Eglises d'Asie – Chine
La réunion qui a eu lieu au Vatican au sujet de la Chine s’est conclue par la promesse de la poursuite du dialogue avec Pékin et de l’envoi d’une lettre du pape aux catholiques de Chine
Publié le 18/03/2010
Présidée par le secrétaire d’Etat, le cardinal Tarcisio Bertone, cette réunion avait été convoquée par le pape afin de faire le point sur la politique à mener envers la Chine. Une vingtaine de personnes y ont pris part, dont le cardinal Zen Ze-kiun, évêque de Hongkong, et son auxiliaire, Mgr John Tong Hon, l’évêque de Macao, Mgr José Lai Hung-seng, et le cardinal Paul Shan Kuo-hsi, évêque émérite de Kaohsiung (à Taiwan). De la curie romaine, participaient, outre le secrétaire d’Etat et Mgr Dominique Mamberti, secrétaire du Saint-Siège pour les relations avec les Etats, le préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, le cardinal Ivan Dias, et celui de la Congrégation pour la doctrine de la foi, Mgr William J. Levada. Mgr Eugène Nugent, représentant officieux du Saint-Siège pour la Chine, résidant à Hongkong, était également présent. La qualité des personnes qui ont pris part à la réunion et la durée de celle-ci témoignent de l’importance attachée par l’Eglise au dossier ‘Chine’.
Selon les termes du communiqué, les participants à la réunion se sont concentrés sur « les problèmes ecclésiaux les plus graves et les plus urgents, qui attendent des solutions adéquates par rapport aux principes fondamentaux de la constitution divine de l’Eglise et de la liberté religieuse ». A la lumière « de l’histoire tourmentée de l’Eglise en Chine et des principaux événements des dernières années les évêques chinois mentionnés ci-dessus « et ceux qui, pour le Saint-Siège, suivent de plus près la question chinoise » ont cherché à éclairer le Saint Père, qui n’a pas participé aux débats mais a reçu les membres de cette réunion à son issue.
« Le débat, ample et structuré, a été empreint de franchise et de fraternelle cordialité souligne le communiqué, ce qui indique sans doute des échanges vifs. Dans l’hebdomadaire de langue anglaise du diocèse de Hongkong, Mgr John Tong a qualifié la rencontre de « productive ». Nul doute que, parmi les points « les plus graves et les plus urgents » abordés, se trouvaient la nomination et l’ordination des évêques au sein de l’Eglise de Chine, ainsi que la manière dont des administrations contrôlées par le gouvernement chinois – l’Association patriotique des catholiques chinois et le Bureau des Affaires religieuses – interfèrent dans ce processus.
De la même manière, des sujets tels que les pressions, voire le harcèlement, exercées sur le clergé et les fidèles ainsi que le peu de liberté dont jouissent les évêques de Chine pour communiquer entre eux et avec le Saint-Siège, ont certainement fait l’objet d’échanges entre les participants à cette réunion. A ce propos et sans souligner aucunement l’une ou l’autre des communautés, « officielle » ou « clandestine » de l’Eglise de Chine, Rome dit « sa profonde reconnaissance » pour « le lumineux témoignage offert par des évêques, des prêtres et des fidèles, qui, sans céder à des compromis, ont maintenu leur fidélité au Siège de Pierre, parfois même au prix de grandes souffrances ».
Il est aussi noté, « avec une joie particulière » qu’aujourd’hui, « la quasi-totalité » des évêques et des prêtres est « en communion » avec le pape. Ce point avait été souligné par Mgr Zen Ze-kiun en octobre 2005 lors de son adresse au Synode des évêques à Rome. L’évêque de Hongkong avait déclaré que la situation de l’Eglise sur le continent allait en s’améliorant et que les tentatives du pouvoir de séparer les catholiques chinois du pape avaient échoué. Depuis, des sources vaticanes faisaient mention du fait que moins d’une dizaine d’évêques en Chine n’étaient pas en communion avec le pape. Mais c’est là la première confirmation publique par le Saint-Siège de cet état de fait.
Sur un ton plus pastoral, le communiqué poursuit en notant que « la croissance numérique de la communauté ecclésiale » a été « surprenante ». « En Chine aussi, [la communauté ecclésiale] est appelée à être témoin du Christ, à regarder en avant avec espérance et à se mesurer, dans l’annonce de l’Evangile, aux nouveaux défis que la société affronte. » En d’autres termes, Rome a conscience que l’annonce de l’Evangile se fait aujourd’hui dans un contexte favorable, où une partie de la population aspire à autre chose que le seul enrichissement matériel, et que « la communauté ecclésiale » peut s’accroître au-delà du 1 % qui est l’estimation la plus courante du nombre des catholiques en Chine.
Sur la tactique à adopter dans le dialogue à mener avec Pékin, le communiqué évoque « la multiplicité des contributions des participants » d’où est « ressortie la volonté de poursuivre le chemin d’un dialogue respectueux et constructif avec les autorités gouvernementales, pour dépasser les incompréhensions du passé ». De plus, il a été souhaité « parvenir à une normalisation des rapports à différents nivaux, afin de permettre une pacifique et fructueuse vie de la foi dans l’Eglise et de travailler ensemble pour le bien du peuple chinois et pour la paix dans le monde ».
Pour finir, le communiqué annonce une prochaine lettre du pape aux catholiques de Chine. « Le Saint-Père, qui a été largement informé des propositions mûries au cours de la réunion, a décidé d’adresser une lettre aux catholiques en Chine. »
Au South China Morning Post (1), le cardinal Zen a confirmé qu’une commission permanente, dont la composition n’a pas été rendue publique, sera mise en place à Rome afin de coordonner le travail des personnes responsables du dossier ‘Chine’ au Vatican. Peu après, il a réitéré, à un journaliste de Press, son désir de voir s’infléchir la politique du Vatican. « Je pense qu’aujourd’hui, la chose la plus importante que nous ayons à faire est d’évaluer la situation, ce que nous avons fait durant de nombreuses années et réaliser que nous avons à changer de stratégie. Pendant longtemps, nous avons accepté des compromis, qui, au début, étaient bons et nécessaires, mais qui, aujourd’hui, montrent leur limite a déclaré le cardinal de Hongkong (2).
A Pékin, le 23 janvier, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a commenté le communiqué du Saint-Siège en répétant les deux conditions inévitables mises par Pékin à une normalisation des relations avec le Vatican : rupture par le Vatican des relations diplomatiques avec Taiwan et non-ingérence dans les affaires internes chinoises. Il a aussi ajouté que la Chine espérait que « le Vatican reconnaîtra la politique de la Chine en matière de liberté religieuse et le fait que le catholicisme s’est vu donné de l’espace pour se développer en Chine ».