Eglises d'Asie

LE POINT SUR LA SITUATION POLITIQUE ET SOCIALE du 1er juillet au 31 août 2006

Publié le 18/03/2010




POLITIQUE

La vie politique des deux derniers mois a vu, d’une part, la déliquescence progressive du parti royaliste, divisé par des rivalités internes et un manque de leadership et, d’autre part, l’arrivée de petits partis et une mainmise de plus en plus totale du PPC.

Le FUNCINPEC en état comateux

Ranariddh aurait touché une importante somme d’argent de la part de Hun Sen, pour le « sacrifice » qu’il a fait, le 4 mars, en abandonnant la présidence de l’Assemblée nationale. Ly Yong Phat, homme d’affaires et sénateur, magnat de la drogue, qui ramenait cet argent d’Australie, a été arrêté à la frontière australienne, mais a été libéré sur intervention du ministre cambodgien des Affaires étrangères.

Le 30 juin, une dizaine de membres du FUNCINPEC écrivent une lettre à leur président Ranariddh, en France depuis cinq mois, pour demander que les dirigeants du secrétariat général abandonnent leurs fonctions parlementaires. Selon les signataires, les deux fonctions sont inconciliables. Ils visent Nhiek Bun Chhay, à la fois Vice-Premier ministre (titre honorifique) et secrétaire général du parti.

Le PSR est le seul à célébrer la mémoire des victimes des « événements » des 5-6 juillet 1997, durant lesquels des dizaines de hauts responsables du FUNCINPEC ont été exécu-tés. C’est une façon de se poser en unique parti d’opposition et de rallier les membres déçus du FUNCINPEC.

Le 7 juillet, Norodom Chakrapong porte plainte contre Nhiek Bun Chhay pour avoir dit qu’il préparait une scission du parti, et demande 1 million de dollars de dommages et intérêts. Il retire sa plainte quelques jours plus tard.

Le 14 juillet, Ranariddh menace de démissionner les membres de son parti au gouvernement qui jouent les provocateurs. Le 16 juillet, curieusement, le Premier ministre menace de limoger les membres de son gouvernement appartenant au FUNCINPEC qui causeraient des divisions à l’intérieur de leur propre parti.

Le 20 juillet, une centaine de fonctionnaires du FUNCINPEC démissionnés par le PPC, accusent Nhiek Bun Chhay d’avoir laissé le PPC les renvoyer. « Le PPC veut détruire les structures du FUNCINPEC disent-ils.

Le 23, on annonce officiellement que les disputes internes sont résolues. Nhiek Bun Chhay, secrétaire général du FUNCINPEC se rend en Malaisie pour y rencontrer Ranariddh.

Des rumeurs font état d’un projet de renaissance de l’Alliance des démocrates entre le FUNCINPEC et le PSR. Le comité directeur du PSR refuse une telle alliance, alors que Sam Rainsy ne l’écarte pas. Ranariddh dément et réaffirme sa volonté de coopération avec le PPC. Certains pensent que ce projet d’alliance n’est qu’un chantage de la part du FUNCINPEC pour tenter de modérer la pression du PPC sur le FUNCINPEC en faisant craindre au Premier ministre un ralliement au PSR.

Le 7 août, un « comité de fidélité » écrit une lettre à Ranariddh le suppliant de rentrer de toute urgence au Cambodge. Ranariddh annonce son retour, reporté plusieurs fois pour des raisons de « sécurité et dit avoir été « invité » par Hun Sen, ce que ce dernier dément avec une ironie cinglante. Hun Sen menace même les hauts fonctionnaires du FUNCINPEC qui se rendront à Siemréap pour accueillir leur président. Le FUNCINPEC conserve 40 000 fonctionnaires, dont 30 000 militaires.

Ranariddh arrive le 17 août à Siemréap, cinq mois après son départ. Il est accueilli par plusieurs dizaines de responsables du parti, dont certains ont osé défier les menaces de Hun Sen. Il annonce n’avoir aucune intention de s’allier au PSR, mais bien plutôt de renforcer sa coopération avec le PPC. Le lendemain, il s’abaisse à demander à Hun Sen d’« avoir pitié » du FUNCINPEC, comme « un petit frère » (le PPC) doit avoir pitié de son « grand frère » (le FUNCINPEC). Il refuse d’être déchargé du titre de « président historique » du parti, pour n’en devenir qu’« un président honoraire Lu Lay Sreng, ministre du Développement rural (FUNCINPEC), reproche publiquement à Ranariddh d’avoir démissionné de son poste de président de l’Assemblée nationale, ce qui a causé le désastre du parti. Il lui suggère de démissionner, avant que le peuple ne le renvoie. L’attitude de Ly Lay Steng ressemble fort à celle de Ieng Mouly, sous-marin dirigé par Hun Sen, qui a détruit le Parti libéral démocratique de Son Sann en 1997.

On apprend qu’en mars dernier, la princesse Marie, première épouse de Ranariddh a commencé les formalités de divorce. Chacun sait que Ranariddh vit avec la danseuse classique Ouk Phalla dont il a un enfant de deux ans, et que ses séjours à l’étranger ne doivent rien à la politique (maladie ?). Le 29 août, 63 députés PPC déposent un projet de loi devant l’Assemblée nationale qui condamnerait l’adultère, l’inceste et la bigamie. On s’accorde à dire que le texte est dirigé contre Ranariddh.

Le 26 août, cinq vice-gouverneurs de province et de district du FUNCINPEC rejoignent le PPC. Le 28 juillet, 172 fonctionnaires du secrétariat général de l’Assemblée nationale, dont 52 affiliés au FUNCINPEC, prennent la carte du PPC. « Nous travaillons pour l’Etat, mais nous devons penser aussi à nos carrières dit l’un d’entre eux. Il faut savoir qu’au Cambodge, la vie politique relève plus du clientélisme que de l’adhésion idéologique.

Le 25 août, après à peine une semaine de présence au Cambodge, Ranariddh repart à l’étranger, sans avoir rien résolu, ni averti qui que ce soit avant son départ. Une pétition demande le remplacement de Nhiek Bun Chhay par Norodom Sirivuddh.

