Eglises d'Asie

Avec le décès de deux évêques âgés, la moitié des sièges épiscopaux des diocèses “officiels” de l’Eglise de Chine sont vacants

Publié le 18/03/2010




Le 4 janvier dernier, Mgr Peter Paul Li Panshi, évêque “officiel” du diocèse de Jiangmen, dans la province du Guangdong, s’est éteint. Il était âgé de 95 ans et souffrait d’un cancer des poumons. Le 7 janvier dernier, au soir de l’Epiphanie, Mgr Joseph Meng Ziwen (Jieren) est décédé. Il était l’évêque non officiel du diocèse de Nanning, dans la province du Guangxi, et, à 103 ans, il était certainement l’évêque le plus âgé du monde à être encore titulaire d’un siège épiscopal. Après la mort de trois évêques en décembre dernier (1), ces nouveaux décès augmentent le nombre des diocèses sans évêque. En 2006, ce sont au total dix évêques âgés qui sont morts (neuf évêques “officiels” et un “clandestin”) (2). Désormais, selon des statistiques de l’Association patriotique des catholiques chinois, près de 45 des 97 diocèses “officiels” n’ont plus d’évêques et l’année qui vient apportera sans doute son lot de décès supplémentaires. En effet, 60 % des évêques ont plus de 75 ans, l’âge la retraite selon le droit canon, et 50 % ont plus de 80 ans. Au total, les évêques “officiels” sont un peu moins d’une soixantaine et les évêques “clandestins” un peu plus de trente-cinq.

Mgr Li Panshi administrait, depuis 1981, un diocèse situé dans le delta de la rivière des Perles, au cour de cette région devenue en deux décennies un des moteurs de la croissance économique de la Chine. Pour servir environ 20 000 fidèles et travailler à l’évangélisation d’un pays en pleine transformation, l’évêque ne disposait que de huit prêtres, deux âgés et six jeunes. Répartis sur une vingtaine de districts et des grandes villes comme Foshan, Jiangmen, Shunde et Zhongshan, ces prêtres doivent maîtriser le cantonais, le hakka et le mandarin, ainsi que d’autres dialectes, pour assurer leur ministère. Pour tenter de répondre à ce manque de personnel, Mgr Li Panshi insistait toujours sur la nécessité de former des séminaristes.

Selon sa biographie diffusée par le diocèse, Mgr Li Panshi a vu le jour le 12 juin 1911, dans la province du Guangdong. Entré au petit séminaire à Macao en 1922, il est ordonné prêtre en juillet 1944 et envoyé dans une paroisse de Zhongshan, région qui a donné naissance à Sun Yat-sen, le père de la République chinoise. Après la prise du pouvoir par les communistes, en 1949, il est contraint à gagner sa vie en cultivant des bananes et en élevant des lapins. Envoyé à la campagne lors de la Révolution culturelle (1966-1976), il revient à la fin des années 1970 à Zhongshan, où il reprend une activité pastorale. Selon un prêtre du diocèse, il accepte de prendre la tête du diocèse en 1981, devenant le premier évêque du lieu à être ordonné sans l’accord du pape. Son souci était de travailler à l’unité du clergé, des religieuses et des fidèles dans le diocèse, a témoigné un prêtre du diocèse.

Mgr Meng Ziwen, quant à lui, présentait la particularité d’avoir été ordonné clandestinement, en 1984, pour diriger le diocèse de Nanning, sa qualité de prêtre étant toutefois reconnue par les autorités chinoises. Ainsi qu’il le rappelait avec discrétion, il signait toujours ses courriers comme prêtre pour éviter les difficultés avec les autorités locales et il refusait avec obstination de s’affilier à l’Association patriotique. Les catholiques locaux s’adressaient à lui en l’appelant “Lao Shenfu” (‘Vieux prêtre’).

Né dans une famille non catholique le 19 mars 1903, à Hengling (Cenli), dans la province du Guangxi, Joseph Meng Ziwen a été baptisé dans sa jeunesse. Il est entré au petit séminaire à quinze ans. Après ses études secondaires, il fut envoyé au séminaire régional de Penang, en Malaisie, où les études étaient conduites en latin. De retour au Guangxi, il fut ordonné prêtre en 1935. Après quelques stages en paroisse, il fut nommé professeur au petit séminaire. Puis, en 1949, il remplaça plusieurs missionnaires, d’abord empêchés d’exercer leur ministère, puis expulsés. Mais, dès 1951, il fut lui-même arrêté et envoyé en “rééducation par le travail” (laogai). Féru de médecine traditionnelle, il fut condamné pour avoir soigné des “ennemis de l’Etat” et, ironie de l’histoire, ce sont ses connaissances en médecine qui, racontait-il, lui permirent de survivre dans les débuts particulièrement durs. Les gardes du camp lui demandèrent en effet de soigner des détenus. Tout en les soignant, il leur parlait de Dieu autant que cela était possible, même s’il lui était impossible de les baptiser. Remis en liberté en 1957, il fut de nouveau arrêté et ne sera libéré qu’en 1970, considéré comme trop faible pour continuer à travailler. N’étant pas habilité à participer aux “unités de travail” officielles, il dut, pour survivre, se consacrer à la collecte du lisier de porc qu’il revendait aux paysans. Cependant, il reprit peu à peu contact avec des chrétiens, et se remit à exercer son ministère, d’abord clandestinement, puis, à partir du début des années 1980, pratiquement de manière ouverte.

Sa première préoccupation fut de choisir de jeunes chrétiens, garçons et filles, et avec l’aide d’anciens séminaristes qui n’avaient pu devenir prêtres, mais étaient devenus les noyaux de communautés catholiques, de les former en vue du ministère ou de la vie religieuse. C’est ainsi qu’il envoya quelques jeunes au séminaire de Wuhan et refonda la congrégation diocésaine des religieuses de la Sainte Famille. En 1984, un évêque venu du nord du pays lui conféra l’ordination épiscopale. Evêque clandestin, mais prêtre officiel, avec l’aide des jeunes prêtres revenus du séminaire de Wuhan et des jeunes religieuses de la congrégation de la Sainte Famille, il employa les vingt années suivantes à reconstruire les communautés catholiques du diocèse. Le 19 mars 2003, les treize prêtres de la province étaient réunis à Nanning, capitale du Guangxi, pour fêter son 100e anniversaire.

Plein d’humour, il racontait récemment que les autorités lui avaient demandé s’il était vraiment évêque et, sur sa réponse affirmative, ils avaient insisté pour savoir qui l’avait choisi, alors que le Bureau des Affaires religieuses n’était pas au courant. Il leur dit simplement : “C’est l’Eglise catholique qui m’a choisi, et cela me suffit !” En janvier 2003, il délégua l’administration du diocèse à Mgr John Baptist Tan Yanchuan, nouvel évêque coadjuteur ordonné avec l’accord de Rome (3), mais continua à exercer l’essentiel de la pastorale dans plusieurs dizaines de villages de la région de Guigang, nouveau nom du district de Guixian. En 2004, sa santé commença à décliner.