Eglises d'Asie

Hongkong : des responsables chrétiens disent leur insatisfaction après le refus du gouvernement local de considérer l’instauration d’un salaire minimum

Publié le 18/03/2010




Le 11 octobre, à l’issue d’une conférence de presse convoquée pour expliquer la position de l’Eglise catholique sur le sujet (1), les responsables de la Commission pour le travail du diocèse de Hongkong ont déchiré le texte du discours que le chef de l’exécutif local venait de prononcer devant le Legco (Le-gislative Council), le parlement de Hongkong. Par ce geste public, les responsables catholiques ont ex-pliqué vouloir manifester leur insatisfaction face au refus du gouvernement de considérer l’instauration par voie législative d’un salaire minimum dans la Région administrative spéciale de Hongkong.

Dans son discours annuel de politique générale, le chef de l’exécutif Donald Tsang Yam-kuen a déclaré que “le gouvernement considér[ait] qu’une approche pragmatique à ce stade consist[ait] à fournir une protection salariale par des moyens non législatifs”. Dans cette optique, “un Mouvement de protection salariale pour les employés dans les secteurs de la sécurité et de l’entretien” allait être prochainement lancé (2).

Selon Lawrence An Chung-yuk, secrétaire général de la Commission catholique pour le travail (Commission for Labours Affairs), si Donald Tsang refuse de légiférer à propos du salaire minimum, c’est sans doute parce qu’il subit les pressions du patronat dans ces secteurs d’activité, mais cela ne doit pas empêcher d’agir en vue de l’établissement d’un salaire minimum à Hongkong. En Corée du Sud et au Japon, une législation sur le salaire minimum a été mise en place (avec un salaire horaire équivalent à 3,50 euros en Corée et 4,70 euros au Japon), a-t-il ajouté.

Avec d’autres institutions, telle la Commission diocésaine ‘Justice et paix’, des organismes issus des Eglises protestantes et des syndicats, la Commission catholique pour le travail a fondé une “Alliance populaire pour un salaire minimum”. L’objectif est d’obtenir, par voie législative, l’établissement d’un salaire horaire minimum de 30 dollars Hongkong (3,50 euros). A l’occasion de la fête nationale chinoise, le 1er octobre dernier, 800 personnes ont ainsi défilé devant le Legco pour réclamer la mise en place de ce salaire minimum. Aujourd’hui, dans les secteurs de l’entretien et de la sécurité, les employés gagnent en moyenne 20 dollars Hongkong de l’heure et il arrive que certains salaires horaires descendent jusqu’à 8,30 dollars Hongkong.

Selon des responsables de la Commission diocésaine pour le travail, la voie choisie par le gouvernement n’est pas la bonne, car le Mouvement dont la création a été annoncée ne revêt aucun caractère obligatoire, les employeurs étant libres d’y adhérer ou non. Ce faisant, c’est l’opinion des Hongkongais qui n’est pas écoutée, affirment les responsables de la Commission, car les enquêtes indiquent qu’il existe un fort désir au sein de l’opinion publique pour une meilleure protection des employés, quelle que soit leur activité. De plus, selon un employeur catholique, il est faux de dire que la mise en place d’un salaire minimum contribuera à augmenter les coûts de production des employeurs. En effet, “les employés sont un aspect important du capital d’une entreprise. S’ils sont sous-payés, ils peuvent ne pas se sentir en sécurité et par conséquent ne se consacreront pas pleinement à leur travail développe cet employeur.

Au matin du 11 octobre, une délégation de la Commission diocésaine pour le travail s’était rendue à l’église St. Joseph, où Donald Tsang, catholique pratiquant, se rend quotidiennement à la messe. Là, elle avait remis une pétition de 2 317 signataires au chef de l’exécutif pour l’inciter à accepter le principe d’une loi sur le salaire minimum. La veille, une réunion de prières avait été organisée devant le Legco ; à une cinquantaine de catholiques qui avaient récité les mystères douloureux du Rosaire à Charter Garden, le conseiller spirituel de la Commission diocésaine, le P. Benedict Lam Cho-ming, avait expliqué qu’ils priaient Dieu non pour qu’Il “donne la pauvreté ou la richesse” (Proverbes 30,8), mais un salaire raisonnable en fonction du travail fourni par chacun.

Durant ce temps de prière, deux missionnaires étaient venus partager leur expérience d’ouvriers. Le P. Cumbo, de l’Institut pontifical des Missions Etrangères (PIME), a expliqué qu’il y a vingt-cinq ans, il gagnait 8 dollars Hongkong de l’heure, un salaire à peine moins élevé que celui aujourd’hui perçu par les moins bien payés des salariés employés en sous-traitance dans le secteur de l’entretien. Le missionnaire italien a rappelé l’encyclique de Jean-Paul II, Laborem Exercens, où on lit que le salaire d’un travailleur doit être une “rémunération suffisante pour lui permettre d’établir et d’entretenir correctement une famille, et lui fournir une sécurité pour son avenir”. Le P. Paul Vallat, des Missions Etrangères de Paris (MEP), a rappelé pour sa part que des salaires excessivement bas étaient contraires à la dignité humaine.

Présent à la réunion de prières, le législateur catholique Andrew Cheng Kar-foo a déclaré qu’il était difficile de laisser au seul marché le soin de fixer un salaire minimum. Il est nécessaire d’instaurer un mécanisme pour équilibrer les intérêts des employés et ceux des employeurs, a-t-il ajouté, en appelant Donald Tsang et les législateurs catholiques de Hongkong à prêter une oreille plus attentive aux revendications des classes populaires.