Création de nouveaux partis

Comme lors de chaque échéance électorale, plusieurs petits partis plus ou moins folkloriques voient le jour : le 20 juillet, un Américain d’origine cambodgienne annonce la création du United People Cambodia Party (UPCP), prenant la « démocratie à l’américaine » comme modèle. Yeng Viréak crée, pour sa part, le People Power Party. Le 26 juillet, le Parti de la Nation Khmère (PNK), ancien nom du PSR, est lancé par un Américain d’origine cambodgienne vivant à Long Beach. Le PSR voit dans ces créations la main du PPC qui veut embrouiller les électeurs et faire perdre des voix aux grands partis autres que le sien.

Le 20 août, le prince Sisowath Thomico, ancien secrétaire personnel du roi-père, crée le Front du Sangkum Chéatniyum Société nationaliste également orthographié « Sangkum Jatiniyum lors d’un congrès de 300 membres. Le Front reprend en partie le nom du parti sihanoukiste des années 1955 (Sangkum Réastniyum). Il fédère huit petits partis dont Le Front de Sauvetage du peuple khmer, de Son Soubert, le Parti de l’Unité Khmère, de Khieu Rada, le Moha Nokor, de Sem Sambath, le Parti du Front khmer, de Suth Dina. Le 17 juillet, il avait demandé à Ranariddh de « dissoudre le FUNCIN-PEC afin de réunir tous les royalistes au sein de sa nouvelle formation. Si le roi-Père manifeste une ironie amusée pour « la Ségolène royale cambodgienne le 27 août, le roi Sihamoni aurait donné sa bénédiction au nouveau parti qui compterait déjà 20 000 membres. Le roi Sihanouk interdit à tous les partis de se réclamer de lui ou de l’idéologie du Sangkum.

Parti du Peuple cambodgien : affaire Heng Peuv

Heng Peuv était sous-secrétaire d’Etat à l’Intérieur, général deux étoiles, commissaire en chef de la police de la ville de Phnom Penh, et conseiller de Hun Sen. Il a été démis de ses fonctions le 13 janvier dernier, et remplacé par Mok Chito, son ennemi juré. Depuis, plus de dix policiers ont été arrêtés, six d’entre eux ont été jugés le 21 juillet pour avoir torturé à mort une femme. La cour municipale de Phnom Penh émet un mandat d’arrêt contre lui le 28 juillet, pour son implication dans quatre meurtres, dont la tentative d’assassinat d’un haut fonctionnaire de l’Electricité du Cambodge, en septembre 2005. Heng Vuthy, ancien chef de la police criminelle, lui-même criminel fameux, échappé de la prison de Prey Sâr le 11 juin, sans doute avec la complicité de ses geôliers, aurait fait des révélations accusant Heng Peuv du meurtre du juge Sok Sethamony en avril 2003, et de trois tentatives de meurtre. « C’est suffisant pour lui valoir la prison à vie, sans compter des milliers d’autres crimes dit Hok Lundy, général en chef de la Police nationale.

Il quitte le Cambodge pour Singapour le 23 juillet. Une perquisition à son domicile permet de découvrir six armes à feu, 300 000 dollars, et 30 000 dollars en faux billets. On trouve un million de dollars sur son compte bancaire. Huit hommes sont arrêtés dans ses deux villas et sont interrogés par la police.

Le 4 août, Interpol adresse une « note rouge » à 184 pays afin d’arrêter Heng Peuv. Heng Peuv craint d’être assassiné s’il retourne au Cambodge et demande l’asile politique à l’Australie, affirmant qu’il s’est enfui pour avoir refusé d’assassiner des opposants politiques. Le gouvernement panique, une délégation se rend au siège du HCR pour de-mander que lui soit refusé le statut de réfugié politique, met en garde les pays qui l’accepteraient, et risqueraient de détériorer leurs relations diplomatiques avec le Cambodge.

Heng Peuv fait une déclaration à l’Express révélant les implications des plus hautes autorités de l’Etat (Hun Sen, Hok Lundy, Mok Chito) dans plusieurs crimes non élucidés jusqu’à ce jour : attaque à la grenade du 30 mars 1997 contre une manifestation d’ouvriers, meurtre de Ho Sok, de Piseth Péaklica, de Chéa Vichéa, d’Om Radsady, de Chuor Chetharith, du moine Sam Buntheun, etc., ainsi que dans les trafics de drogue. Il donne des précisions et des noms sur les pratiques mafieuses de l’Etat cambodgien, connues par ailleurs. Il aurait mis des documents (enregistrements, factures, rapports, etc.) en sécurité en France et en Suisse. Les autorités démentent et affirment que Heng Peuv invente tout cela pour obtenir le statut de réfugié. Néanmoins, le 16 août, Hok Lundy se rend à Singapour, en voyage « privé, sans relation avec l’affaire Heng Peuv Le 22 août, les autorités de Singapour ont promis d’extrader Heng Peuv.

Heng Peuv est qualifié de « brute n’hésitant pas à tuer ». Il est sino-vietnamien (comme Hok Lundy), natif de Prek Pneuv, et est marié à une Vietnamienne plus âgée que lui, fille de Tung Pov, un agent important du Vietnam au Cambodge, qui l’a souvent protégé dans des affaires louches et des crimes pour lesquels il aurait dû être incarcéré. Il a perdu une jambe lors d’une arrestation de truands. Il a été nommé chef de la lutte contre la drogue de Phnom Penh, puis adjoint au chef de l’Unité anti-drogue au ministère de l’Intérieur.

On accuse Heng Peuv d’être à l’origine d’un certain nombre de meurtres, notamment celui du juge Sok Séthamony, qui avait demandé une enquête sur son compte pour avoir libéré un Chinois ayant détourné 18 millions de dollars en 1999, puis pour avoir fait relâcher un autre Chinois, en septembre 2002.

Il s’agirait, en fait, d’une banale histoire mafieuse concernant le partage de l’argent de la drogue : Hok Lundy, et le sénateur Ly Yong Phat, magnat de la drogue, n’auraient pas voulu partager les recettes avec un troisième larron. C’est sans doute vers une implosion de cet Etat mafieux que l’on se dirige en ce qui concerne l’avenir politique du pays.

On peut mesurer également l’implication du Vietnam dans les rouages du gouvernement, où tous les métis khméro-vietnamiens occupent de plus en plus de place, et semblent préparer une annexion en douceur par le pays voisin.

