Eglises d'Asie

La question de la sépulture à donner à un Indien converti à l’islam puis revenu à la foi catholique a, une nouvelle fois, soulevé le problème de la protection des droits des minorités religieuses

Publié le 18/03/2010




Le 9 décembre dernier, Anthony Rayappan, mort le 29 novembre 2006 à l’âge de 71 ans, a été inhumé selon les rites de la foi catholique, après qu’une messe eut été célébrée à son intention la veille. La nouvelle, anodine en soi, a été saluée par un communiqué de la Fédération chrétienne de Malaisie, où l’on pouvait lire que “le bon sens [avait] finalement prévalu” et que la famille du défunt pouvait désormais vivre son deuil dans la paix. L’avant-veille, le Conseil islamique pour les affaires religieuses de l’Etat de Selangor avait rendu un avis, selon lequel il renonçait à réclamer le corps du défunt pour lui donner une sépulture selon les rites musulmans.

L’affaire a occupé le devant de la scène pendant plusieurs jours en Malaisie, au point que le Premier ministre en personne, Abdullah Badawi, demanda à son ministre de la Justice de se saisir du cas pour le régler à la satisfaction de toutes les parties en présence. Anthony Rayappan, membre de la minorité indienne du pays, était né dans une famille chrétienne. En 1990, à l’occasion d’un mariage en secondes noces avec une musulmane, il se convertissait à l’islam, changeant son nom en Muhamad Rayappan Abdullah. En 1999, toutefois, a fait valoir sa famille après son décès, il retournait à la foi catholique, tout en omettant de faire valoir ce changement au département pour les Affaires religieuses. Un changement communiqué à d’autres agences officielles puisque ses papiers d’identité, renouvelés en 2003, le désignaient sous le nom d’Anthony et portaient la mention “chrétien” à la rubrique “appartenance religieuse”. Le 29 novembre, lors de son décès à l’hôpital causé par le diabète, un voisin qui connaissait sa conversion à l’islam de 1990, signala ce fait au département des Affaires religieuses et ce dernier réclama le corps pour qu’il soit remis au Conseil islamique pour les affaires religieuses de Selangor, à charge pour cette instance de lui donner une sépulture musulmane.

Pour faire valoir son droit et récupérer le corps de son défunt, la famille d’Anthony Rayappan entama une procédure devant une juridiction civile, tandis que le département pour les Affaires religieuses portait l’affaire devant un tribunal islamique, seul compétent chez les musulmans pour les litiges liés à la famille, à la propriété et au mariage. Appelée à témoigner devant le tribunal islamique, la famille du défunt refusa de le faire, arguant du fait que ce tribunal n’avait pas juridiction sur les non-musulmans. Finalement, les preuves attestant du retour à la foi catholique du défunt étant si évidentes, l’affaire s’est terminée à la satisfaction des proches de la famille d’Anthony Rayappan, mais, selon les observateurs locaux, elle témoigne de la difficulté que les minorités religieuses peuvent rencontrer à faire respecter leur droit dans un pays où, si la Constitution reconnaît la liberté religieuse, l’application de ce principe est rendue difficile du fait des conflits de compétence qui apparaissent entre juridictions civile et religieuse dans les affaires impliquant à la fois des musulmans et des non-musulmans.

Un cas similaire était apparu il y un an, lorsqu’après un débat virulent, Maniam Moorthy avait été inhumé selon les rites musulmans. Indien né dans une famille hindoue, ancien militaire, Maniam Moorthy était un héros national pour être le premier Malaisien à avoir vaincu le sommet de l’Everest. Après sa mort, un tribunal islamique avait statué, déclarant qu’il s’était converti à l’islam avant son décès, un fait qu’il aurait caché à sa femme. Ayant porté l’affaire au civil, sa veuve avait perdu en appel devant la Haute Cour de Malaisie, les juges estimant qu’ils n’avaient pas compétence à recevoir le cas.

Que ce soit à propos de sépulture, de mariage ou de conversion religieuse, la chronique judiciaire est riche en Malaisie de cas semblables, où des voix s’élèvent pour que le législateur clarifie la garantie constitutionnelle de la liberté religieuse et la façon dont cette garantie s’applique aux non-musulmans comme aux musulmans (1).