue de donner aux prochaines élections municipales de l’an prochain un minimum de crédibilité, le gouvernement souhaite mettre sur pied l’élection des chefs de village, chargés d’appliquer les décisions municipales. Jusqu’ici, ces chefs de villages étaient nommés. Les candidats doivent savoir lire et écrire le khmer, et avoir plus de 25 ans. Leur mandat est illimité dans le temps. Ce sont les conseillers municipaux qui doivent les élire. Cette élection ne va pas sans difficultés : en plusieurs communes, les conseillers du PSR boycottent ces élections dont les résultats sont acquis d’avance, dans d’autres où le PSR est en tête (Poïpet, Ratanakiri), le gouverneur PPC annule les élections pour irrégularités. Vingt-cinq membres du PSR sont réprimandés par la direction du parti pour s’être laissés acheter par le PPC. Le PPC a le pouvoir et tient à le garder.

Deux militants PSR de Kandal affirment avoir reçu des menaces de mort.

Un manuel de 597 pages, rédigé par le PNUD, en collaboration avec le ministère de la Justice, est distribué aux maires des 1 621 communes pour les aider à régler les petites affaires (litiges fonciers, violence domestique, diffamation, etc.). Chaque année ces officiers municipaux règlent plus de 40 000 affaires.

Les élections municipales fixées le 1er avril 2007 coûteront environ 13 millions de dollars. Le gouvernement cambodgien en fournira la moitié, et demande donc à la communauté internationale de payer la différence.

MONTAGNARDS

Pour le HCR (Haut Commissariat pour les Réfugiés), après cinq jours de visite en Asie, il n’y a « rien d’alarmant » dans la situation des 196 Montagnards réfugiés au Cambodge, puis retournés au Vietnam, volontairement (96) ou expulsés (94) depuis l’année dernière.

Cependant, le flot des réfugiés continue : le 2 mai, six réfugiés sont recueillis près de Bokéo ; une cinquantaine de personnes ont tenté de passer la frontière, mais ont essuyé le feu des soldats vietnamiens, dix seulement ont pu passer la frontière. Vers le 15 mai, on apprend que quatre villages de Montagnards du Vietnam ont été encerclés par des militaires fortement armés. Le 25 mai, une quarantaine de Montagnards essayent de quitter le Vietnam. Dix-huit parviennent au Cambodge. Une barque de réfugiés chavire ; on retrouve cinq cadavres flottant sur la Sésan, les autres personnes seront retrouvées par la suite. Certains d’entre eux sont des réfugiés repartis au Vietnam en 2004. L’ONG américaine Human Rights Watch accuse l’UNHCR d’avoir fermé les yeux sur la réalité des Montagnards au Vietnam pour acquérir les bonnes grâces de Hanoi.

TRIBUNAL POUR LES EX-RESPONSABLES KHMERS ROUGES

Le 4 mai, le CSM (Conseil supérieur de la magistrature) choisit les trente juges et procureurs cambodgiens (17) et étrangers (13) : quatorze magistrats titulaires et deux co-procureurs (un Cambodgien et un étranger), ainsi que quatorze magistrats suppléants.

Certains s’étonnent de la présence de Ney Thol, juge de la Cour militaire, qui a condamné Chéam Channy, en 2005, au cours d’un procès qualifié de parodie de justice par les observateurs ; du juge Ya Sokhan, qui a condamné trois « terroristes » à la prison à vie, sur foi d’un seul témoin qui les a entendus parler en anglais, langue que lui-même ne connaissait pas ; du juge Thong Ol, de fort mauvaise réputation, sanctionné par la Conseil suprême de la magistrature ; du juge Thou Mony qui a acquitté le neveu de Hun Sen, accusé d’avoir tué deux personnes en 2003.

Les magistrats (et le gouvernement) semblent conscients de leur incapacité et suivent une semaine de formation à Bangkok.