Elections municipales

Les élections municipales dans les 11 353 communes du pays (soit 92 de plus qu’en 2002) auront lieu le 1er avril 2007, et coûteront 13 millions de dollars. Le gouvernement en paiera la moitié et lance un appel aux pays donateurs pour le reste. En vue de la préparation des élections, l’Assemblée nationale élargit le Comité National des Elections (CNE) de cinq à neuf membres. Cette modification du CNE n’entraîne pas plus de démocratie.

Une vaste campagne est lancée pour l’inscription au PPC, en usant de tous les moyens possibles et imaginables. Par exemple, dans la province de Takéo, on coupe l’eau à ceux qui ne prennent pas la carte du PPC. Les paysans doivent donner leur nom, leur âge, la superficie de leurs rizières, et jurer de voter pour le PPC, sous menace de sanctions surnaturelles des Néak Ta. Même si le gouvernement dément, de sources personnelles, on peut citer beaucoup de cas semblables en d’autres provinces.

Le 13 août, le PSR dénonce la discrimination dans la distribution des cartes d’électeurs, délivrées uniquement à ceux qui soutiennent le PPC. Les autres doivent subir des difficultés administratives. Les feuilles d’information concernant les élections ne sont remises qu’aux membres du PPC, etc. Le 13 août, un militant du PSR est attaqué à coups de bâtons dans la province de Prey Veng.

Assemblée nationale

Le budget de construction de l’Assemblée nationale de 15 millions étant dépassé, le responsable PPC recherche 7,5 millions supplémentaires pour les frais de mobilier et d’équipement.

2 354 m de bois précieux, 1 007 m3 de bois de première catégorie, 3 409 m3 de bois d’ouvre ont été commandés pour la construction du nouveau bâtiment de l’Assemblée nationale. Le bois a été coupé sur une superficie de 4 311 hectares, dans la région de Veung Say, mais seulement 257 m sont parvenus à Phnom Penh. Des milliers de m seraient partis en contrebande au Vietnam. En conséquence, la police s’acharne sur tous les petits débiteurs de bois de la région de Siemréap.

Les frais de fonctionnement de l’Assemblée nationale seront en augmentation de 55 % en 2007, par rapport aux années précédentes.

L’Assemblée nationale veut discuter une loi encadrant les ONG. Trente-cinq d’entre elles signent un document demandant de privilégier la réforme judiciaire.

Le 30 août, 93 députés sur 94 votent une loi visant à réduire leur immunité parlementaire, en interdisant de « diffamer ou déshonorer autrui, porter atteinte à l’ordre public et à la sécurité nationale Comme tous les termes ne sont pas définis, le pouvoir peut y mettre le contenu qu’il souhaite, les arrestations qui ont suivi la signature de la convention additive du 10 octobre 2005 le prouvent. Cette proposition vise à limiter les critiques du PSR, qui sont considérées comme diffamatoires.

L’ambassadeur des Etats-Unis parle d’« autocastration collective « de marche arrière de la démocratie Plusieurs députés semblent avoir été séduits par les avantages à court terme : la loi prévoit que les émoluments continueront à être payés aux députés arrêtés et que les dépenses pour leur crémation seront couvertes. Les observateurs des ONG de défense des droits de l’homme restent pantois devant les députés « qui se sont liés eux-mêmes les mains ».

Le 31 août, les députés débattent âprement de la proposition de criminalisation de l’adultère, de l’inceste et de la bigamie. Les femmes des hauts personnages de l’Etat seraient à l’origine de cette proposition de texte, comme elles avaient poussé Hun Sen à ne pas autoriser la vente de téléphones 3G.

Les députés PSR jugent qu’il y a des lois plus importantes à voter, telles les lois anti-corruption, sur l’immigration, l’indépendance judiciaire, les expulsions, la gestion foncière, et qu’il n’est pas normal de légiférer sur des problèmes de morale personnelle. Il n’y a que les Talibans et Pol Pot pour agir ainsi.

Les ministres (PPC compris) n’hésitent pas à se rendre en voyages officiels accompagnés de leurs maîtresses. Les déplacements en province sont redoutés par toutes les épouses de fonctionnaires ou même de civils. De 1999 à 2005, la Licadho recense au moins 179 cas de maîtresses de fonctionnaires victimes d’attaques à l’acide par les femmes légitimes.

TRIBUNAL DES EX-RESPONSABLES DU KAMPU-CHEA DEMOCRATIQUE

Le 3 juillet, lors d’une sobre cérémonie, les 17 magistrats cambodgiens et les huit magistrats internationaux prêtent serment devant le vénérable Bou Kry, patriarche suprême de l’ordre Thamayuth, sous la présidence de Kong Sam Ol, ministre du palais. C’est le début officiel de trois ans de procédure judiciaire. L’absence du roi est interprétée comme un désintérêt du palais pour ce tribunal.

L’avocat de Duch, ancien chef de S21, refuse les juges et procureurs cambodgiens en demandant que les juges n’aient pas été victimes des Khmers rouges. Un bureau de la défense est présenté le 7 juillet : il comprend 15 avocats. La loi cambodgienne sera amendée pour que les suspects puissent être défendus par des avocats étrangers. Jacques Vergès devrait défendre Khieu Samphan.

Les fonctionnaires internationaux ont élu domicile au Raffle Hotel le Royal. On peut difficilement parler de justice dans l’intérêt des pauvres.

Le 6 juillet, Sihanouk dit à nouveau son désaccord sur le futur tribunal qui ne jugera qu’une « poignée d’individus vieux, malades, et qui ne montrent pas de regret ». Le budget serait mieux utilisé pour le développement du pays. En janvier 2005, il avait déjà dénoncé le tribunal comme « une comédie et une hypocrisie ». Il fustige « les richissimes » du régime actuel. « S’il fallait une véritable justice, tous, tous les coupables dénoncés par notre peuple devraient être arrêtés, jugés. »

Le 11 juillet, le ministre de l’Information estime de son devoir de défendre les anciens chefs Khmers rouges contre le « harcèlement psychologique » et « l’intimidation » dont ils sont l’objet par une association de « surveillance des Khmers rouges ».

