Eglises d'Asie – Cambodge
LE POINT SUR LA SITUATION POLITIQUE ET SOCIALE du 1er novembre au 31 décembre 2006
Publié le 18/03/2010
La vie politique des deux derniers mois se caractérise par la mise à l’écart complète de Ranariddh, évincé de la présidence du Funcinpec, lors du congrès extraordinaire du parti, le 18 octobre dernier.
Funcinpec
Suite à l’éviction de Ranariddh à la tête du Funcinpec, surgissent des problèmes fonciers, notamment pour le parti, problèmes en grande partie utilisés pour ruiner totalement le crédit politique de l’ancien président du parti.
Le congrès du 18 octobre avait décidé d’annuler la vente du terrain où est situé le siège du parti (jouxtant l’ambassade de France) au neveu d’un député PPC. Ranariddh l’a vendu 3,6 millions de dollars et n’en a versé qu’un million pour l’achat d’un terrain à la périphérie de Phnom Penh afin de construire un nouveau siège. L’acquéreur affirme avoir versé un million en cash à Ranariddh, et versé 2,5 millions pour la construction du nouveau siège, déjà réalisée à 20 %. Nhek Bun Chhay, secrétaire général du Funcinpec, dépose une plainte contre Ranariddh pour « abus de confiance la vente du siège ayant été faite sans consultation des instances du parti, et la signature de l’achat d’un terrain ainsi que la construction d’un nouveau siège, sans aucun appel d’offres. Ranariddh est de plus accusé d’avoir mis la propriété du nouveau terrain à son nom et d’en avoir gonflé le prix d’achat. Nhek Bun Chhay demande le remboursement de la vente de l’ancien terrain, ainsi qu’un million de dommages et intérêts. L’ancienne direction dément, le constructeur porte plainte à son tour contre le parti.
Ranariddh réclame la propriété des terrains du Funcinpec en province mis à son nom ainsi que deux radios du Funcinpec. On lui fait remarquer que les sièges locaux du parti appartiennent au parti et non à son président.
Le 18 décembre, la cour municipale de Phnom Penh inculpe Ranariddh, parti à l’étranger, pour « abus de confiance Il est passible d’un à cinq ans de prison. Khieu Khanharith, porte-parole du gouvernement, fait remarquer que son demi-frère, le roi Sihamoni pourra le gracier ! Ranariddh est convoqué à comparaître devant la justice le 5 janvier 2007.
Le comité permanent du Funcinpec limoge plusieurs personnalités qui s’opposent à la nouvelle structure du parti, soit en les excluant du parti, soit en leur retirant leurs charges ministérielles.
Le 9 novembre, la police municipale de Phnom Penh saisit la voiture de fonction de Sérey Kosal, après son exclusion de son poste ministériel.
Le 27 novembre, au début de la session parlementaire, You Hocky, deuxième vice-président de l’Assemblée nationale et partisan de Ranariddh, est remplacé par Hong Song Huot, par le vote de 95 députés sur 106 présents. Il conserve néanmoins son mandat de député.
Le lendemain de la reconnaissance officielle du PNR (Parti de Norodom Ranariddh, 29 novembre), la direction du Funcinpec annonce que Ranariddh n’est plus député de Kompong Cham, ni membre du parti. Le 12 décembre, lors de la séance inaugurale de la session parlementaire, l’Assemblée nationale remplace Ranariddh et son fidèle Chhim Séak Leng, comme députés et aux postes ministériels qu’ils occupent. La loi cambodgienne interdit, en effet, l’appartenance à deux partis à la fois. La veille, Chakrapong, avait également vu son poste de sénateur invalidé.
Sangkum Chéat Niyum (SCN)
Dans une conférence de presse tenue le 7 novembre, Sisowwath Thomico ambitionne de rassembler toute la famille royale autour de son parti, après avoir eu des discussions « positives » avec Ranariddh à Kuala Lumpur pendant 12 heures. Il demande également au PSR de rejoindre ses rangs.
Le 10 novembre, Hun Sen menace Thomico d’envoyer des chars contre lui, s’il tente de changer le régime.
Parti Norodom Ranariddh
Imitant Sam Rainsy, le 26 octobre, Ranariddh lance un parti portant son nom, et demande l’autorisation officielle au ministère de l’Intérieur. Sa demande, incomplète, ne sera acceptée que le 28 novembre.
Le 13 novembre, Ranariddh, de retour au Cambodge, annonce qu’il abandonne l’enseignement pour se consacrer à la politique (sans doute a-t-il tout simplement atteint l’âge de la retraite.) et demeurer au Cambodge ! Il demande aux membres du Funcinpec de rejoindre son parti et à son père, fondateur de Funcinpec, de dissoudre le parti, ou de changer son nom, ce que le roi-père refuse.
Après avoir laissé penser qu’il fusionnerait avec le SCN, Ranariddh fusionne avec le Parti du Front Khmer, minuscule parti essentiellement composé d’étudiants, qui lui propose d’en prendre la tête. Hun Sen ironise : « Avant il faisait de l’ombre aux autres, maintenant il se réfugie à l’ombre des autres !… Il est passé d’une villa à une cabane. » Ranariddh fait placer 1 621 affiches de son parti avec son portrait sur fond du Cambodge. Le doute plane sur le ralliement massif des membres du Funcinpec à la nouvelle direction, d’où les attaques de plus en plus diverses contre Ranariddh que le PPC veut éliminer à tous prix. Le 27 décembre, Hun Sen se doit de proclamer que même si le Funcinpec n’a aucun député lors des prochaines élections, il continuera de travailler avec lui : il rassure ainsi les membres du parti sur la nécessité de rester fidèle pour obtenir un poste.
