Eglises d'Asie

RELATIONS CHINE-VATICAN : FAUT-IL ETABLIR DES RELATIONS DIPLOMATIQUES AVEC UNE DICTATURE ?

Publié le 18/03/2010




L’Association patriotique des catholiques de Chine a fait ordonner récemment deux évêques, sans l’accord du Saint-Siège ; le premier, le 30 avril 2006 à Kunming, dans la province du Yunnan et le second le 3 mai suivant à Wuhu, dans celle du Anhui. Un bras de fer est en train de se jouer entre la Chine et le Vatican. L’enjeu est important puisque les millions de catholiques qui vivent sur le continent chinois veulent rester en communion avec l’Eglise universelle et, tout particulièrement avec le siège apostolique. Au Saint-Siège, mais aussi à Taiwan et à Hongkong beaucoup de chrétiens chinois qui ont conscience du problème se dépensent sans compter pour résoudre celui-ci. A mon avis, ils en font trop !

L’Association patriotique des catholiques de Chine fût fondée après l’arrivée de Mao Zedong au pouvoir pour faire le lien entre le gouvernement communiste de Pékin et l’Eglise catholique qui est en Chine. En fait, c’est une organisation politique, instrument du pouvoir central, qui surveille et contrôle les activités des diocèses, paroisses et congrégations religieuses du pays. Depuis 1949 jusqu’à aujourd’hui, le gouvernement chinois craint, en effet, de voir se constituer en face de lui un contre-pouvoir. Pour éviter cela, Pékin impose sa volonté aux différentes religions du pays par le biais de telles associations qui relaient fidèlement ses ordres. Avec la politique d’ouverture pratiquée par la Chine depuis 1980, cette emprise, sur l’ensemble des croyants et, en particulier sur les catholiques, s’est desserrée mais elle reste réelle et musclée.

La situation évolue : depuis presque dix ans maintenant, des voix s’élèvent au sein même du gouvernement chinois pour engager des négociations en vue d’établir des relations diplomatique avec le Vatican. Cette perspective effraie les membres de l’Association patriotique qui craignent de perdre leur position dominante et leur raison d’être. C’est pourquoi, ils font tout pour saboter ces négociations. Avec les ordinations du 30 avril et du 3 mai derniers, M. Liu Bainian, le très zélé vice-président de l’Association, n’en est pas à un coup d’essai. Faisons un petit retour dans le passé :

Nous sommes en l’an 2000, le 6 janvier, Jean-Paul II ordonne à Rome douze évêques. L’Association patriotique annonce, pour défier le Saint-Siège, qu’elle aussi ordonnera douze évêques mais elle ne trouve pas assez de « candidats Elle parle ensuite de six nouveaux prélats mais, finalement, cinq seulement sont ordonnés car le sixième a réussi à s’enfuir avant la cérémonie. Un autre, contacté par téléphone la veille, pleurait expliquant qu’il n’avait pas la possibilité de s’échapper. Ce jour-là, à Pékin, le sacristain et les enfants de chour se mettent en grève et les séminaristes, venant d’établissements pourtant officiels, refusent de se rendre à la cathédrale. Celle-ci est remplie de dignitaires du Parti et du gouvernement mais pas des catholiques de Pékin quand l’office commence.

Ces faits parlent d’eux-mêmes : M. Lui Bainian et son Association sont forts parce que le gouvernement est de leur côté. Mais les catholiques chinois de la base rejettent ces évêques illégitimes, car, de plus, certains de ceux qui ont été ordonnés l’ont été contre leur gré.

Les deux ordinations épiscopales de cette année sont de la même veine : elles ont eu lieu dans de mauvaises conditions. Des informations fiables parviennent maintenant à Hongkong : pour arriver à ses fins, l’Association patriotique a fait pression sur des prêtres pour qu’ils élisent ses candidats, elle a menacé des évêques de graves sanctions administratives et a profité du grand âge d’autres prélats. Ni les journalistes, ni la télévision n’ont pu assister à la cérémonie. Seul M. Liu Bainian a pu leur faire des déclarations. C’est à juste titre que Benoît XVI a pu parler, quelques jours plus tard, de « violations des libertés religieuses 

La démonstration est réussie. Mais les conclusions qui apparaissent clairement ne sont pas celles qu’espérait l’Association patriotique : La Chine, malgré des années d’ouverture est encore une dictature. Les violations des droits de la personne sont constantes et délibérées. Les « trucages » des services de propagande continuent de tromper le monde. Les religions ne sont tolérées que pour montrer au monde une apparence séduisante et par intérêt économiques. L’Association patriotique joue un bien triste rôle. Les élections pour « choisir démocratiquement les évêques » sont manipulées.

Tous les pays d’Europe, sauf le Vatican justement, font du plat ventre devant la Chine par crainte de voir le « Marché du Siècle » leur échapper : un milliard trois cent millions de consommateurs et un taux de croissance record ! Cela vaut bien la peine de faire des concessions. Alors, on ferme les yeux sur les violations des libertés fondamentales ; on accorde à Pékin l’organisation des Jeux Olympiques de 2008, on accueille en grande pompe les délégations chinoises pour essayer de gagner leur sympathie. M. Chirac a même fait illuminer la Tour Eiffel en rouge lors du passage du président Jiang Zemin en France. Jamais un tel honneur n’avait été réservé à un autre chef d’état. Et quelles concessions la Chine fait-elle en retour ?

Certes, établir des relations diplomatiques avec un pays ne signifie pas approuver tout ce que fait son gouvernement. Mais la question qui vient maintenant à l’esprit est la suivante : Jusqu’où le Vatican peut-il faire des concessions à cette nation totalitaire ? Faudra-t-il qu’il se taise totalement pour se faire accepter ? Faut-il signer un chèque en blanc au Parti Communiste chinois qui cherche à redorer son blason ? Des concessions inconsidérées n’aideraient pas le gouvernement chinois à y voir clair sur lui-même et n’amélioreraient pas, à long terme, la vie de l’Eglise de Chine et du peuple chinois en général. Imaginons que le Vatican ait, à Pékin, une grande nonciature moderne située au cour du quartier des ambassades, dans lequel trônerait un monseigneur italien. Dans l’état actuel des choses, ce bureau risquerait de rester vide à longueur d’année et le rôle du nonce serait réduit à n’être qu’un diplomate de salon, sans réelle influence, assistant poliment à des inaugurations et à des commémorations à la gloire du régime, tandis que sur le terrain, dans l’ombre, l’Association Patriotique poursuivraient ses manouvres douteuses pour essayer de faire nommer des évêques favorables au régime, pour faire de l’Eglise un instrument docile entre les mains du pouvoir.

En raison de mon profond amour pour l’Eglise catholique et pour la Chine, je réponds que, pour le moment, il est urgent d’attendre que la Chine devienne un pays plus respectable avant d’envisager d’établir des relations diplomatique avec elle.