Le 17 juillet, le Centre de documentation du Cambodge remet ses documents microfilmés, récoltés depuis dix ans aux Chambres extraordinaires : 383 149 pages de confessions de prisonniers, télégrammes, minutes de réunions, cartes de 29 000 charniers, 189 prisons, 80 lieux de souvenirs, 6 000 photos de l’époque Pol Pot, 200 films documentaires, 4 000 transcriptions d’interviews d’anciens soldats khmers rouges. Selon le directeur du Centre, beaucoup de documents auraient été détruits par le gouvernement avant l’arrivée de l’APRONUC en 1992. Khieu Kanharith, actuel ministre de l’Information, en aurait sélectionné une partie après la chute des Khmers rouges. Les archives de S21 ont été retrouvées au ministère de l’Intérieur en 1996. Nuon Chéa aurait donné ordre à Duch de détruire ces archives.

Ta Mok, surnommé « le boucher est décédé le 21 juillet à l’hôpital Préah Ket Méaléa, à l’âge de 81 ans, après sept ans et quatre mois et demi passés en détention. Avec lui disparaît un révolutionnaire de la première heure qui aurait pu faire quelques révélations intéressantes. D’après l’armée, il aurait donné une grande partie de ses informations aux militaires qui l’ont interrogé. Le roi Sihanouk estime qu’avec ce décès, « le tri-bunal khméro-étranger devient ridicule, ne devant juger qu’un seul prévenu, Duch, qui sera peut être mort d’ici quatre ans ».

Aucune autopsie n’a été pratiquée, sa famille accuse le gouvernement de négligence dans les soins apportés, d’autres pensent qu’on l’aurait aidé à mourir. Il a été inhumé dans son fief d’Anlong Veng, entouré de 300 personnes et accompagné des prières de onze moines et de la présence de quelques militaires thaïlandais. Là-bas, on le considère comme un bienfaiteur du peuple, niant en bloc les exécutions qu’il aurait ordonnées.

Ta Mok, de son nom véritable Oung, Chhit ou Ek Chhoeun, est né en 1925 à Pra Kéap, dans le srok de Tram Kak (province de Takéo). Aîné d’une famille de sept enfants, il a suivi une école de pali dans une pagode et a quitté le froc à 25 ans. Nommé gouverneur de Tram Kâk après les accords de Genève, il fait ensuite partie des Issaraks. En 1963, Pol Pot le fait entrer au Comité central du Parti des Travailleurs du Kampuchéa, qui deviendra le Parti Communiste du Kampuchéa. En 1968, il est nommé secrétaire et chef militaire de la zone sud-ouest. Il est père de quatre fils et de deux filles qui oeuvraient sous ses ordres. Khe Muth, comandant de la marine du KD, est son gendre. On lui doit la rudesse du régime, ainsi que la création du centre d’« interrogatoires » de Krang Ka, où 477 personnes ont été exécutées, et dont les méthodes ont inspiré les bourreaux de S21. Il portait le nom de « frère N° 15 » et serait l’instigateur de plusieurs purges sanglantes. Dans sa région du Sud-Ouest, on dénombre 38 « centres de sécurité » (prisons), 78 centres d’exécutions, 6 032 charniers. A partir de 1977, les cadres du sud-Ouest (les « nirdey ») ont remplacé les cadres des autres zones et ont assassiné, sous ses ordres du moins, entre 100 000 et 250 000 personnes. Il a sauté sur une mine en décembre 1982 et a été amputé d’une jambe. Après l’invasion vietnamienne, il est nommé commandant en chef de l’armée du DK. Il se lance alors dans des opérations commerciales juteuses d’exploitation de bois et de pierres précieuses avec la Thaïlande, pour financer cette armée. Il s’est installé à Anlong Veng en 1997. Lorsque Pol Pot fait exécuter Son Sen et sa famille, le 25 juillet 1997 il a fait arrêter et juger Pol Pot. Réfugié en Thaïlande après une mutinerie, en avril 1998, les autorités thaïlandaises, sur pression des Etats-Unis, le refoulent au Cambodge où il est arrêté par l’armée nationale en 1999. Sa jambe de bois était censée contenir de l’or et des diamants, elle est exposée dans une vitrine dans sa maison.

Dans la nuit du 27 juillet, des tracts anonymes sont diffusés à Phnom Penh, accusant Hun Sen d’avoir fait disparaître Ta Mok et de vouloir tuer les autres ex-responsables Khmers rouges. Le gouvernement se croit obligé de démentir. Le 31 juillet, des tracts similaires sont jetés dans les rizières de Pursat.

Pour beaucoup de gens d’Anlong Veng, Ta Mok et Pol Pot sont devenus des Néak Ta (génies protecteurs) efficaces permettant de gagner à la loterie. Un casino a été d’ailleurs été construit près de l’endroit où a été incinéré Pol Pot.

Le tribunal devant juger les ex-responsables Khmers rouges a déjà sélectionné les témoins dont le nombre est fixé à 150, dont 30 % résidant à l’étranger. Les enquêteurs travailleront essentiellement sur documents, avec des historiens.

La construction d’un centre de détention d’un étage, dans l’enceinte du tribunal, devrait commencer en octobre, et coûter 80 000 dollars.

MONTAGNARDS

Le gouvernement japonais accorde une aide de 200 000 dollars pour l’UNHCR et son programme de 2006-2007 en faveur des réfugiés au Cambodge.

Le gouvernement vietnamien répète que les Montagnards qui désirent quitter le pays pour les Etats-Unis peuvent demander des visas. Déjà 435 en ont obtenu un.

Cinquante-quatre Montagnards ont traversé la frontière vietnamienne : seize, le 25 août à Ratanakiri, onze à O Yadav deux semaines auparavant ; un autre groupe de 27 se cachent depuis le 20 août près de Sèn Monorom.

ECONOMIE

Forêts

Le 30 juin, Paul Wolfovitch, président de la Banque mondiale (BM), reconnaît la faillite du programme de gestion des concessions forestières, piloté par son organisation, entre juin 2000 et décembre 2005, pour un montant de 4,91 millions de dollars. La Banque asiatique pour le développement (BAD), Global Witness et NGO Forum avaient pourtant dénoncé le système : la BM a autorisé des concessions sur des forêts à valeur écologique incontestable et n’a pas pris en compte les intérêts des minorités vivant de la forêt.