Le juriste Lao Mong Hay, professeur de droit à l’université de Toronto, qui se pose des questions sur les critères de recrutement des magistrats et leur indépendance, est violemment apostrophé par le Premier ministre. « Ceux qui posent des questions ne sont pas des hommes, mais des animaux ! dit-il. Tous les magistrats sont membres du PPC, l’un est membre du Comité central du parti. Ving-et-une ONG locales de défense des droits de l’homme demandent à ce que les magistrats rompent leurs liens avec le PPC.

La France enverra deux magistrats : Jean-Marc Lavergne et Marcel Lemonde.

Une association française, Justice pour le Cambodge, présente un Livre blanc au gouvernement cambodgien pour défendre les droits des victimes des Khmers rouges.

Le 15 juin, le gouvernement accepte officiellement 6,3 millions de dollars donnés par l’ONU et l’UE, restant de l’APRONUC. Le gouvernement doit encore chercher 4,96 millions pour payer sa quote-part.

Les juges et magistrats prêtent serment le 3 juillet en présence du ministre du palais, Kong Sam Ol. L’absence du roi est significative de la réticence du palais pour ce tribunal imposé de l’étranger. Les procureurs commenceront leur travail le 10 juillet. L’ouverture du procès est prévue pour la mi-juillet 2007.

Le 16 juin, meurt Thiun Chhoeun, ministre de la Santé du Kampu-chéa démocratique à l’âge de 86 ans. Ta Mok, 82 ans, incarcéré à Toul Sleng, a dû être hospitalisé à l’hôpital militaire Préah Ket Méaléa pour problèmes de santé. Ses jours ne sont pas en danger. Ieng Sary a une santé chancelante, Nuon Chéa et Khieu Samphan vieillissent.

Il semblerait que le gouvernement, qui ne veut pas de ce procès (malgré toutes les affirmations contraires à l’attention de l’opinion internationale), fasse traîner le procès, pour permettre aux anciens chefs Khmers rouges de quitter ce monde sans faire de déclarations dangereuses pour le régime actuel et pour la Chine.

ECONOMIE

Taxes et impôts

Les taxes perçues par le port de Sihanoukville sont en augmentation de 17 % durant les trois premiers mois de l’année par rapport à l’an dernier sur la même période. Le port a rapporté au gouvernement 22 millions de dollars en 2005.

L’activité du port de Phnom Penh a également doublé en 2005 par rapport à l’année précédente (30 000 conteneurs). 12 % des échanges avec l’étranger ont lieu depuis le port de Phnom Penh. En dépit de l’accord signé en 1995, le transport par le Mékong se heurte encore à la tracasserie administrative du Vietnam situé en aval. Le 15 mai, on y signale une contrebande portant sur 200 tonnes de produits pétroliers, pour une valeur de 50 000 dollars.

Le gouvernement prolonge de deux ans l’exemption de taxes pour les usines de textiles, pour éviter de mettre ce secteur d’activités en péril.

Caoutchouc

Le gouvernement veut vendre au privé trois plantations d’hévéas (Chamkar Andong, Boeung Ket, Memut), représentant 30 419 hectares. L’Etat en possède plus de 40 000 hectares.

Le 23 mai, le ministère de l’Agriculture ordonne la fermeture d’une usine vietnamienne de traitement du bois d’hévéa, ouverte en avril, à Ratanakiri, pour avoir coupé illégalement plus de 100 hévéas dans la plantation d’Etat de Labansiek.

Tourisme

L’association des maires francophones, réunie en avril à Toronto, promet d’accorder 860 000 dollars au développement urbain de Siemréap. L’Agence française de développement s’engage à débloquer 4,5 millions d’euros pour en rénover les infrastructures, notamment le drainage des eaux usées à l’est de la ville, tandis que la BAD rénovera celles de l’ouest.

AIDES ET INVESTISSEMENTS

L’okhna Kith Meng, président de la Chambre de commerce de Phnom Penh, patron de Mobitel, de la chaîne TV CNT, achète l’hôtel Cambodiana. On ignore le montant de la transaction.

Le cours de l’or a doublé en six mois : le damloeung est passé de 400 à 800 dollars. L’or est la monnaie d’épargne traditionnelle des Cambodgiens. La minorité Kouy, vivant dans la province de Préah Vihéar, n’est plus autorisée à chercher de l’or, leur gagne-pain traditionnel, au profit de grosses sociétés implantées par le Conseil des ministres.