Marie, épouse de Ranariddh, dépose une plainte contre son mari pour polygamie et adultère. Cependant, elle n’a pas d’acte de mariage et les faits se sont produits avant la promulgation de la loi interdisant l’adultère. Le Funcinpec exhume des photos du mariage. Seuls 20 000 couples sur les 183 000 de la capitale possèdent un certificat de mariage. Les intérêts financiers ne sont sans doute pas étrangers à la démarche politique de l’ex-épouse de Ranariddh.
PSR (Parti Sam Rainsy)
Le 24 décembre, Hun Sen affirme que Son Chhay, membre du PSR, assez souvent critique du PPC et qui vient de critiquer le ministre des Affaires étrangères dans l’affaire Heng Peuv, est en réalité son espion au sein du parti, ce que dément immédiatement l’intéressé. Son Chhay révèle cependant qu’il a touché 10 000 dollars, comme beaucoup d’autres députés, pour élire Ung Huot, comme premier Premier ministre, à la place de Ranariddh, après les « événements » des 5-6 juillet 1997, mais sans autre engagement. Sam Rainsy lui assure de sa confiance « à 100 % ».
Le 25 décembre, le comité directeur du PSR élit Mo Sochua, par 44 voix sur 64, au poste de secrétaire générale du parti. Elle occupera ce poste jusqu’au lendemain des élections municipales. Meng Rita, ancien secrétaire général par intérim, après la démission d’Eng Chhay, se retire de la politique pour rejoindre sa famille aux Etats-Unis.
Affaire Heng Peuv (suite et fin)
Heng Peuv, ancien commissaire en chef de la police de Phnom Penh, en fuite depuis le 31 juillet, d’abord à Singapour, puis en Malaisie, est arrêté le 3 octobre par les autorités malaisiennes pour dépassement d’autorisation de séjour. Après deux mois de négociations, la Finlande lui accorde le statut de réfugié, à la fureur des autorités de Phnom Penh qui ironisent et proposent à la Finlande d’accueillir tous les criminels du Cambodge ! Depuis les délégations de personnalités cambodgiennes défilent à Kuala Lumpur pour faire pression sur les autorités malaisiennes. On parle de millions de dollars versés pour arracher la décision, ce que nient les autorités cambodgiennes. Le 15 décembre, la justice malaisienne décide de le renvoyer à Singapour, son ancien port d’embarquement, afin qu’il puisse gagner la Finlande. Mais le 21 décembre, la Cour suprême malaisienne casse cette décision, et l’expulse dans l’heure au Cambodge, un Falcon privé l’attendant à l’aéroport pour le ramener au pays avec Mok Chito, son remplaçant au poste de chef de la police de Phnom Penh et son ennemi juré. Il détient trop de renseignements compromettants pour les autorités de Phnom Penh.
La Cour fédérale de Malaisie, la plus haute instance de la justice malaisienne, exprime son étonnement devant une expulsion si soudaine, qui intervient juste avant qu’elle ne statue sur la demande de recours d’Heng Peuv.
La Finlande demande à ce qu’Heng Peuv jouisse d’un procès équitable. Le ministre cambodgien des Affaires étrangères lui répond que son pays est souverain et n’a que faire des lois finlandaises.
Amnesty International et plusieurs associations malaisiennes et internationales de défense des droits de l’homme se disent choquées par cette expulsion qui viole le droit d’asile.
Condamné par contumace le 18 septembre, Heng Peuv est conduit en prison, où il purge une peine de 18 ans pour le meurtre du juge Sek Sethamony.
Préparation des élections
Selon les directeurs de COFREL et du NIFEC (ONG cambodgiennes d’observation des élections), le nombre d’inscrits « fantômes » n’a cessé de croître lors des dernières élections : 4 % en 2003, 10 % en 2005. Ces « fantômes » sont décédés, ou ont changé de domicile. La directrice de la LICADHO, qui siège au conseil d’administration du NIFEC, y voit une volonté délibérée du régime, bien au-delà de la marge habituelle d’erreurs admises. Le NEC (Conseil national des élections) estime, quant à lui, le nombre des « fantômes » à 2 %, et déjà 80 000 d’entre eux ont été supprimés des listes. 1 214 250 nouveaux électeurs sont inscrits, soit deux fois plus que les estimations du CNE, ce qui laisse planer des doutes sur la qualité technique des statistiques du CNE.
Seize cas d’irrégularités ont été signalés par les ONG d’observation du processus d’inscription. Le PSR en a déposé 76. Il demande, entre autres choses, que 9 188 noms, parmi lesquels de nombreux Vietnamiens, soient rayés des listes électorales dans 15 provinces. Les comités provinciaux en ont supprimé plus de 1 892. Le directeur du COFREL déclare cependant que le PSR n’apporte aucune preuve. Le 18 novembre, le CNE raye 110 noms d’électeurs vietnamiens à Phnom Penh et 157 dans la province de Kandal. La veille, le PSR saisit le Conseil constitutionnel pour obtenir la radiation de 1 264 noms dans sept communes de la province de Prey Veng. Le 24 novembre, le Conseil constitutionnel donne raison au CNE pour n’avoir pas supprimé 8 000 noms. Le PSR se déclare « indigné ».
Le PSR déplore un climat de violence et d’intimidation à l’égard de ses militants.
Le 1er novembre, un militant PSR de 23 ans est tué dans la province de Prey Veng. Le 18 et le 25 novembre, deux militants PSR sont abattus par la police à Peam Chhor. Le 27 novembre, un membre du PSR venu porter plainte contre une attaque dont il a été victime par un membre du PPC, se retrouve en prison. Déjà le 20 octobre, un militant PSR avait été tué à Ponhéa Krek, le 13 août, un autre agressé à Kamchay Méar. La police affirme pour tous ces cas que ce sont des crimes de droit commun, et que le PSR en profite pour accuser le PPC. Les observateurs des droits de l’homme notent toutefois que ces meurtres sont toujours commis à l’encontre de militants du seul parti de l’opposition.