Plusieurs hauts fonctionnaires de la province de Ratanakiri sont accusés de corruption dans des coupes de bois illégales dans le parc national de Virachhey, entre octobre 2003 et mai 2004, portant sur un montant de 18 millions de dollars. Le 27 juillet, la cour municipale de Phnom Penh condamne onze policiers et membres de l’administration des forêts à cinq et sept ans de prison, pour avoir laissé se faire la déforestation de ce parc national. Sept officiers supérieurs en fuite, sont condamnés par contumace. La BM se félicite de ce verdict et demande d’autres condamnations. Le 24 août, l’ancien chef de l’administration des forêts du parc de Virachey est arrêté près de Phnom Penh. « C’est le premier des quatre personnes importantes dit le juge chargé du dossier. Mais il a été relâché quelques heures après un bref interrogatoire.

Le 8 juillet, une vingtaine de camions transportant du bois illégalement coupé sont saisis dans la propriété d’un officier chargé de l’administration forestière de Kampot. Douze personnes sont arrêtées puis relâchées.

Les régions de Kep, Kampot, de Kompong Speu, de Koh Kong sont inondées, conséquence directe de la déforestation. 30 000 hectares de riz seraient détruits, plus de 3 000 tonnes de riz distribuées aux sinistrés. Comme d’habitude, les distributions déchaînent les critiques, car les chefs de villages distribuent en priorité à leur famille et à leurs alliés politiques. On déplore cinq morts.

Caoutchouc

Le prix du caoutchouc monte en flèche : de 1 760 dollars la tonne en janvier, il passe à 2 710 en juillet. On prévoit une entrée de devises de 104 millions de dollars au lieu des 80 de l’an dernier. Le gouvernement voudrait privatiser les planta-tions, grâce à un projet de 25 millions de dollars alloués par la BAD. Il reste six plantations d’Etat, celle de Ratanakiri a été vendue à Tai Seng, une autre à Tabao a été cédée à Kim Kao.

Seize villageois de la province de Kompong Cham sont accusés d’avoir volé du latex dans la plantation de Krek. Ils se défendent en disant n’avoir fait que ramasser le latex tombé à terre et abandonné par les saigneurs.

En juin, Sam Rainsy visite les plantations de caoutchouc et déplore les conditions infrahumaines des travailleurs. A partir du 26 juillet, il organise cinq visites de travailleurs auprès du roi-Père qui lance un appel aux propriétaires de plantations pour le respect des droits des travailleurs. En représailles, plusieurs membres de ces délégations sont licenciés de leur emploi. Le 12 août, Rong Chhung se rend dans la plantation de Chamkar Leu pour informer les ouvriers sur le code du travail et leurs droits. Les policiers montent des enceintes sonores à plein régime pour gêner la réunion.

Il y a plusieurs années, 1 000 hectares de la plantation de Banlung (Ratanakiri) ont été vendus à l’entrepreneur Tai Seng, qui a hérité des structures en vigueur durant la République Populaire du Kampuchéa, durant laquelle les ouvriers travaillaient en « groupes de solidarité ». Actuellement, les 33 responsables de ces groupes ponctionnent 50 % de l’argent que gagnent les saigneurs, qui doivent impérativement leur vendre le latex. La société Tai Seng voudrait supprimer ces intermédiaires improductifs, et donner 100 % du prix aux saigneurs. Les saigneurs se contenteraient de 75 %. Le 23 août, une trentaine d’ouvriers agricoles manifestent pour demander la libération de trois ouvriers incarcérés pour avoir vendu du latex directement pour la société Tai Seng. La police soutient les « groupes de solidarité Cependant, le Conseil des ministres refuse de privatiser les plantations au profit de ces groupes de solidarité.

Le projet chinois de créer une plantation de plus de 60 000 hectares d’hévéas est abandonné.

Agro-alimentaire

Le 17 juillet, Mong Reththy annonce la création d’une société mixte entre son groupe et la société thaïlandaise PTCC Property Managment pour développer trois projets agro-alimentaires dans les environs de Sihanoukville : plantations de palmiers à huile et de cannes à sucre, usine de transformation de sucre. Mong Reththy a déjà investi 50 millions de dollars dans ces trois projets. Son partenaire investira la même somme. Chaque année le Cambodge importe pour 70 millions de dollars de sucre. Ce complexe agro-alimentaire pourrait fournir 10 000 emplois.

Un Japonais s’est lancé dans la production de poivre à Koh Kong et Srè Ambel depuis 1997. Jadis, le royaume en produisait 2 550 tonnes, mais aujourd’hui, seulement 200. Le rendement se situe entre 2 et 7 tonnes à l’hectare.

Corruption

Selon le bulletin de l’Institut économique du Cambodge (IEC), « les frais informels » s’élèvent entre 1,8 et 4,1 % du chiffre d’affaires des entreprises privées, selon leur grandeur, soit une somme totale annuelle de 330 millions de dollars, c’est-à-dire 6 % du PIB. Ainsi seulement 25 % des taxes potentielles sont collectées par l’Etat, ce qui lui occasionne une perte de 400 millions. Cheam Yeap, PPC, président de la commission des finances à l’Assemblée Nationale, estime les résultats de cette enquête « justes ». Cinq cents entreprises doivent encore 125 millions de dollars d’impayés au gouvernement depuis fin 2004. Ce rapport met Hun Sen en fureur et, le 2 août, il traite son auteur d’« espèce de ver ». Ce rapport est pourtant confirmé par les rapports annuels de .

Accords commerciaux

Le 3 août, le Vietnam accorde la suppression des droits de douanes sur 40 produits en provenance du Cambodge, notamment le riz, le manioc, le maïs, le poivre, le café et le caoutchouc.

Le 10 août, le Premier ministre Hun Sen et son homologue thaïlandais ne réussissent pas à se mettre d’accord sur l’exploitation de deux zones pétrolifères contestées entre les deux pays, mais le partage des bénéfices de la zone centrale reste inchangé à 50 % chacun. Selon le Premier ministre thaïlandais, le Cambodge pourrait gagner 200 millions de dollars par an en acceptant l’exploitation commune des gisements contestés, à raison de 85 % pour la Thaïlande, et 15 % pour le Cambodge). Par contre, la Thaïlande a fait un prêt de 34 millions de dollars à 1,5 % d’intérêt pour la construction de la route 67 reliant Siemréap à Anlong Veng, puis la frontière thaïlandaise. Le Premier ministre thaïlandais accepte l’ouverture d’un poste frontière à Préah Vihéar.