Le 26 mai, Hun Sen décide d’interdire pendant dix ans la vente des portables 3G, suite à une plainte des femmes d’« Excellences dont la sienne, qui craignent que ces portables ne servent à diffuser des images pornographiques. « Il serait préférable d’améliorer la morale sociale que de bloquer la technique remarque le patron qui a investi 10 millions de dollars dans la diffusion de ce type de portables.

Le gouvernement japonais débloque une aide de 59 millions de dollars pour cinq projets : réhabilitation de la route 1 (Phnom Penh-Vietnam), construction de trois centrales hydro-électriques à Mondolkiri, aménagement de puits dans la province de Kompong Cham, bourses pour 125 étudiants cambodgiens. Depuis 1993, le Japon a accordé 142,2 millions de dollars en dons au Cambodge, et 124,7 millions sous forme de prêts, remboursables en trente ans.

Le 23 mai, le gouvernement et quatre compagnies d’assurances internationales passent un accord pour créer une société d’assurance vie au Cambodge. Le gouvernement versera 50 % des 7 millions nécessaires, une société de Singapour 20 %, les autres 10 %.

Corruption

Le 19 mai, le ministère des Finances suspend le financement de trois projets financés par la Banque mondiale (BM) pour une valeur de 64 millions de dollars, suite à la découverte par la BM d’irrégularités dans l’attribution de trente contrats : 24,3 millions au ministère de l’Agriculture et de l’Aménagement du territoire, 20 millions au ministère des Travaux publics et Transports, 19,9 millions pour le Service de purification de l’eau en province et dans les secteurs périurbains. Ces projets font partie d’une enveloppe de 243,92 millions pour des projets en voie de réalisation au Cambodge. La BM menace de suspendre toute aide si les sommes détournées ne sont pas remboursées. Sept projets sont en question.

En juin 2003, de mauvaises adjudications falsifiées avaient suspendu les opérations de démobilisation, le gouvernement avait dû rembourser 2,8 millions de dollars, mais personne n’a été sanctionné. L’an dernier le PAM a exigé le remboursement de 900 000 dollars.

Le 3 juin, le ministre des Finances ordonne la reprise des projets gelés, « sans raisons et sans preuves » de la part de la BM. Le 6 juin, la BM maintient ses accusations et le gel de ses financements. Elle demande de plus que 7,6 millions de dollars soient remboursés dans les plus brefs délais : 1,8 million dans le projet sanitaire périurbain, 5,1 millions pour six contrats de projets d’infrastructures rurales, 0,7 pour le projet d’administration et de gestion du territoire. Le 8 juin, le ministre des Finances affirme que la BM a fourni suffisamment de preuves et qu’il va rembourser rapidement. Le 13 juin, il annonce que, d’après ses propres calculs, seulement 1,7 million sont à rembourser et que la BM ne lui a pas donné suffisamment de preuve, ce que dément la BM. Le 14 juin, la réunion trimestrielle du Comité de coordination des donateurs d’aide au Cambodge est houleuse. L’ambassadeur allemand Pius Fisher parle de « scandale » et exige des sanctions. Hun Sen réagit en demandant des preuves, il accuse les experts étrangers qui « nous coûtent beaucoup d’argent » et leur demande de rembourser également les sommes détournées, puisque les contrats ont été signés avec leur accord. Il demande à la BM de lui citer des noms, ce que la banque refuse.

La BM affirme dans un communiqué avoir donné suffisamment de preuves au gouvernement, et précise avoir découvert treize autres cas d’irrégularités, en plus des trente signalés plus haut, soit 43 irrégulari-tés en sept projets, et donne des faits précis. Elle demande l’annulation du versement de 11,9 millions de dollars et le remboursement des sommes détournées. Le directeur de la société Sim Cam mis en cause reconnaît le plus naturellement du monde que la corruption fait partie des affaires au Cambodge : « Si vous voulez survivre dans la forêt, il faut donner quelque nourriture au tigre dit-il.