Le PSR demande que soit institué le droit de vote pour les 700 000 Cambodgiens de l’Etranger, dont 400 000 sont en âge de voter.
Hun Sen met vigoureusement en garde le pays contre toute tentative de « pouvoir du peuple comme s’il craignait des manifestations de rue qui le mettraient en état de faiblesse. Le 30 novembre, Tep Vong, patriarche suprême de l’Ordre Mohanikay, lors du congrès bouddhiste annuel, retransmet le même message. On ne sait pas avec précision à qui est adressé le message : à Thomico, au PSR ou aux syndicats ?
Le 15 décembre, l’Assemblée nationale vote un amendement sur les mandats parlementaires : sera déchu tout député n’étant plus en état de remplir sa fonction ou ayant fait l’objet d’une condamnation par la justice à une peine de prison ferme. Certains craignent que l’imprécision du dernier terme conduise à tous les abus (il faut cependant lire cet amendement en pensant à Ranariddh que l’on veut éliminer de la scène politique).
Politique internationale
Les 19-20 novembre, le président sud-coréen se rend en visite officielle au Cambodge pour inaugurer l’exposition culturelle mondiale Angkor-Gyeongju de Siemréap. Il en profite pour signer des accords d’exemption de visa pour les diplomates et officiels des deux pays, ainsi que pour l’octroi d’un prêt de 31 millions de dollars, à un taux de 0,5 %, pour restaurer la route nationale 3 reliant Phnom Penh à Kampot, et pour informatiser les administrations provinciales. Le président sud-coréen demande au Cambodge d’exercer ses bons offices dans la crise nucléaire avec son voisin du Nord, avec lequel le roi-père Sihanouk entretient de très bonnes relations depuis des décennies.
La Corée du Sud exporte chaque année pour 150 millions de dollars de denrées diverses au Cambodge, et en importe seulement 6 millions (essentiellement des produits de confection textile). En 2005, la Corée y a investi 219 millions de dollars. Les Coréens représentent le plus gros bataillon de touristes, mais restent souvent entre eux, mangent coréen, s’arrêtent dans des hôtels coréens, etc.
L’exposition culturelle mondiale lancée à Siemréap par les deux pays ne semble pas rencontrer le succès escompté. On compte à peine 210 000 visiteurs, principalement coréens et cambodgiens à 80 %. « Les pauvres cambodgiens en Land Cruiser payent 2 dollars l’entrée, et les riches touristes européens en vélo en payent 18 ! » Les billets sont bradés durant les dernières semaines, mais sans grand succès.
Le roi Sihamoni se rend en visite officielle en France du 20 au 22 novembre. Il est reçu par le président de la République, par les présidents des deux chambres, par le maire de Paris, et se rend au siège de l’EFEO (Ecole française d’Extrême-Orient). Le roi du Cambodge se rend en France cent ans après la visite de son bisaïeul, le roi Sisowath, venu du 10 juin au 20 juillet 1906, accompagné par le corps de ballet royal qui a été immortalisé dans les 150 croquis de Rodin.
Le 22 novembre, le ministre tchèque des Affaires étrangères se rend au Cambodge. En 2005-2006, la République tchèque a apporté une aide humanitaire de plus de 360 000 dollars, plus une aide au développement de 120 000 dollars pour l’analyse des matériaux de construction d’Angkor et la construction d’une école à Takéo.
Le 29 novembre, environ 300 soldats thaïlandais pénètrent dans un village cambodgien, construit dans une zone contestée entre les deux pays, et détruisent six maisons. Une brève fusillade s’ensuit. Le colonel cambodgien responsable est limogé. Rong Chhun et Chéa Mony expriment leur désaccord contre la mutation de ce militaire qui n’a fait que défendre la patrie. On répond que l’officier a été limogé pour avoir autorisé des villageois à s’installer sur un terrain en litige entre les deux pays.
Le 30 novembre, lors de la visite du Premier ministre sri-lankais au Cambodge, Hun Sen reconnaît que des armes ont été envoyées en contrebande du Cambodge aux maquis tamouls, aux rebelles philippins, ainsi qu’en Birmanie, mais que désormais un groupe de travail de policiers allait mettre fin au trafic.
Le gouvernement américain s’engage à verser un million de dollars à l’armée cambodgienne, et à verser directement la somme au gouvernement. C’est un changement radical de politique à l’égard du Cambodge. Il se propose, en outre, de donner 55,8 millions d’aides générales.
Le Cambodge achète un immeuble à Manhattan pour plus de 5 millions de dollars, pour le logement de son ambassadeur à l’ONU. L’achat de ce bâtiment n’est pas mentionné dans les dépenses du budget 2006.
A partir du 1er février, les visas pour les Etats-Unis seront délivrés à Phnom Penh, et non plus à Bangkok, comme précédemment, par mesure de rétorsion contre la corruption d’un fonctionnaire.
Le 18 décembre, le Premier ministre vietnamien se rend en visite officielle au Cambodge. Il signe plusieurs accords de coopération économique.
Des accords portent sur la construction par des entreprises vietnamiennes de deux barrages hydroélectriques, Sésan I et Sésan 2, dans la province de Ratanakiri, pour un montant total d’un milliard de dollars. Le ministère cambodgien de l’Industrie préparera des cartes des mines exploitables dans le Nord-Est du pays, et celui de l’Agriculture, d’autres cartes pour faciliter la création de plantations d’hévéas. Quatre nouveaux postes-frontières s’ajoutent au neuf actuels. Hun Sen propose de créer une association des pays exportateurs de riz pour défendre le prix de cette denrée. Les échanges commerciaux avec le Vietnam sont évalués à un milliard de dollars.
