Eglises d'Asie

La Commission nationale catholique ‘Justice et paix’ demande au gouvernement l’abrogation des ordonnances Hudood

Publié le 18/03/2010




Dans un rapport du 13 septembre dernier, la Commission nationale ‘Justice et paix’ de l’Eglise catholique du Pakistan (NCJP) a demandé au gouvernement l’abrogation des ordonnances Huhood (Huhood Ordinances) (1), estimant que les récentes propositions du gouvernement n’ont pas réussi à supprimer les vices de forme induits par ces textes. “Le problème majeur de ces lois réside dans le fait que, dès le départ, elles comportent des éléments discriminatoires quant à la religion et au sexe, que les critères relatifs aux témoins sont illogiques et qu’elles prévoient des sanctions inapplicables peut-on lire dans le rapport.

Les ordonnances Hudood inscrivent dans le droit pénal les dispositions de la charia relatives au droit de la personne. La partie la plus controversée de ces ordonnances concerne les dispositions de zina, c’est-à-dire les relations sexuelles illicites (en-dehors du mariage), y compris le viol et l’adultère.

Depuis que ces ordonnances ont été édictées, en 1979, sous la dictature militaire de Zia ul-Haq, la victime d’un viol, par exemple, a besoin de quatre témoins mâles musulmans pour attester le crime. Sans ces témoins, c’est elle-même qui peut être condamnée pour accusations mensongères de viol et toute évidence attestant de relations sexuelles, telle qu’une éventuelle grossesse, peut l’amener à être accusée d’adultère. Les ordonnances Hudood s’appliquent de la même manière aux musulmans et aux non-musulmans ; toutefois, la déposition d’un non-musulman ne vaut que la moitié de celle d’un musulman et elle devient irrecevable lorsqu’il s’agit de crimes et de délits sanctionnés par le Coran.

En lançant en 2002 sa politique de “modération éclairée le président Pervez Musharraf s’était engagé à étudier une révision des ordonnances Hudood, dénoncées par les organisations de défense des droits de l’homme. Le projet de “Loi de protection des femmes préparé à l’origine en 2001 par le Parti populaire (PPP) de Benazir Bhutto, prévoyait de réviser les modalités les plus pénalisantes de la loi, sans pour autant aller jusqu’à son abrogation. Depuis sa première présentation à l’Assemblée nationale à la mi-août 2006, comités et commissions interparlementaires se sont réunis pour tenter de trouver un consensus.

Le 21 août dernier, le Premier ministre Shaukat Aziz annonçait aux médias que le gouvernement travaillait depuis plus de six mois à ce projet de loi car “les femmes ont un rôle très important dans la société et la loi a pour but de les protéger Selon le texte à l’étude, l’adultère restera régi par le droit pénal islamique, tandis que le viol tombera sous le droit public pénal. Ainsi, les personnes reconnues coupables de viol et condamnées à mort sous la charia verront leur peine commuer en peine de prison à vie. Le projet de loi prévoit également la suppression de l’accusation systématique d’adultère lorsqu’une femme victime d’un viol n’a pas réussi à rassembler quatre témoins. Il suggère toutefois que des actions en recours pourront être menées contre la plaignante.

Le projet de révision des ordonnances Hudood a provoqué d’importantes campagnes de protestation de la part de la Muttahida Majlis-e-Amal, la principale alliance de partis politiques islamiques, qui a menacé de boycotter le Parlement. Le 12 septembre dernier, le gouvernement semblait avoir cédé à la pression en proposant de modifier le projet de loi concernant les viols. “S’il y a quatre témoins, les cas de viol tomberont sous la loi islamique, si ce n’est pas le cas, le viol relèvera du droit public pénal a indiqué le ministre de la Justice, Mohammad Wasi Zafar.

Pour la Commission ‘Justice et paix’, “ce marchandage politique rétablit non seulement les insuffisances de l’ancienne loi, mais le nouveau projet de loi devient pire que l’ancienne ordonnance”. La Commission soulève également la question de “l’applicabilité des critères de justice” relatifs aux dispositions de zina. “Pas une seule personne coupable de viol n’a été punie depuis 1979, alors que des milliers d’hommes et de femmes souffrent des conséquences des provisions injustes fixées par cette loi précise le rapport. Selon la Commission pour les droits de l’homme du Pakistan, 79 femmes étaient emprisonnées en 1979 ; en mars 2006, elles étaient 6 000 à avoir été placées en détention provisoire, 75 % d’entre elles attendant leur procès au titre des ordonnances Hudood.

Le rapport souligne aussi les points discriminatoires envers les minorités religieuses, comme pour les cas d’adultère qui peuvent uniquement être traités par des avocats musulmans et devant le tribunal fédéral de la charia. Pour Mgr Lawrence John Saldanha, archevêque de Lahore et signataire du rapport en tant que président de la Commission ‘Justice et paix’, cette loi est “très discriminatoire puisque les avocats non musulmans du pays reçoivent la même formation que les avocats musulmans” et qu’ils étudient également la loi islamique. Le rapport rappelle que la religion peut seulement apporter une contribution à la justice mais ne peut en aucun cas devenir le fondement de la loi. “Ignorer ce principe revient à réduire le champ d’action de la religion et celui de la justice précise Mgr Saldanha.

Selon la Commission des droits de l’homme du Pakistan, la principale organisation de défense des droits de l’homme dans le pays, un viol se produit en moyenne toutes les deux heures et un viol collectif toutes les huit heures. Pour certains militants des droits de l’homme, ces chiffres sont sous-estimés, tant les tabous sociaux, les lois discriminatoires et le harcèlement que la police fait subir aux victimes sont forts.