DONS, AIDES ET INVESTISSEMENTS

Durant les six premiers mois de l’année, les promesses d’investissements directs étrangers ont atteint 1,1 milliards de dollars (de 449 en 2005), elles se montent à 2,3 milliards si on y inclut les investissements locaux. Cet accroissement est dû en partie à une promesse de 988 millions de la part de la Corée du Sud pour la création d’une ville nouvelle à Phnom Penh s’étalant sur 10 ans. Pour la première fois, les investissements dans l’agro-alimentaire dépassent ceux des usines textiles (185 millions contre 37 ; en 2005, c’était l’inverse : 17 contre 118). Si ces investissements se concrétisent, il s’agira d’un réel développement du pays, et pas seulement l’exploitation d’une main d’ouvre bon marché.

Le 6 juillet est annoncée la création d’une ZES (Zone Economique Spéciale) de 365 hectares à 8 km de l’aéroport de Pochentong, créée par la société cambodgienne SEZ et la société japonaise Zéphir. 89 millions de dollars seront investis, qui pourront générer 100 000 emplois.

Le 26 juillet, le Premier ministre félicite la Chine pour ses investissements : « La Chine parle peu, mais elle fait beaucoup. La Chine ne pose aucune condition et ne force pas le gouvernement cambodgien à suivre son idéologie dit-il à l’adresse du Groupe Consultatif qui octroie ses aides en demandant des réformes structurelles. Sur les 600 millions de dollars octroyés par la Chine, 400 ont déjà été utilisés, les 200 autres le seront pour la construction des ponts de Prek Ta Méak, de Prek Kdam et un autre près de Ta Khmau, sur le Tonlé Bassac.

Le 23 août, le Vietnam s’engage à investir dans les plantations d’hévéas de Kompong Cham, de Kratié et de Ratanakiri ; il dressera une carte des mines pour exploiter le minerai de fer et de bauxite, et prospectera dans le Tonlé Sap et les zones maritimes à la recherche d’hydrocarbures ; une banque vietnamienne s’installera au Cambodge ; des lignes aériennes relieront Hué au Cambodge. Avec les zones d’économie spéciales, le Vietnam étend progressivement sa domination économique, humaine et politique sur son voisin.

Finances

Une société néerlandaise de développement accorde un prêt de 3 millions de dollars, pour une durée de cinq ans, à chacune des deux institutions cambodgiennes de micro-finance Prasac et Amret. Prasac a fourni pour 10,8 millions de prêts en 2005, et compte plus de 80 000 clients, dans 11 provinces. Amret gère des prêts pour 11,3 millions et compte 120 000 clients, en onze provinces. Grâce à ce prêt, Amret pourra satisfaire 25 000 nouveaux clients.

Electricité

Les villes de Kep et de Kampot vont être alimentées en électricité en provenance de la province vietnamienne voisine de Kieng Tang, avant la fin de l’année.

Tourisme

Le 26 août, Dominique Perben inaugure le nouveau terminal de Siemréap, construit par une filiale du groupe français Vinci, qui a investi 19 millions de dollars. Ce nouveau terminal permettra d’accueillir cinq millions de passagers domestiques et internationaux par an.

Les chutes d’eau de Bousra (Mondolkiri), jusqu’alors exploitées par les M’hongs, seront affermées à une société qui gère déjà une route à péage menant à l’aéroport de Sen Monorom et la route qui mène aux cascades.

Une exposition mondiale organisée par le Cambodge et la Corée du Sud se tiendra dans la région d’Angkor du 21 novembre 2006 au 9 janvier 2007. Trente pays sont invités à y participer, 20 ont déjà répondu affirmativement. Le coût des préparatifs s’élève à six millions de dollars. Cela donnera du travail à 10 000 personnes. Une ligne électrique amènera le courant électrique de Thaïlande, ce qui représente un investissement à long terme pour les provinces du Nord, y compris Battambang.

SOCIETE

Mouvements sociaux

Le 30 juin, la municipalité de Phnom Penh lance un plan anti-grève, demandant aux employés de dénoncer leurs collègues grévistes, en tissant des réseaux chargés d’alerter la police en cas de projet de grève. Tous ceux qui distribuent des tracts devront en répondre à la police. Trois cents ouvriers membres de la Fédération des Syndicats khmers (FSK) de Chuon Mon Thol, affiliée au PPC, assistent à la réunion de lancement du plan. Le SIORC dénonce une violation flagrante du droit de manifester.

Le 3 juillet, trois syndicalistes du SIORC sont arrêtés, accusés d’avoir séquestré les 25 dirigeants chinois de l’usine Genuine en en bloquant les portes, ce que dément le syndicat. Ils sont condamnés, en août, à trois ans de prison ferme. Une centaine d’ouvriers se mettent en grève pour demander leur libération.

Le 5 juillet, un militant du SIORC est légèrement blessé par balles, alors qu’il rentre du travail.

Le 8 juillet, le patron taïwanais de l’entreprise Greentex disparaît, en abandonnant 450 employés non payés depuis un mois.

Le 13 juillet et les jours suivants, plus de 100 ouvrières de l’usine textile Tax Tecien s’évanouissent et doivent être transportées à l’hôpital ou dans des cliniques privées. Les 19 et 20 juillet, ce sont près de 600 autres ouvrières qui sont prises de malaises dans deux usines. Sans doute ces évanouissements proviennent de la mauvaise aération et des fumées toxiques. Pour le SIORC, ces malaises proviennent également de la fatigue due aux heures supplémentaires, au manque de nourriture (les ouvrières envoient une partie de leur maigre salaire à leur famille). Des cérémonies bouddhistes sont organisées pour apaiser les esprits auteurs de ces malaises.

Le 18 août, 300 ouvriers de Boric Garnment se mettent en grève pour demander que leur soient établis des contrats de longue durée, et non des contrats de trois mois renouvelables.