PROCES DES EX-DIRIGEANTS KHMERS ROUGES
Le 3 novembre est publié officiellement le projet de règlement intérieur des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC, nom officiel du Tribunal devant juger les ex-responsables Khmers rouges). Cent treize règles sont énoncées pour pallier au vide juridique de la loi cambodgienne, la mettre en conformité avec les normes internationales et prévenir ainsi les vices de procédure. Ces règles définissent le sens des mots (différent en anglais et en français), le droit de la défense, la protection des victimes, etc.
Cependant, le 17 novembre, Ky Tech, nouvellement élu au poste de président du Barreau cambodgien, déclare que ce règlement viole des lois cambodgiennes, et demande de contrôler plus strictement la défense des accusés. Seul le barreau cambodgien a le droit d’accréditer les avocats étrangers. Le chef de la défense doit être impérativement un avocat cambodgien. Seul le barreau doit assurer la formation des avocats. Ceux qui suivront la formation prévue par l’association du Barreau international du 27 novembre au 1er décembre, seront rayés du barreau cambodgien. « Ce tribunal n’a pas de caractère international, il doit appliquer la loi cambodgienne déclare le bâtonnier.
On comprend mieux les raisons qui ont rendu si difficile l’élection du bâtonnier depuis deux ans : c’est un fidèle de Hun Sen qui a obtenu le poste, par qui le Premier ministre reste le maître incontesté du tribunal.
Le 1er décembre, Sok An, ministre du Conseil des ministres, demande que soit renégocié l’accord de 2003 passé entre le Cambodge et l’ONU pour l’établissement du tribunal. Selon le ministre, plusieurs décisions du CETC ont été prises unilatéralement.
Il y a sans doute une volonté de partager équitablement l’argent : les avocats cambodgiens touchent la moitié du salaire de leurs collègues étrangers. Mais plus fondamentalement, Hun Sen, qui ne veut pas de ce tribunal (qui risquerait de déraper en le mettant en cause, lui ou ses proches, le général Ku Khim, entre autres), a tout verrouillé. Il s’aperçoit sans doute qu’il ne pourra pas manipuler les juges et avocats internationaux, comme il l’a toujours fait pour la communauté internationale : lors de la présence de l’APRONUC, il a touché les milliards de dollars et en est sorti renforcé, malgré sa défaite électorale ; lors des élections de 1998 et de 2003, la Communauté internationale a payé le processus électoral qu’il a en partie truqué. Il fait donc appel à la souveraineté nationale. L’ONU, en revanche, fait savoir que les accusés ont droit à une défense, sans quoi elle se retirera du procès. D’ores et déjà, on croit savoir que le tribunal ne devrait pas mettre en cause le général Ku Khim, ancien Khmer rouge, proche de Hun Sen. Les décisions prises ne l’ont pas été unilatéralement, contrairement à ce qu’avance Sok An, mais ont donné lieu à de très longues et difficiles discussions en 2003.
Certains voient dans cet épisode une volonté gouvernementale de suspendre le tribunal sine die : le 27 décembre, Hun Sen ne déclare-t-il pas à Anlong Veng, dernier bastion Khmer rouge à avoir été reconquis par les FARK : « L’histoire est terminée » avec la reddition des derniers Khmers rouges. D’autres continuent à penser que ce coup de frein est nécessaire pour aller de l’avant.
L’ONG américaine Internews va former l00 journalistes cambodgiens sur le droit international et la loi cambodgienne. Cette ONG a touché 200 000 dollars du gouvernement américain pour cette formation.
Un stock important d’armes et de munitions est découvert à Sampeuv Lon (Battambang). Les Khmers rouges, désormais âgés, acceptent de révéler leurs caches.
ECONOMIE
Selon la Banque mondiale (BM) et l’Institut économique du Cambodge (EIC), la croissance de 2006 serait de 8,9 %, grâce à l’augmentation des exportations textiles et du tourisme. Les exportations devraient augmenter de 15 %, l’inflation baisser de 6,7 à 5 %. La population active cambodgienne se situerait à huit millions de personnes.
Selon le secrétaire général du ministère de l’Economie, le revenu annuel par personne serait de 448 dollars. Cependant, si l’ouvrier touche un salaire moyen compris entre 60 et 70 dollars, au Vietnam, il touche entre 75 et 115 dollars, et en Thaïlande 140 dollars.
En dépit de la baisse du prix du pétrole brut au plan international, l’essence est resté à un prix très élevé (plus d’un dollar le litre), jusqu’au 15 décembre. Cela affecte sérieusement le pouvoir d’achat du peuple.
Budget 2007
Le budget 2007 est de 25 % supérieur à celui de 2006 (1,15 milliard de dollars au lieu de 926 millions de dollars). Les budgets de l’Education et de la Santé augmentent respectivement de 23,5 % (132,7 millions) et de 29 % (81,9 millions), celui de la Défense de 3 % (77,9 millions), celui de l’Intérieur de 5,8 % (45,4 millions). L’Etat est autorisé à emprunter 300 millions de dollars.
Le PSR prend ces chiffres avec circonspection : l’an dernier, les ministères de la Défense et de l’Intérieur ont outrepassé leurs budgets, la Santé et l’Education n’ont pas touché la totalité du leur.
Le salaire des fonctionnaires augmente de 15 % à partir du 1er janvier. 100 000 d’entre eux touchent un salaire de base compris entre 20 et 25 dollars. Rong Chhun, président de l’AIEC, continue de demander un salaire de 100 dollars pour les enseignants et un de 82 dollars pour les ouvriers. A titre de comparaison, les députés touchent un salaire de 2 300 dollars, plus tous les avantages liés à leur fonction. Les membres du Conseil constitutionnel touchent à vie 1 300 dollars, avec une prime supplémentaire de 97 à 780 dollars selon leur ancienneté.