Et pourtant, le 28 juin, la BM annonce le don de 14 millions de dollars, pour un « projet prévu de longue date précisément pour promouvoir la gestion des finances publiques, et de lutter contre la corruption !…

A la fin du mois de mai, le Koweït fait un don de 750 000 dollars à l’Association islamique du Cambodge pour construire 40 moquées. Pour sa part, l’Arabie Saoudite offre un fonds pour creuser 500 puits. La Banque islamique pour le développement fait un don de 400 000 dollars pour construire des écoles. Ces pays aident directement les associations, car ils n’ont pas confiance au gouvernement.

Le ministère de l’Intérieur a acheté 54 motos de police pour la somme de 1,7 million de dollars (31 481 par véhicule ; à titre de comparaison, les motos de la police de Californie valent entre 14 682 et 16 020 pièce).

VIE SOCIALE

1er mai

Une centaine de policiers anti-émeute fortement armés, certains avec fusils d’assaut, interdisent l’accès de Phnom Penh à environ 800 ouvriers des usines textiles situées en périphérie de la ville. Cependant, bravant l’interdiction de la municipalité, environ 500 militants du SIORC (Syndicat indépendant des ouvriers du Royaume du Cambodge) et de l’AIEC (Association indépendante des enseignants du Cambodge), arrivés par petits groupes, réussissent à se rassembler et à rendre hommage à Chéa Vichéa, secrétaire du SIORC, assassiné le 22 janvier 2004, puis à se diriger vers l’Assemblée nationale où ils sont bloqués par la police. Chéa Mony, secrétaire du SIORC, et deux autres militants syndicalistes sont détenus durant quelques heures par la police. Les organisateurs comptaient sur 10 000 manifestants, seulement 1 000 ont pu y participer.

Les militants réclament un salaire mensuel de 100 dollars pour les enseignants et de 82 dollars pour les ouvriers, ainsi que la réduction du travail hebdomadaire à 44 heures. Hun Sen accuse les politiciens d’être derrière ces demandes, et oppose une fin de non-recevoir à cette demande. Les syndicats donnent deux semaines au gouvernement pour répondre à leurs promesses, puis annoncent qu’ils déclencheront une grève générale, le 3 juillet.

A titre d’exemples : en plus de son salaire de ministre, le ministre des Télécommunications touche 2 500 dollars par mois comme « conseiller » auprès de la société Mobitel ; Khem Sophoarn, directeur du CIMAC, dans son bureau, gagne 4 800 dollars par mois ; un député gagne 2 300 dollars.

Le ministère du Travail fait distribuer des tracts condamnant d’avance la manifestation du 3 juillet. Chuon Mom Thol, vice-président du Comité du Conseil du travail (structure mixte comprenant syndicat, gouvernement et patronat) et secrétaire d’un syndicat pro-gouvernemental, invite les ouvriers à ne pas suivre les mots d’ordre de grève. Finalement, sur pressions étrangères (ambassadeur des Etats-Unis) et avec l’assurance du représentant des patrons du secteur textile, le SIORC et l’AEIC retirent leur mot d’ordre de grève du 3 juillet, avec l’assurance que des négociations se tiendront sur la revalorisation du SMIC en août. Le responsable de l’association patronale fait justement remarquer que le SMIC n’a pas été relevé depuis 2000.

On comprend mieux dans cette perspective le limogeage du ministre FUNCINPEC du Travail et son remplacement par un ministre PPC. Selon sa tactique habituelle, Hun Sen divise les syndicalistes en organisant plusieurs syndicats pro-gouvernementaux, dont l’un dirigé par Choun Mom Thol.