Le 31 juillet, le SIORC (Syndicat Indépendant des Ouvriers du Cambodge) et l’AIEC (Association indépendante des enseignants du Cambodge) décident de joindre leurs forces pour former l’« Union des Syndicats du Cambodge » (USC). Le SIORC est présent dans 130 usines, et compterait 70 000 adhérents, l’AIEC en aurait 8 000. Rong Chhung, de l’AIEC, est nommé président de l’USC, Chéa Mony, secrétaire général. C’est le seul syndicat digne de ce nom au Cambodge. Chéa Mony, président du SIORC, est cependant gravement malade. En face de l’USC, la FSC de Chhoum Mom Thom, prétend avoir 80 000 membres. Il accuse l’USC de rouler pour Sam Rainsy.

La délégation de l’association des patrons du textile rentre des Etats-Unis, en juillet, sans avoir obtenu la suppression des taxes d’importation, malgré la sympathie montrée par certains sénateurs. L’échec des négociations de l’OMC, en juillet, rend également plus difficile la compétition internationale pour le Cambodge. L’association des patrons du textile en tire argument pour tenter de refuser l’augmentation du salaire mensuel minimum à 82 dollars. Le SIORC qui avait initialement refusé de participer aux négociations salariales du 8 août et menacé d’appeler à une grève générale, accepte finalement d’y participer.

Spéculation foncière et spoliations

Les conflits liés aux problèmes fonciers sont de plus en plus nombreux et commencent à dégénérer en violence. Il convient de se rappeler que c’est ainsi qu’a commencé la révolte armée khmère rouge.

Le 27 juin, des bulldozers rasent les maisons en bois de petits vendeurs de la plage d’O Chheu Téal, à Sihanoukville, dont les 43 hectares ont été loués à la société Sokhimex. On estime le plan de développement à 80 millions de dollars, notamment la construction d’un hôtel de 500 chambres.

Le 5 juillet, la cour de Ratanakiri accorde 49 hectares aux 106 familles qui réclamaient 200 hectares accaparés par un homme d’affaires, et une compensation de 3 000 dollars par hectare pour les 151 qui lui sont attribués.

Plus de 60 familles de Kampot se plaignent du fait que la banque ait confisqué leurs terres et leurs bovins à la suite de la fuite du chef de village qui devait rembourser un prêt de 40 000 dollars. Dans un autre conflit, 240 familles de Chhuk accusent les autorités locales et provinciales d’avoir vendu 600 hectares de terres et de forêts à une personnalité importante du gouvernement nommée « Peuv » qui a commencé à les faire défricher.

Six familles de Ratanakiri accusent le député PPC d’avoir pris leurs terres et de les avoir menacés avec un fusil d’assaut AK 47.

Entre le 9 et le 14 juillet, l’Autorité nationale de résolution des conflits fonciers (ANRLF) a mené sa première grande opération qui s’est soldée par quatre interpellations et saisies de matériel (tronçonneuses et camions) et de 33 696 m bois. Le Premier ministre précise que l’administration « a confisqué un total de 186 110 hectares dans 23 provinces que le gouvernement est en train de redistribuer aux vrais sans terre ».

Le 19 juillet, une foule de 130 personnes de Malay (Bantéay Méan Chhey, ancienne zone khmère rouge) brûlent un bulldozer venu défricher la forêt leur appartenant.

Le 31 juillet, une centaine de familles de Véal Sbeuv (Khien Svay, dans la province de Kandal), s’en prennent violemment au représentant de la Pham-Imex venu mesurer les terrains dont les villageois affirment être les propriétaires.

Le 1er août, plus de 100 manifestants de Koh Kong protestent à Phnom Penh. Ils demandent que leurs 600 familles retrouvent 5 000 hectares accordés à une concession de sucre de canne.

Le 7 août, la police s’attaque violemment à une délégation de paysans venus de la province de Kandal pour protester contre l’arrestation d’un des leurs, emprisonné lors d’un conflit foncier les opposant à une société privée qui les a dépossédés de 239 hectares de terres. Quarante-cinq paysans sont blessés, dont six assez grièvement. La police a même tiré au fusil d’assaut aux pieds des manifestants. La police patrouille désormais dans leur village pour rechercher les manifestants.

Le 2 août, deux employés de la plantation de Boeug Ket sont emprisonnés pour avoir refusé de céder leurs cinq hectares de terres à l’okhna Sim Vanna. Ils sont libérés quelques jours plus tard, après avoir été forcés d’apposer leurs empreintes digitales sur un document cédant leurs terres au dit okhna.

Selon Ly Korm, président de la Fédération des syndicats cambodgiens du tourisme, 46 employés du Casino Diamant de Poïpet ont été licenciés pour appartenance au syndicat. La direction, par contre, les accuse de vol.

Le 22 août, une centaine de représentants de 343 familles de Phnom Srok (province de Bantéay Méan Chhey) manifestent pour dénoncer les agissements du conseil municipal qui a empiété de 16,5 hectares sur leurs terrains. Le Conseil défriche ce terrain pour le donner aux membres de leurs familles.

Depuis le 29 août, 200 soldats démobilisés campent devant l’Assemblée nationale pour attirer l’attention sur les 340 familles de Bantéay Méan Chhey qu’ils représentent, et qui n’ont pas reçu les terrains promis, ceux-ci ayant été vendus par leur commandant entre 2000 et 2001.

Santé

En 2005, les accidents de la route ont coûté la vie à 904 personnes et le Cambodge a perdu 122 millions de dollars. Depuis 2000, on note 15 % d’augmentation des accidents, bien qu’entre 2004-2005, ils aient baissé de 7 %. C’est la première cause de mortalité avant le sida.

De janvier à mai 2006, le nombre d’accidents dûs aux mines a baissé de 58 %. On comptait entre 800 à 900 victimes par an. Cependant on signale très souvent des accidents provenant d’engins non explosés.

Le Cambodge, carrefour de la drogue : 30 kg d’héroïne transiteraient chaque jour par le Cambodge. On estime qu’un dixième est saisi, et seulement 2 % pour les amphétamines. Les grosses prises sont rares car les trafiquants sont protégés par les plus hautes autorités politiques et militaires du pays. L’argent est blanchi dans les casinos et la spéculation foncière. Il y aurait 50 000 drogués au Cambodge.

Treize kinésithérapeutes cambodgiens ont bénéficié d’une formation par des spécialistes volontaires venant de Singapour. Il existe 198 kinésithérapeutes dans le pays et onze centres de rééducation. 3,4 % de la population est handicapée.