Dans le cadre de la décentralisation, un budget de 26 millions de dollars est attribué aux communes (19 millions en 2006, soit en moyenne 11 700 dollars chacune), provenant de l’aide directe des pays donateurs. Le salaire officiel des conseillers communaux est de 18 dollars, mais les pots de vins assurent un apport supplémentaire moyen de 38 dollars.
Textile
Les exportations de textile ont augmenté de 22,8 % depuis le début de l’année, soit plus que le tourisme (11,9 %), mais en raison de la concurrence internationale, le prix à la vente a baissé et le niveau de vie des ouvriers s’est détérioré. En 2005, ils ont cependant envoyé 50 millions de dollars à leurs familles, restées à la campagne. Les salaires ne représentent que 15 % des coûts de production, la matière première 52 %, les profits des entrepreneurs 9 %, les taxes officielles 5 %, les taxes « non officielles » (la corruption) 4 %. Il existe plus de 1 000 syndicats pour 300 usines.
Le 7 novembre, le Vietnam est devenu officiellement le 150e membre de l’OMC (Organisation mondiale du commerce). La confection textile du Vietnam (12e rang des pays exportateurs, avec cinq milliards de dollars par an), est perçue comme un danger par le Cambodge (seulement 2,1 milliards), protégé par le système des quotas des Etats-Unis. La confection textile cambodgienne est grevée par le coût des transports, de l’électricité, de l’eau. et des frais « officieux ».
Déforestation
Le 23 novembre, huit anciens hauts responsables de la province de Ratanakiri sont condamnés à une peine allant de deux à dix-sept ans de prison pour la déforestation du parc de Virachey, entre octobre 2003 et mai 2004. Cependant, seuls cinq condamnés sont en prison, les autres, dont l’ancien gouverneur, sont en fuite. Ce dernier vit tranquillement près du Laos, jouissant des 15 millions de dollars détournés. D’avril à septembre 2006, cinq reporters de l’Association démocratique des journalistes ayant enquêté sur cette déforestation ont conclu que ce sont des gens beaucoup plus haut placés qui tirent les ficelles.
AIDES ET INVESTISSEMENTS
Le 2 novembre, commencent à arriver les 42 000 tonnes de rails nécessaires à la reconstruction de la voie ferrée entre la frontière thaïlandaise et Sisophon. Ces rails sont un don de la Malaisie, d’une valeur de deux millions de dollars. La reconstruction de la ligne commencera en 2007, grâce à un prêt de 73 millions de la BAD (Banque asiatique pour le développement), et entre dans un projet de rejoindre Singapour à Kunming (Chine) par voie ferrée.
Une société chinoise, la Phelen Group, achète 12 000 hectares de terrain, dont 5 à 6 000 hectares cultivés par les villageois, à Kon Mom (Ratanakiri) pour y planter des acacias.
Selon le journal vietnamien Thanh Niên, une société vietnamienne, la Phu Riêng Rubber Coaurait obtenu une concession de 20 000 hectares dans la province de Kratié, sur un ensemble de 180 000 hectares prévus dans les provinces de Kratié, Kompong Thom et Mondolkiri, pour y planter des hévéas. 8 000 hectares dans la région de Snuol auraient été accordés à une autre société vietnamienne, la Tai Nam.
L’Union européenne alloue une somme de 1,5 million de dollars pour quatre projets visant à réduire l’impact des inondations et des sécheresses.
Une société coréenne investit 25 millions de dollars pour la construction d’une usine de fabrication d’éthanol à partir du manioc dans la province de Kandal. L’armée a signé avec elle un accord pour lui fournir 50 000 tonnes de manioc pas an. La société détient des parts dans une autre société qui prévoit de planter du manioc sur 8 000 hectares dans la province de Kompong Speu. La culture du manioc rapporterait 14 fois plus que celle du riz.
Le 29 novembre, la société cambodgienne Phéap-imex signe un contrat avec la société chinoise Jiangsu Taihu pour la création de la 14e zone d’économie spéciale à Sihanoukville qui s’étendra sur 245 hectares et attirera cinq milliards d’investissements étrangers. 300 000 emplois seraient ainsi créés dans la région.
La BAD accorde un prêt de 20 millions de dollars pour construire un réseau électrique entre Kampot et Sihanoukville.
Le 5 décembre, les Premiers ministres du Cambodge, du Laos et du Vietnam créent un comité mixte de développement des dix provinces frontalières. Le Vietnam va remettre en état la route de O Yadao (frontière vietnamienne) à Banlung (Ratanakiri), et finance la construction de deux établissements scolaires à Banlung et à Sen Monorom pour les jeunes des minorités ethniques.
Le 13 décembre, l’Agence française de développement signe une convention de financement de 11,1 millions d’euros pour doubler la capacité de la station de traitement d’eau potable de Phnom Penh.
Le 14 décembre, Total confirme son achat de la société Shell du Cambodge. Ses stations services passent donc de 26 à 38.
Le 27 décembre, un dixième accord de coopération est signé entre la Chine et le Cambodge depuis 1994, portant sur un prêt de 12,5 millions de dollars pour des projets de développement prioritaire.
Corruption
L’index annuel de la corruption, publié par Transparency International et construit à partir de six à douze sources indépendantes, place le Cambodge au 151e rang des 163 pays étudiés. Il est l’avant-dernier en Asie, avant le Bangladesh et la Birmanie (tous deux ex-aquo à la 156e place avec sept autres pays), et a perdu 21 places depuis 2005. Le porte-parole du gouvernement refuse ce classement, accusant la BM d’avoir fourni de fausses données, et d’être « politiquement biaisée ».