Expulsions

A partir du 3 mai, plus de 1 000 familles habitant au village 14 du Front du Bassac sont transférées dans un terrain inondé, sans eau potable, sans électricité, sans routes, ni écoles, à Trapéang Krasaing, situé à 22 km. de Phnom Penh. Le terrain sur lequel elles vivaient a été vendu par la municipalité de Phnom Penh à la société Sour Srun. Ces familles recevront un titre de propriété. Le problème crucial est celui des quelque 475 familles « locataires » du bidonville non recensées par le chef du village. Des resquilleurs se sont mêlés à elles pour avoir des terrains, et leur nombre a augmenté à plus de 1 200 familles. Les ONG et organisations de défense des droits de l’homme ne sont pas autorisées à aider les personnes déplacées, pour éviter d’attirer les resquilleurs. De violents incidents éclatent le 31 mai. Le bureau de l’ONU demande en vain l’arrêt des déplacements, qui aggrave la pauvreté des gens. Trois personnes sont inculpées pour incitation à la violence.

Le 5 juin, le Conseil des ministres et le ministère de l’Intérieur donnent jusqu’au 5 juillet aux 168 familles installées près de l’Hôpital Monivong pour quitter les lieux. Le terrain sur lequel vivent ces familles a été accordé en concession à la société Royal Group (présidée par le sénateur Kit Meng) et à la Phéap-imex. Le 29 juin, une centaine de policier anti-émeute armés d’AK47 et de matraques commencent à détruire les maisons. Les familles sont emmenées à 35 km. de Phnom Penh, et recevront des lots de 7 m. x 14 m., ainsi que 1 300 dollars.

Spoliations

En dépit de toutes les belles paroles et de la création d’une Autorité nationale de résolution des conflits fonciers, les spoliations continuent. Cette autorité a reçu 1 500 plaintes (229 dans la seule province de Bantéay Méan Chhey, 180 dans celles de Takéo, Prey Veng et Kompong Thom). On estime que cette autorité ne sera prise au sérieux que lorsque le gouvernement « aura puni des puissants et envoyé des gradés de haut rang en prison 

Quelques faits parmi tant d’autres relevés dans la presse :

– L’administration forestière du nord du Tonlé Sap accuse ouvertement un vice-gouverneur de la province d’Oddar Méan Chhey de s’être emparé illégalement de 400 hectares.

– 48 Familles du village de Samaki (province de Préah Vihéar) s’opposent à l’occupation de 15 hectares de leurs terres pour l’implantation d’une base de blindés.

– A Chhuk (province de Kampot), des familles sont expulsées d’un terrain accordé en concession (19 800 hectares) à un riche homme d’affaires. Une militante de l’ONG Adhoc est détenue une demi-heure.

Le 9 mai, trente soldats et policiers armés détruisent les plantations des villageois à Labansiek (province de Ratanakiri). Soixante-dix personnes portent plainte auprès de l’Adhoc. Quelques jours plus tard, cent villageois protestent contre la vente de quinze hectares de forêts à un homme d’affaires.

Un groupe d’hommes en uniformes de garde du corps et armés de fusils d’assaut menacent une soixantaine de personnes dans la province de Mondolkiri dans un conflit foncier qui dure depuis 2003.

Le 3 mai, la municipalité de Phnom Penh interdit la vente de 600 hectares de l’étang de Kap Srouv, situé au nord de la ville, qui sert de déversoir en cas d’inondation. L’étang en comprenait 900, mais déjà 300 ont été comblés. Seize numéros de téléphone sont inscrits sur la digue l’entourant, invitant à acheter des lots. Des bornes délimitent les lots déjà vendus. La police vient tout arracher. Déjà plusieurs étangs autour de la capitale ont été comblés et accaparés par des « Excellences civiles ou militaires, qui les ont revendus : une société chinoise a acheté 340 hectares, un homme d’affaires khmer 250 hectares, avec apparemment l’accord du Conseil des ministres. Lors des fortes averses de juin, les rues de la capitale sont régulièrement inondées sous plusieurs décimètres d’eau.

Le 16 juin, plus de 100 familles manifestent contre le comblement d’un lac à Ponhéa Lu, dont plus de 1 000 familles tirent leur subsistance.

Le 10 mai, Hun Sen publie une circulaire sur « la prévention du défrichage des forêts ». Les gouverneurs de province ont ainsi jusqu’au 31 mai pour confisquer les terrains forestiers exploités illégalement. D’après le directeur de l’administration des forêts, 300 000 hectares de terrains d’Etat seraient ainsi à récupérer. Le gouverneur de Siemréap affirme en avoir récupéré au moins 47 000 hectares, celui de Bantéay Méan Chhey 35 000, celui de Kompong Som 9 700, celui de Kompong Cham entre 5 000 et 6 000, celui de Kompong Speu 2 000, celui de Ratanakiri 1 800, celui de Kompong Thom 1 400.