Le 26 juillet, l’hôpital pédiatrique national inaugure un nouveau bâtiment, financé par un donateur américain et la World Vision, destiné à accueillir les enfants séropositifs. Entre 7 000 à 9 000 enfants viennent consulter chaque mois, 700 à 800 sont hospitalisés.

Education nationale

Les 12-13 juillet, 113 942 élèves ont passé le brevet élémentaire, dans 259 centres d’examen. Comme d’habitude, on signale de nombreux cas de corruption. Les enseignants doivent payer dix dollars pour être examinateurs. 88,92 % des candidats ont réussi cette épreuve.

Le 19 juillet, la police saisit les locaux de l’école privée Banana Center, qui malgré un contrat de location en bonne et due forme pour dix ans, voit ses bâtiments cédés au personnel de la radio nationale.

Les 7 et 8 août, 55 581 élèves passent le baccalauréat dans 107 centres d’examen. La corruption est toujours présente : « Ceux qui veulent avoir le baccalauréat sans passer d’examen payent 800 dollars croit savoir Rong Chhung, président de l’AEIC. A Phnom Penh, à Sihanoukville, à Kampot et à Kompong Cham les sujets de littérature étaient en vente depuis la veille des épreuves, pour vingt dollars.

Justice

Le 16 juillet, l’ancien gouverneur de Kampot (FUNCIN-PEC), Américain d’origine cambodgienne, est envoyé en prison pour complicité, corruption et abus de pouvoir. Il est accusé d’avoir déforesté 10 000 hectares de forêts protégées, et s’être approprié 500 hectares pour les vendre à des hommes d’affaires. Cent dix-sept familles ont porté plainte. Il est remplacé par un fonctionnaire PPC. L’opposition se plaint d’une justice sélective qui ne s’en prend pas aux fonctionnaires du PPC.

Le 19 juillet, le directeur adjoint du ministère du Dévelop-pement rural, comme par hasard, du FUNCINPEC, est inculpé pour détournement de fonds dans le cadre des fraudes concernant sept projets de la Banque mondiale. Il est accusé d’avoir détourné 840 000 dollars. Hun Sen continue à demander des preuves pour les autres cas. La BM lui en fournit quelques jours plus tard.

Le 1er août, seize avocats du barreau de Phnom Penh quittent la capitale pour assurer une aide juridique gratuite aux villageois pendant trois ans. Ils ont, de plus, le droit de se constituer une clientèle privée. Ils sont sélectionnés et financés par Avocats sans Frontière France, pour un budget de 550 000 euros sur trois ans, dont 80 % sont fournis par l’UE et 20 % par la France.

Le 24 août, Touch Nim, ancien directeur adjoint de la lutte contre le trafic humain au ministère de l’Intérieur est condamné pour avoir réclamé 9 000 dollars en pots de vin à un propriétaire de bordel de Kompong Speu, en septembre 2004. Il explique dans le détail comment cet argent a été partagé avec ses autorités (sans doute pas assez) et avec ses collaborateurs.

DIVERS

60,4 % de la population cambodgienne a moins de 24 ans. 21,1 % des filles n’ont pas accès à l’éducation, contre 11,7 pour les garçons. 8,2 % des filles entre 15 et 19 ans sont mariées ou mères de familles.

Une société sud-coréenne cherche des femmes cambodgiennes pour les Coréens. En Corée, les hommes représentent 57 % de la population, les femmes 43 %. Déjà, une centaine se sont montrées volontaires, plus pour sortir de leur pays à l’avenir bouché, que pour chercher un partenaire.

Le 5 août, a lieu la 5e finale annuelle de combats de coqs, dont Sok An, ministre du Conseil des ministres est friand, et pour lesquels, en 2004, il a fait passer une loi réglementant ces jeux. Le vainqueur a reçu une voiture, le second et troisième une moto, le quatrième 1 000 dollars. Un coq de combat vaut entre 1 000 et 3 000 dollars. La secrétaire d’Etat à la Culture est également très friande de ce sport.

Phnom Penh

Le 1er juillet, la municipalité commence à expulser les 168 familles habitant sur le terrain de l’hôpital Monivong, vendu au groupe Kith Meng (sénateur). Les familles de policiers ont reçu 1 300 dollars d’indemnités, celle des civils 500, et un terrain de 7x14m, à 30 km de Phnom Penh. Les 21 ONG cambodgiennes de défense des droits de l’homme dénoncent les violences, pour favoriser un groupe financier privé. Le COHRE (Centre international sur les évictions et droits au logement), basé à Genève, estime également que cette éviction viole les droits de l’homme.

Le 21 juillet, le CHRAC (Comité cambodgien d’action pour les droits de l’homme), regroupant 21 associations, demande au gouvernement de suspendre l’expulsion du groupe 78 du Bassac, concernant 146 familles qui sont détentrices d’un certificat de propriété, et de les indemniser au prix courant du terrain, soit 700 dollars le m . Les autorités n’accordent que 600 dollars par habitation, ainsi qu’un terrain de 5 m sur 12 situé à 20 km. de la ville.

Le 10 août, les commerçants du marché de Kbal Thnâl, au delà du pont Monivong, ont reçu l’ordre de déménager dans un nouveau marché qui comprend 546 étals afin de construire un pont parallèle au pont existant. Les propriétaires marchandent âprement leur départ.

1 465 familles résidant dans le quartier du Bassac (village N° 15 de Dey Kraham) sont progressivement expulsées. Le terrain sur lequel elles vivaient a été cédé à la mystérieuse société 7NG, sans que les habitants aient été consultés. Les expulsés disposeront d’une maison en briques construite par la société 7NG, à une vingtaine de km de la capitale, à Borey Santéphéap, avec eau et électricité. Le 5 août, 344 familles ont été tirées au sort pour recevoir ces maisons. Le 16 août, à 21 heures, la police a détruit 26 tentes qui abritaient les gens qui refusaient de partir. Les associations de défense des droits de l’homme s’insurgent.

Autres

Le 14 juillet, le Hezbollah coule un bateau battant pavillon cambodgien à 60 km des côtes du Liban par un tir de missile iranien. L’équipage de douze Egyptiens a pu être sauvé.

Trois bateaux battant pavillon cambodgien sont saisis en mer d’Okhost (Russie) pour pêche illégale au crabe.