L’IEC estime que l’Etat perd entre 300 et 500 millions de dollars de recettes pour cause de corruption, et que dans le domaine de l’investissement, près de 330 millions ont été engloutis en pots de vin en 2005. Cela fait un million par jour, de quoi construire 50 écoles. L’enquête du ministère des Relations parlementaires, commanditée par le gouvernement, estime à 26 millions le montant global détourné par l’administration publique. Le Centre de développement social publie quatre ouvrages sur la corruption.
Un millier de faux passeports cambodgiens auraient été établis spécialement pour des Taïwanais et des Chinois moyennant 2 000 à 2 500 dollars pour chacun. Cela facilite le trafic d’êtres humains, le trafic de drogue, le blanchissement de l’argent ou d’autres activités illégales. Nombre de Cambodgiens arrivent en France avec ces faux passeports et de faux visas.
Le 17 novembre, trois militaires, dont deux capitaines et un officier des douanes, sont arrêtés pour avoir volé 800 000 dollars destinés aux familles de soldats décédés.
Le 3 décembre, l’unique fonctionnaire détenu dans l’affaire du détournement d’argent concernant 43 projets de la BM est libéré, « faute de preuves Le ministre de l’Environnement retire sa plainte contre la société Green Rich, accusée de déforestation du parc naturel Botum Sakor, dans la province de Koh Kong. « L’argent parle mieux que les faits dit un député de l’opposition.
Le 17 novembre, le Conseil des ministres adopte un décret pour la construction d’une université de la défense nationale, comprenant cinq facultés : défense, commandement, état-major, langue et sociologie, informatique et logistique. Ce décret est fustigé par l’opposition comme création de quelque chose d’inutile pour le pays.
Le 4 décembre, le ministre des Finances reconnaît que 20 % des droits de douanes sont perdus dans la contrebande. Hun Sen menace les fonctionnaires qui ont fait entrer illégalement 1 000 voitures de luxe avec volant à droite : 39 fonctionnaires, dont un policier et 36 douaniers sont sanctionnés.
SOCIETE
Selon une étude de la BM réalisée en début 2006, l’écart entre riches et pauvres est l’un des plus hauts de la région. Si le taux de pauvreté a baissé plus rapidement à Phnom Penh qu’à la campagne (respectivement de 60 % et 22 %), 20 % des Cambodgiens vivent avec moins de 2 000 riels par jour (soit moins de 80 centimes d’euro). L’étude note cependant que les riches commencent à investir au Cambodge.
Le dernier classement sur le développement humain, du PNUD, place le Cambodge au 129e rang sur 177 pays. Il gagne une place par rapport à l’an dernier, et se situe juste devant la Birmanie et le Laos (133e), mais derrière le Vietnam (109) et la Thaïlande (74). L’espérance de vie est de 56,5 ans (134e rang).
Un collectif de 36 ONG lance une campagne contre les violences domestiques. Durant les premiers mois de l’année ADHOC a recensé 447 cas jugés très sérieux de violence familiale (dont 29 ont provoqué la mort d’un des conjoints), et 360 en 2005.
Mouvements sociaux
Le 17e rapport de l’Organisation internationale du travail sur 212 usines note une amélioration sensible dans le respect du code du travail, le versement des salaires et les heures supplémentaires. Il dénonce cependant des violations sur le droit des salariés à se syndiquer, ainsi que sur la limitation des heures supplémentaires. Rong Chhun, président de la Confédération des syndicats du Cambodge, dénonce les conclusions de ce rapport et y voit « la volonté de briser la volonté du mouvement ouvrier ».
Le 19 décembre, six syndicats ouvriers, dont le SIORC, rencontrent une délégation du patronat (Gmac). Même si les salaires ne sont pas augmentés, d’autres petites avancées sont signalées et permettent d’annuler la grève générale prévue.
Conflits fonciers
Selon le directeur de l’ADHOC, les conflits fonciers ont augmenté de 2 % en 2006. Ils atteignent le nombre de 391 (contre 148 en 2003), dont la moitié provient de l’appropriation illégale de terrains appartenant à des particuliers ou à l’Etat, par des « personnes puissantes ». Entre 15 et 20 % des paysans n’ont plus de terres, et 17 % d’entre eux ont été victimes d’exactions par des riches ou des puissants. D’immenses concessions ont été accordées à des sociétés privées pour de très longue durée (90 ans). Selon le porte-parole du gouvernement, ces conflits proviennent de l’augmentation de la population, alors que les terres arables disponibles restent stationnaires à deux millions d’hectares.
Le Japon accepte de verser 615 000 dollars pour informatiser l’Autorité nationale de résolution des conflits fonciers, et 515 782 dollars pour financer une annexe au ministère de la Justice comprenant une salle de conférence.
Une unité de parachutistes ouvre le feu sur des villageois à Phnom Srouch (Kompong Speu) pour les déloger d’un terrain qu’ils occupent et dont la secrétaire d’Etat pour les Affaires féminines revendique la propriété.
La cour provinciale de Ratanakiri ordonne à la police d’arrêter de raser au bulldozer 115 hectares disputés à Bokéo, par peur de violences. Les villageois sont menacés de prison s’ils ne retirent pas leur plainte.
Plus de 100 Montagnards de la région d’Andong Méas dénoncent des opérations de déboisement opérées à leurs dépens par la société Hang Brothers qui a obtenu une concession de 2 400 hectares de forêts d’où les Montagnards tirent leur subsistance, pour y planter des hévéas. Le gouverneur de la province avoue ne pas avoir été mis au courant.
Deux responsables du département de l’aménagement du territoire de la province de Koh Kong sont accusés par le gouvernement d’avoir voulu s’approprier un terrain situé dans une réserve et appartenant à l’Etat, au profit d’un « okhna » (mandarin). Le représentant d’ADHOC déclare que « la déforestation va bon train dans le sanctuaire de Peam Kror Som
Le 25 novembre, un officier de police blesse par balles deux membres du PSR qui photographiaient des paysans se préparant à repiquer du riz sur 32 hectares contestés par « un puissant ». Le policier s’enfuit au Vietnam avec le concours de la police des frontières.