Le 16 mai, Hun Sen annonce qu’il a ordonné de donner 3 300 hectares de terres dans le district de Banteay Srey aux villageois et aux militaires qui y vivent, et de ne pas les réclamer pour l’Etat. Ces terrains étaient en conflit entre ces gens et l’administration des forêts. Le 6 mai, le tribunal avait jugé en faveur de l’administration des forêts et ordonné de cesser le déboisement. Le 29 mai, il annonce vouloir donner 200 000 hectares à 50 000 paysans sans terre : « Nous devons prendre les terres des riches, des fonctionnaires puissants pour les donner aux vrais pauvres, sans terres, comme concessions sociales déclare-t-il.

A partir de la mi-mai, l’esplanade du Vat Botum de Phnom Penh est remplie de manifestants qui se disent victimes de conflits fonciers. Dérisoire protestation sans succès.

– 180 familles viennent de Malay (Bantéay Méan Chhey) et en représentent 398. Elles accusent les membres d’une brigade militaire de s’être emparé des 1 200 hectares de leurs terres, en 2004, et de les avoir revendus à de riches acheteurs. Ils retournent chez eux après avoir obtenu un arrangement avec le chef du district.

– 90 familles de Préah Net Préah (Bantéay Méan Chhey), représentant 222 familles d’anciens réfugiés de Thaïlande, veulent récupérer les 444 hectares donnés à leur retour au pays en 1993, qui ont été revendus par un haut-gradé du FUNCINPEC. Le vice-gouverneur leur fait une promesse écrite de régler leur problème.

– 65 familles de Mémot réclament 470 hectares, accaparés par l’administration et par l’armée pour les revendre.

– Le 22 mai, une vingtaine de Phnongs de Mondolkiri viennent réclamer justice contre un haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur qui a brûlé 27 maisons, le 14 mai dernier.

Quatorze familles de Sihanoukville manifestent à Phnom Penh contre le bureau local du PPC qui leur a confisqué l’hectare de terre sur lequel elles vivaient. Près de 100 de leurs maisons sont brûlées pendant leur séjour à Phnom Penh. Le 27 juin, 100 policiers brûlent 71 autres maisons de bois près la plage vendue à la Sokhimex qui va y investir 70 millions pour la construction d’un hôtel de 500 chambres et un golf à 9 trous.

Le 7 juin, trente villageois de Koh Kong viennent réclamer 500 hectares, où sont construites quarante maisons, à Sré Ambel, spolié par une riche femme d’affaires.

Le 29 juin, Hun Sen traite tous les gens qui viennent manifester à Phnom Penh de « tricheurs de « faux pauvres poussés par la PSR. Thun Saray, président de l’Adhoc, critique vivement ces propos : « C’est la faim qui fait sortir le loup du bois, dit-il. La source du problème est l’appropriation de milliers d’hectares de terres par un poignée d’individus. Les paysans qui n’ont pas de terres ou qui n’en possèdent qu’un demi hectare représente 25 % des paysans. »

Les 218 familles de Kbal Spéan (Poïpet), dépossédées de leur cinq hectares en 2005 (cinq personnes ont été tuées), ont obtenu gain de cause, « à la khmère » : chaque famille recevra un lot de 8 m. sur 20, le chef de village à qui la justice avait accordé ce terrain, recevra un hectare. Chaque famille a reçu du Premier ministre un don de 75 dollars et de 100 kg de riz. Les inculpés d’assassinat ont été relâchés faute de preuves. Malgré cet arrêté, un général continue à réclamer la propriété de ces terrains.

On signale plusieurs morts suspectes, sans doute liées à des conflits fonciers à Saang, à Siemréap.

