Eglises d'Asie

Le Saint-Siège a fermement condamné “l’ordination épiscopale illégitime” de Xuzhou tandis que Pékin a qualifié les protestations du Vatican de “déraisonnables”

Publié le 18/03/2010




L’ordination, le 30 novembre dernier, du P. John Wang Renlei comme évêque coadjuteur du diocèse de Xuzhou (province du Jiangsu) (1) a suscité un long et ferme communiqué du Saint-Siège pour condamner cette “ordination épiscopale illégitime”. En retour, la Chine, par la voix d’un porte-parole des Affaires religieuses, a qualifié de “déraisonnables” les protestations du Vatican contre l’ordination d’un évêque sans mandat pontifical.

Au lendemain du retour du pape à Rome, après son voyage en Turquie, la salle de presse du Saint-Siège a publié, le 2 décembre, un communiqué portant la réaction du Vatican à l’ordination sans mandat pontifical de l’évêque coadjuteur de Xuzhou (2). On peut y lire que Benoît XVI a appris la nouvelle de cette ordination “avec une profonde douleur” du fait que l’ordination a été conférée sans respecter la discipline de l’Eglise catholique en la matière. Sur le fond, les ordinations épiscopales menées depuis de nombreuses années en Chine sans mandat pontifical – des “actes extrêmement graves” – sont “le fruit et la conséquence d’une vision de l’Eglise qui ne correspond pas à la doctrine catholique”. A l’adresse des personnes qui ont pris part à la cérémonie d’ordination, c’est-à-dire l’évêque ordonné, les évêques consécrateurs, le Saint-Siège rappelle les sanctions prévues par le Code de droit canonique, à savoir l’excommunication latae sententiae. Il est toutefois ajouté que cette sanction ne s’applique qu’à condition que l’acte ait été “accompli dans une situation d’authentique liberté allusion aux pressions qui ont été très certainement exercées par les autorités chinoises sur les prêtres et les évêques concernés par cette ordination. A leur adresse, le Saint-Siège évoque “le drame spirituel” qu’ils vivent de se trouver ainsi contraints à prendre part à des ordinations qu’au fond de leur cour ils réprouvent. Le seul motif de “réconfort” pour le pape est de constater que “la quasi totalité des évêques, prêtres, religieux et fidèles de Chine, conscients d’appartenir à l’Eglise universelle, maintient sa profonde communion avec le successeur de Pierre et toutes les communautés catholiques du monde”. En conclusion, le Saint-Siège ne lance pas d’appel aux autorités chinoises à engager un dialogue en vue d’une normalisation de la situation de l’Eglise en Chine ; il affirme seulement ne pouvoir accepter d’être mis devant le fait accompli en ce qui concerne les ordinations épiscopales et espérer “que de tels incidents ne se reproduiront pas à l’avenir”.

La réaction de la Chine a été très rapide. Dès le lendemain, 3 décembre, l’agence de presse Xinhua (Chine nouvelle) rendait compte des propos d’un porte-parole de l’Administration d’Etat des Affaires religieuses. Les protestations du Vatican y sont qualifiées de “déraisonnables”. La dépêche souligne que plus de 40 sièges épiscopaux – sur un total de 97 – sont aujourd’hui vacants et que la grande majorité des évêques sont âgés. Ces cinquante dernières années, l’Eglise catholique en Chine a “choisi par elle-même et ordonné par elle-même” plus de 170 évêques afin d’assurer sa survie et son développement, répondant ainsi aux voux des ecclésiastiques et des fidèles chinois. Le Vatican “devrait naturellement comprendre et soutenir” cela s’il “se montre vraiment soucieux de la cause des Eglises catholiques de Chine”. Sur le cas précis de Xuzhou, étant donné le statut présent des relations sino-vaticanes, et considérant le fait que la Conférence épiscopale “officielle” avait validé la candidature du P. Wang Renlei, la requête du Vatican “visant à stopper et repousser l’ordination [était] déraisonnable”.

De Hongkong, le cardinal Zen Ze-kiun a estimé que l’ordination de Xuzhou présentait un caractère “encore plus grave” que celles qui ont eu lieu au printemps dernier, à Kunming et dans l’Anhui (3). A l’époque, a expliqué le cardinal, le Saint-Siège avait clairement exprimé sa désapprobation, qualifiant les ordinations illégitimes d’“offenses très graves” et le gouvernement central avait alors “promis de ne plus promouvoir de telles ordinations”. C’est pourtant ce qui vient de se produire. Pour l’évêque de Hongkong, c’est au plus haut niveau de la direction chinoise que le dossier doit être repris en main, pour “éviter à notre pays de devenir la risée de la famille humaine dans le monde”.

Par ailleurs, selon la presse de Hongkong, une élection a eu lieu à la fin du mois de novembre dernier dans le diocèse de Canton. Un prêtre âgé d’une quarantaine d’années, le P. Gan Junqiu, curé de la cathédrale, a été élu par 36 voix pour et une abstention, quelques suffrages se portant sur des prêtres âgés du diocèse. La candidature du P. Gan a été transmise au Saint-Siège pour étude et un éventuel accord. Selon Anthony Lam, du Centre d’études du Saint-Esprit, du diocèse de Hongkong, le P. Gan est un prêtre capable, issu d’une famille catholique depuis plusieurs générations, et il a enseigné dix ans au séminaire régional de Wuchang, à Wuhan, avant de revenir à Canton. Le siège épiscopal de Canton est vacant depuis la mort de Mgr Lin Bingliang, en mai 2001.