Le 26 novembre, à Koh Roka, un policier tue un villageois et en blesse un autre, dans une affaire de conflit foncier.
Le 4 décembre, 300 familles de la commune de Tbeng (province de Kompong Thom), manifestent contre l’octroi d’une concession de 987 hectares pour y planter des arbres producteurs d’huile.
Le 5 décembre, des fonctionnaires tirent sur une foule d’une centaine de paysans manifestant contre l’occupation de leur terre par un conseiller municipal, dans le district de Koh Sampeuv (province de Prey Veng). Deux hommes sont blessés. Les fonctionnaires reprennent le travail comme si de rien n’était. Le 14 décembre, les mêmes fonctionnaires tirent sur les mêmes gens, un jeune homme de 17 ans est tué. La justice tente d’arrêter les villageois, mais laisse en liberté les tueurs.
Le 6 décembre, une centaine de villageois de Takéo manifestent contre l’arrestation de huit des leurs, accusés de pêcher et de cultiver sur des terres de l’Etat.
Un terrain situé dans l’enceinte du palais royal, attribué au service de logistique du ministère de l’Intérieur, va être échangé avec la Phanimex, contre un terrain en périphérie de la capitale (Prek Pra), pour y construire des villas de luxe.
Le 15 décembre, un groupe de policiers démontent 49 maisons de Prek Pra, dans le quartier de Méan Chhey (périphérie de Phnom Penh), agissant sur ordre des propriétaires, dont deux ne sont autres que le ministre des Postes et Télécommunications et un député PPC. La cour, saisie de l’affaire en 2000 et dirigée par un PPC, a statué en faveur des propriétaires présumés.
Le 15 décembre, un villageois, qui prenait des photos de la destruction par l’homme d’affaires Mong Rethy de récoltes sur 20 000 hectares appartenant à 500 familles, est battu à mort.
Le 18 décembre, près de Sihanoukville, une cinquantaine de policiers avec un tracteur, viennent détruire les récoltes sur un terrain en conflit de 32 hectares. Trois villageois sont battus.
Depuis le 17 décembre, une centaine de villageois campent devant l’Assemblée nationale, au nom de 222 familles réfugiées des camps de Thaïlande à qui dix « riches familles » ont pris 444 hectares de terres. Soixante-dix familles venues de Sihanoukville, y campent également depuis le 20 décembre. Vingt-trois familles, venues de Koh Kong, arrivent le 19 décembre, pour protester contre un militaire qui a défriché leurs terres.
Depuis l’annonce de la création de l’aéroport de Sihanoukville, par la Société concessionnaire des Aéroports (groupe Vinci), les spéculateurs (les hommes du pouvoir) se précipitent pour s’approprier et défricher les 21 hectares du parc naturel de Réam. 70 % du parc seraient déjà déforestés, les terrains se vendent entre 300 et 5 000 dollars l’hectare.
Le 20 décembre, à O Chrou, le secrétaire d’un chef de village, qui défendait des villageois dans un conflit foncier, est abattu de huit coups de feu par des inconnus.
Droits de l’homme
Le 24 octobre, six personnes sont incarcérées et accusées d’avoir préparé des attentats à Phnom Penh durant la Fête des eaux. Toutes les associations de défense des droits de l’homme estiment que ce sont des arrestations arbitraires pour donner un prétexte au gouvernement d’accentuer son contrôle policier sur la population et arrêter d’éventuels opposants. Deux suspects appartenant au Funcinpec sont introuvables.
Le 11 novembre, quinze Montagnards vietnamiens se réfugient au Cambodge. Selon eux, 350 de leurs compatriotes chrétiens demeureraient en prison au Vietnam. Les villageois disent qu’il leur a été difficile de nourrir leurs compatriotes, à cause de la présence de policiers khmers et vietnamiens dans leurs villages. Le 18 décembre, 22 Montagnards, à qui l’UNHCR a refusé le statut de réfugiés, sont reconduits à la frontière, cette fois sans violence. Deux cent vingt-cinq Montagnards sont actuellement placés sous la protection de l’UNHCR, dont 37 ont reçu le statut de réfugiés et 60 autres à qui on a refusé ce statut.
A Kratié, un officier de police a arrêté son propre fils de 20 ans, pour avoir blessé par balle un de ses condisciples. Asian Human Rights Watch félicite ce nouvel Horace.
Le 27 novembre, une centaine de cerfs-volants devaient voler au-dessus de l’Assemblée nationale pour défendre la liberté d’expression. Ils en ont été empêchés par plus de 100 policiers, armés de boucliers, de grenades lacrymogènes, de bâtons électriques et de fusils d’assaut.
Le 29 novembre, l’Assemblée nationale adopte le protocole optionnel de la Convention contre la torture. Le Premier ministre reconnaît des cas de torture « pour extorquer des aveux commis par des policiers qui « ignorent la loi ». Selon la LICADHO et l’ADHOC, le nombre de cas de torture a augmenté durant les dernières années, mais personne n’a été condamné. Selon le PPC, le Cambodge figure parmi les meilleurs élèves au monde sur la question de la torture.
Le 29 novembre, le département de l’aide australienne remet une prison modèle au gouvernement cambodgien, construite dans la province de Kandal, pour un million de dollars, sur une superficie de deux hectares. Elle abritera 645 détenus qui bénéficieront d’ateliers d’apprentissage en vue de leur réinsertion.
L’Union européenne remet deux millions d’euros à neuf ONG locales et une ONG internationale, afin de les aider dans la défense des droits de l’homme, l’aide aux enfants et aux personnes handicapées.