Mouvements sociaux

Le 5 mai, environ 140 pêcheurs de Kompong Thom manifestent pour réclamer la libération de quatorze de leurs collègues arrêtés les 2 et 3 mai pour avoir pêché dans un secteur attribué par l’administration à un riche particulier.

Le 15 juin, une dizaine de militants de la fédération des syndicats des employés du secteur touristique manifestent devant le Sénat, contre le licenciement de 21 syndicalistes du casino Grand Diamon de Poïpet. Ce casino appartient au sénateur Ly Yong Phat.

Le 20 juin, 200 policiers et gendarmes, soutenus par des unités anti-émeute, certains armés de fusil d’assaut AK47, dispersent à coup de matraques électriques 1 500 ouvriers des usines South Bay Enterprise et Golden Brown, qui désirent partir manifester devant l’Assemblée nationale contre le licenciement abusif de quatre responsables syndicaux. Quatre manifestantes sont sérieusement blessées, quinze légèrement.

Le 20 juin, 1 000 ouvriers de Genuine Garment Compagny, à Ang Snuol, entrent en grève pour demander la réembauche de huit ouvriers condamnés par la cour provinciale de Kandal, le 18 juin.

Cinq ouvriers cambodgiens partis travailler en Corée du Sud se mettent en grève, estimant leur travail trop pénible et demandant de changer de poste. Ils sont renvoyés au Cambodge. Plus de 2 000 Cambodgiens travaillent en Corée.

Au début du mois de juin, une conférence de l’ILO (Organisation internationale du travail) épingle le Cambodge pour non-respect de la liberté des syndicats, et déplore l’absence d’enquête sérieuse sur l’assassinat de Chéa Vichéa, le 22 janvier 2004. Il y a au Cambodge environ 800 cellules syndicales en 300 usines.

Le 10 mai, les ONG Enfance et développement, Krousar Yeung et Sovann Phum signent un accord de coopération avec la municipalité pour la réduction de la pauvreté dans la périphérie de Phnom Penh, s’appuyant sur un budget de 250 000 euros donnés par l’Union européenne.

Droits de l’homme

Louise Arbour, Haut Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, se rend au Cambodge le 15 mai. Apparemment, échange de civilités et félicitations au gouvernement pour les progrès réalisés en matière des droits de l’homme. Sa visite tombe au moment le plus fort de l’expulsion des squatters du Bassac. Le Premier ministre avait menacé de fer-mer la mission de l’ONU au Cambodge. Dans une conférence de presse, elle dénonce toutefois les maux du système judiciaire cambodgien, son manque d’indépendance, d’intégrité, ainsi que la corruption et les conflits fonciers. Elle marque son soutien à Yash Ghai, représentant de l’ONU, traité de « touriste de longue durée » par Hun Sen.

L’association Adhoc affirme que plus de 90 personnes ont été battues ou tuées par balle dans les quatre premiers mois de l’année par la police, dont seize dans la seule province de Kompong Cham. En 2005, l’association a signalé 154 cas. Pour sa part, la Licadho fait part de 96 cas de torture depuis le début de l’année, dont 78 dans les locaux de la police, 18 dans les 24 prisons du pays.

Lanceuses de bière

Entre février et avril 2006, au moins quatre « lanceuses de bières » (jeunes filles habillées à l’uniforme de la marque d’une bière) ont subis des coups de feu de la part de clients policiers ou militaires, jouissant de l’impunité la plus complète. Au moins deux ont été tuées. Ces jeunes filles sont souvent victimes de harcèlement sexuel. Elles sont payées à la consommation, et pour beaucoup c’est le chemin vers la prostitution. Le 28 mai, la coalition globale des femmes qui comprend des syndicats, des personnalités d’ONG de défense des droits de l’homme et des politiques, demande la création pour elles d’un véritable contrat qui fixe leurs conditions de travail. Le 23 juin, la société Cambodia Brewery organise des élections pour ses 270 employées qui élisent dix représentantes. Un salaire mensuel est fixé, avec un embryon de législation sociale.

