Eglises d'Asie – Chine
Pour la troisième fois en moins d’un an, un évêque a été ordonné sans l’accord du pape au sein de l’Eglise « officielle »
Publié le 18/03/2010
Le 30 novembre, fête de la saint André, la cérémonie d’ordination a été présidée par Mgr Joseph Zhao Fengchang. Ordonné le 7 mai 2000 – avec l’accord de Rome – sur le siège de Yanggu et comme administrateur apostolique de Linqing, dans la province du Shandong (2), Mgr Joseph Zhao Fengchang dirige un diocèse où se trouve Weishan, ville natale du P. Wang Renlei. C’est sans doute pour cette raison qu’il lui a été demandé de présider la cérémonie.
Les deux évêques co-consécrateurs étaient Mgr Francis Lu Xinping, évêque « officiel » non reconnu par Rome de Nankin, et Mgr Joseph Xu Honggen, évêque « officiel » reconnu par Rome de Suzhou, dans la province du Jiangsu. Egalement présents à la cérémonie se trouvaient Mgr Peter Feng Xinmao, évêque « officiel » reconnu par Rome de Hengshui, dans le Hebei, et l’évêque désormais émérite du diocèse de Xuzhou, Mgr Thomas Qian Yurong, âgé de 94 ans (3).
Selon certaines sources, Mgr Li Liangui, évêque « officiel » reconnu par Rome de Xianxian (Cangzhou) (province du Hebei), ainsi que Mgr Peter Feng Xinmao ont été attirés par la ruse à Xuzhou pour assister à la cérémonie d’ordination. Ils auraient reçu une invitation des autorités à se rendre à Nankin pour y discuter de questions immobilières regardant l’Eglise et ce n’est qu’une fois en route qu’ils auraient appris qu’ils devaient se rendre à Xuzhou. Mgr Li Liangui, conduisant lui-même sa voiture, a réussi à fausser compagnie à ses « anges gardiens », évitant ainsi de prendre part à une cérémonie qu’il réprouvait.
Selon des témoins, le caractère très officiel de la cérémonie du 30 novembre est attesté par la présence, dans la cathédrale de Xuzhou, de Ye Xiaowen, le directeur de l’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses (ex-Bureau des Affaires religieuses), et d’Anthony Liu Bainian, le vice-président de l’Association patriotique des catholiques chinois. Interrogé par l’agence Ucanews trois jours avant l’ordination (4), Liu Bainian précisait que la nomination du P. Wang comme évêque de Xuzhou avait été acceptée par la Conférence des évêques « officiels » après que le prêtre eut été élu à l’unanimité par une assemblée locale formée de neuf prêtres, neuf religieuses et des responsables laïcs, le 21 octobre dernier. Un processus décrit comme étant « légal et valide Interrogé par la même agence Ucanews après l’ordination (5), Liu Bainian a précisé que l’Eglise de Chine n’avait pas contacté le Vatican à ce sujet car il n’existe pas de canal de communication ad hoc pour le faire. Toutefois, a-t-il ajouté, l’Eglise de Chine avait demandé au gouvernement chinois de transmettre au Vatican la nouvelle de l’élection du P. Wang et de son ordination prochaine.
Interrogé sur le point de savoir si le nouvel évêque avait ou non demandé l’accord du pape pour devenir évêque et si le Saint-Siège avait disposé de suffisamment de temps pour étudier cette candidature, Liu Bainian a répondu que l’Eglise de Chine avait mené sa propre enquête sur le P. Wang, élu à l’unanimité par les cadres de son diocèse. « Le Vatican devrait avoir confiance en l’Eglise de Chine, notamment sur le fait qu’elle n’approuverait pas un candidat qui ne ferait pas preuve d’amour pour l’Eglise et la patrie a déclaré celui qui est régulièrement présenté comme l’homme fort des structures « officielles » de l’Eglise de Chine.
Selon une source proche du Vatican, Rome n’aurait été informé de l’élection du P. Wang que le 21 novembre dernier. Après avoir espéré jusqu’au dernier moment le report de l’ordination, le Saint-Siège réagira avec vigueur, a estimé la même source, rappelant la réaction du pape aux ordinations illicites du printemps dernier, qualifiées de « grave violation de la liberté religieuse ». Il est probable que la réaction du Saint-Siège ne sera rendue publique qu’après le retour à Rome du pape Benoît XVI, en voyage en Turquie du 28 novembre au 1er décembre.
De Hongkong, le cardinal Joseph Zen Ze-kiun a réagi avec vigueur, publiant un communiqué où l’ordination du P. Wang est qualifiée d’« illégitime ». « Il est difficile de comprendre comment il peut y avoir des gens qui travaillent de manière obstinée à la destruction » de l’Eglise et des contacts entre le Saint-Siège et Pékin, écrit l’évêque de Hongkong. Dénonçant en termes vifs ceux qui ont manigancé cette ordination, le cardinal, au nom du « principe suprême d’harmonie lance un appel « aux plus hauts dirigeants » de la Chine pour engager un réel dialogue avec le Saint-Siège.
Né le 5 juin 1970 dans une famille catholique de Weishan, dans la province du Shandong, le P. Wang a étudié au séminaire régional de Sheshan, à proximité de Shanghai, de 1989 à 1992. Ordonné prêtre en 1996, il a suivi des études au séminaire national, à Pékin, jusqu’en 1999. Nommé vicaire général de Xuzhou en 2001, il réside à l’évêché depuis janvier 2005. Selon une source ecclésiale locale, le P. Wang prend la tête d’un diocèse troublé et pauvre en prêtres – avec seulement six jeunes prêtres, un prêtre âgé et Mgr Thomas Qian. Du fait, apparemment, de l’ingérence des autorités locales dans les affaires du diocèse, trois prêtres ont quitté le diocèse ces dernières années et plusieurs de ses séminaristes ont fait de même.