Depuis le début de l’année, cinq personnes ont été tuées et une trentaine blessées par des policiers et des gardiens de plantations de caoutchouc de la province de Kompong Cham.
Le 13 décembre, une grosse voiture percute délibérément la moto du journaliste Sok Serey, connu pour ses reportages sur la corruption des fonctionnaires. Le journaliste est grièvement blessé. Reporters Sans Frontières demande une enquête.
Le 24 décembre, deux policiers de Sihanoukville tuent un jeune homme à bout portant avec un pistolet. Le jeune homme avait lancé des pierres sur la devanture d’un restaurant.
Santé
Un avortement coûte entre 10 et 250 dollars au Cambodge. Durant les dernières années, au moins une femme est morte par suite d’avortement dans l’un des dix hôpitaux cambodgiens examinés. Selon l’OMS, entre 10 et 50 femmes ont recours à des avortements non contrôlés médicalement. L’avortement est légal depuis 1997, mais 40 % du personnel hospitalier de 70 hôpitaux examinés pensent que le ministère de la Santé l’interdit. La contraception est très peu répandue. Un accouchement coûte entre 20 et 25 dollars dans un hôpital, plus de 250 dollars dans une clinique privée. 437 femmes sur 1 000 meurent en couches, ce qui est dix fois plus élevé qu’en Thaïlande et c’est le deuxième taux le plus élevé d’Asie du Sud-Est après le Laos. Au Cambodge, un enfant sur dix n’atteint pas l’âge d’un an.
5 à 10 % du budget de la Santé disparaît avant que le ministère des Finances ne verse ces fonds au ministère de la Santé. L’administration gonfle le coût de l’équipement médical qui peut être de cinq fois plus élevé que le coût réel.
Quatre Cambodgiens meurent chaque jour d’accidents de la circulation : 920 morts par an, et 6 000 blessés durant les onze premiers mois de 2006, soit une perte financière de 120 millions de dollars. Une loi instituant des sanctions contre les infractions routières est votée le 19 décembre, mais l’opposition estime que ces mesures, justifiées, seront une occasion supplémentaire pour les policiers sous-payés de trouver une source de bénéfices.
Le 4 décembre, Bill Clinton se rend au Cambodge pour évaluer la pandémie du sida dans le pays et signer un protocole de soins pour 3 000 enfants séropositifs. La Fondation Clinton a passé des accords avec des laboratoires pharmaceutiques indiens qui réduiront de 45 % le prix de 19 produits pédiatriques anti-rétroviraux destinés à 62 pays.
Education nationale
Le 1er novembre, dix-huit étudiants travaillant au Vietnam et six au Cambodge ont soutenu avec succès leur mémoire de fin d’études devant un jury composé de professeurs de l’université de Caen, pour un master II, intitulé : « Formation de formateurs, ingénierie de la formation, mutation et compétences professionnelles ».
En 2005, 2 250 étudiants sont partis se former en France, aux Etats-Unis ou au Vietnam. Par un système d’échange, certains étudiants étrangers, notamment français, viennent faire leurs études au Cambodge. Le 21 décembre, l’Australie annonce l’octroi de 32 bourses pour l’an prochain.
DIVERS
Distinctions
Somaly Mâm, directrice de l’ONG Afesip (Agir pour les femmes en situation précaire) est élue « Femme de l’année » par le magazine américain Glamour.
Le 9 novembre, l’association Liberal International, qui regroupe plus de 60 partis politiques libéraux à travers le monde, accorde le « Prix de la Liberté » 2006 à Sam Rainsy. Sam Rainsy dédie ce prix à ses « 70 collègues assassinés ».
Le 10 novembre, Pascal Rovère, de l’EFEO, a reçu le « Grand prix de la Fondation Prince Louis de Polignac » pour son travail de restauration du Bayon, où travaillent 180 architectes, ouvriers spécialisés, tailleurs de pierre, maçons, etc.
Fête des Eaux
La Fête des eaux (4 au 6 novembre) a vu 409 pirogues concourir devant le palais royal, pour célébrer le changement officiel du cours des eaux du Tonlé Sap. Cette fête célèbre symboliquement le retour des nagas fertilisateurs du sol dans le fleuve à la fin de la saison des pluies, ou les néak ta (génies) des provinces qui viennent faire allégeance à leur suzerain, représenté symboliquement par le roi.
Un bateau portant un pavillon cambodgien coule après une collision avec un cargo dans un détroit près du Japon. Trois marins chinois disparaissent dans le naufrage.
Phnom Penh
Hun Sen donne le feu vert à une société coréenne pour la construction du plus haut immeuble de la capitale qui comprendra 32 étages, dans l’arrondissement de Chamcar Mon « comme dans les autres pays modernes On se pose toutefois des questions sur la faiblesse des infrastructures terrestres : routes d’accès, parkings, etc.
Des gangs de jeunes « Bang Thom » (grands frères), fils de dignitaires du régime, s’attaquent à coups de sabre et d’épée dans la capitale. Le 12 décembre, Hun Sen vitupère contre la police incapable et lui ordonne de mettre fin aux violences.
La Fédération cambodgienne de football procède à de nouvelles élections, conformes au statut de la FIFA. Sao Soka, élu illégalement le 24 avril, est réélu au poste de président. Khek Ravy, ancien président, est élu vice-président. La FIFA peut donc continuer à accorder son aide de 250 000 dollars.
Patrimoine
Le 4 décembre a été ouvert le centre Bophana, qui se donne pour objectif de rassembler les documents audiovisuels, audio, écrits, photographiques sur le Cambodge. Déjà 1 300 documents ont été enregistrés.
Le 17 décembre, 68 poteries anciennes sont saisies à Thmar Pouk, prêtes à être vendues en Thaïlande. Ces poteries auraient été subtilisées au musée provincial, encore mal organisé.