Prisons

Le 10 juin, douze prisonniers se sont évadés de la prison de Prey Sâr, dont plusieurs assassins. Une récompense de 12 500 dollars est promise à toute personne aidant à leur capture. Il semblerait que les détenus évadés aient été sérieusement aidés par des complices parmi les gardiens. La capacité de Prey Sâr est de 2 000 détenus, mais il y en a plus de 3 000.

Le 18 juin, un prisonnier de la prison de Battambang prend un gardien en otage. Les forces de police interviennent. Bilan officiel : neuf morts, dont le gardien-otage, davantage selon les ONG. Près de 50 détenus envisageaient de s’enfuir. Officiellement, la prison héberge 890 détenus. Le 23 mars 2005, une tentative d’évasion de la prison CC3 à Trapéang Phlong s’était soldée par 17 morts.

Le 24 juin, trois prisonniers de la prison de Ratanakiri tentent une fuite. Ils sont rattrapés. L’un d’eux se suicide dans sa cellule.

Selon toutes les ONG en lien avec les prisonniers, leur situation est catastrophique.

Santé

En 2005, le taux de mortalité des femmes enceintes était l’un des plus élevé de la région : 437 décès pour 100 000 naissances (100 au Vietnam, 44 en Thaïlande). 25 % des cas de mortalité maternelle sont dus à des avortements (13 % dans le monde). Plus d’un tiers des avortements sont réalisés à domicile, 27 % à l’hôpital, 41 % dans des cliniques privées.

De 1979 à mars 2006, on dénombre 62 375 victimes des mines. Actuellement les mines et objets non explosés font environ 800 victimes pas an. On espère qu’il n’y aura plus aucune victime en 2012.

On signale d’énormes et fréquentes saisies de drogue durant les deux derniers mois. Entre autres, le 19 mai, un Taïwanais de 90 ans est arrêté avec 1,9 kg. d’héroïne ; le lendemain, une autre personne l’est en possession de 4,75 kg. Cette augmentation des prises vient d’un meilleur entraînement, d’un meilleur équipement, et de salaires plus avantageux. On estime cependant que seulement 10 % de la drogue transportée est saisie.

DIVERS

Religion

Le 29 avril, par décret royal, le vénérable Tep Vong a été nommé « Vénérable suprême général titre créé par le roi Ang Duong il y a 149 ans. On ne parle pas de l’ordre Thomayuth, royaliste, qui compte 140 pagodes. En 1981, Tep Vong était vice-président de l’Assemblée nationale.

Patrimoine

Par un extraordinaire concours de circonstances, une statue khmère représentant l’épouse du dieu Shiva, décapitée depuis des siècles et exposée au musée Guimet depuis 70 ans retrouve sa tête, remise au musée par John Gunther Déan, ancien ambassadeur des Etats-Unis au Cambodge.

Le chantier de rénovation du Baphuon, commencé avant la guerre de 1970, et repris en 1995, grâce aux ministères français des Affaires étrangères et de la Culture, est désormais accessible au public. 300 000 pierres avaient été numérotées et entreposées sur plus de 10 hectares, de 1959 à 1971. Mais le mode d’emploi a disparu en 1975.

De puissants fonctionnaires ont recruté des pilleurs armés de dix détecteurs de métaux pour piller le temple de Préah Khan.

Des bus électriques sont mis à la disposition des touristes à Angkor pour éviter la pollution. Les motos-taxi craignent pour leur emploi.

Comité national olympique

En avril, le Comité national olympique élisait le général Sao Sokha, proche du Premier ministre, pour remplacer Khek Ravy. Beaucoup voyaient en ce remplacement une ingérence politique indue, cette élection étant organisée par le ministère de l’Education nationale et non par la Fédération cambodgienne de football. La FIFA exprime son désaccord, cette élection violant ses principes, et menace de supprimer les 250 000 dollars d’allocation annuelle.

Khek Ravy est nommé par la FIFA l’un des 18 membres du comité d’appel pour le Mondial 2006.

Le 24 juin, Sam Rainsy reçoit le Prix de la Liberté 2006, discerné par l’Internationale Libérale, qui rassemble 86 partis politiques de 60 pays, dont l’Alliance de libéraux et démocrates pour l’Europe (ALDE, 3ème groupe européen).