Eglises d'Asie – Sri Lanka
Les suicides de plus en plus nombreux de paysans incitent l’Eglise catholique à s’interroger sur la situation des agriculteurs endettés
Publié le 18/03/2010
Les problèmes des cultivateurs sri-lankais ne sont pas nouveaux, mais le nombre grandissant des fermiers submergés de dettes est bien réel. Depuis 2001, près de deux cents cultivateurs se sont suicidés, dont parmi eux une dizaine de catholiques. D’après W. Gresion Rodrigo, du diocèse d’Anuradhapura, région où travaille Benadict, sept cultivateurs, bouddhistes, se sont suicidés durant les cinq derniers mois. Rodrigo a expliqué à des journalistes de l’agence Ucanews qu’un cultivateur catholique commençait à peine à se remettre d’une tentative de suicide, commise du fait de son endettement et de son incapacité à nourrir sa famille.
Le diocèse, situé dans la région de l’ancienne capitale d’Anuradhapura, recouvre les deux districts d’Anuradhapura et de Polonnaruwa. Il compte 11 000 catholiques, soit 1 % des 1,3 million d’habitants, bouddhistes à 90 %. Benadict et trente autres cultivateurs ont rencontré les autorités ecclésiales le 23 novembre pour parler de leurs problèmes. Mgr Norbert M. Andradi, évêque d’Anuradhapura, et ses collaborateurs du Conseil diocésain des laïcs étaient présents à cette rencontre (1).
« La plus grosse partie de notre production est achetée à très bas prix par des négociants. Certains cultivateurs vendent toute leur production pour couvrir leurs frais, et beaucoup n’ont même pas un kilo de riz pour nourrir leur famille se lamente Sarath Yayasekara. Cet agriculteur de la paroisse du Sacré-Cour a expliqué que le gouvernement avait certes fixé les denrées à des prix raisonnables, mais qu’il était impossible de les vendre au prix officiel.
S. Kannagara, de la même paroisse, a reproché aux politiciens corrompus la situation critique des agriculteurs. « Les politiques achètent notre production à très bas prix. Les politiciens sont riches, et riches grâce à la corruption a-t-il affirmé. Kannagara et son groupe ont décidé de préparer pour le président du Sri Lanka et les responsables de la filière agricole un rapport sur leur situation. « Le président du Sri Lanka doit être informé a-t-il insisté, demandant à son évêque de présenter leur rapport au président.
Quant à Mgr Andradi, il a déclaré comprendre la raison des suicides chez les cultivateurs : « Les collectivités rurales vivent dans le désespoir. » L’évêque a promis de « soumettre un rapport de situation aux autorités agricoles gouvernementales et au président du Sri Lanka maintenant qu’il est « mieux au fait les problèmes ». L’évêque, membre de la Commission épiscopale pour le laïcat, a souligné que l’Eglise avait à prendre en compte la vie quotidienne des gens et pas seulement lorsqu’ils sont rassemblés à l’église, car son ministère ne se limite pas à des prières ou à des cérémonies. Quand les gens n’ont rien pour se vêtir ni pour manger, ce n’est pas le moment de leur demander de venir prier à l’église, a-t-il ajouté.
Beaucoup d’habitants des régions reculées du diocèse ne gagnent que de 20 à 30 000 roupies par mois (entre 160 et 235 euros), alors qu’ils doivent faire face à l’augmentation régulière de leur dette, à des coûts de production toujours plus élevés et à des revenus très aléatoires. D’après les responsables de la région Sethsaviya, le district de Polonnaruwa est un des plus pauvres du pays ; 46 % des enfants du district y souffrent de malnutrition.
Samson Jayasinghe, secrétaire de la Commission épiscopale pour le laïcat, a fait savoir aux journalistes que la Commission « se joindrait aux cultivateurs bouddhistes et aux bonzes pour faire remonter leurs inquiétudes ». Inquiétudes particulièrement sérieuses, a-t-il expliqué, puisque le diocèse « est une région hautement agricole qui a bénéficié pendant des décennies d’une bonne administration, d’une bonne irrigation et d’une bonne production ».
Tout comme Anuradhapura, ville sacrée pour les bouddhistes sri-lankais où se trouve le plus ancien centre bouddhique du pays, Polonnaruwa est également une ancienne capitale. Dans cette région aride et pittoresque, les palaces en ruines, les jardins, les dagoba (reliquaires) et les pièces d’eau datant des siècles passés abondent.