Eglises d'Asie

Le Conseil national chrétien estime que la législation antiterroriste menace la liberté d’action des Eglises

Publié le 18/03/2010




Selon le Rév. Kingsley Perera, président du Conseil national chrétien du Sri Lanka (NCC) (1), la législation antiterroriste mise en place en décembre dernier par le gouvernement présente un caractère “draconien” et pourrait bien avoir des répercussions sur les activités des Eglises. “Si nous distribuons des aides dans des zones contrôlées par le LTTE, nous pourrions être arrêtés pour avoir aidé ‘les terroristes’ a déclaré le pasteur protestant le 11 janvier dernier, peu après que le Conseil chrétien du Sri Lanka a affirmé dans un communiqué sa “profonde préoccupation” quant à l’interprétation et l’application possibles des lois antiterroristes.

Dans le communiqué repris par l’agence ENI, le président du NCC, organisme qui regroupe huit Eglises protestantes, précise encore que “la définition donnée au terme ‘terrorisme’ dans les textes de loi est très vague et pourrait conduire à la suppression d’activités légitimes et même de l’opposition démocratique”. Il mentionne également le passé récent du pays, “pendant lequel des pouvoirs larges et considérables ont entraîné des abus fréquents et graves, des représailles politiques et la suppression des libertés fondamentales 

La législation antiterroriste s’inscrit dans le cadre d’une escalade du conflit qui oppose Colombo et les Tigres tamouls du LTTE (Tigres de libération de l’Eelam tamoul). Le cessez-le-feu négocié en 2002 par la Norvège a de facto volé en éclats. En octobre dernier, la rencontre des émissaires du gouvernement et des rebelles à Genève n’a permis aucun progrès, pas même la fixation d’un calendrier pour de futures négociations. Le dirigeant du LTTE, Velupillai Prabhakaran, a annoncé que son organisation reprenait la lutte pour “l’indépendance ce qui équivaut à une quasi-déclaration de guerre. L’armée gouvernementale a intensifié ses actions pour déloger les Tigres de leurs bases dans l’est du pays.

Ces derniers jours, après une bataille de plusieurs semaines, les soldats de Colombo ont investi la petite ville de Vakarai, une des place-fortes des rebelles dans l’est de l’île. La bataille a fait près de 400 morts et entraîné le déplacement de plusieurs milliers de personnes. Cette région était un point de transit pour les Tigres entre leurs bastions du nord et de l’est du pays. Le 19 janvier, le Comité international de la Croix-Rouge s’est déclaré “de plus en plus inquiet des bombardements et combats dans le secteur de Vakarai où se situe un hôpital autour duquel des milliers de civils sont rassemblés”. La perte de Vakarai, qui, dans la trêve signée en 2002, avait été assignée à la sphère d’influence des Tigres et où le LTTE disposait de ses propres police et administration civile, a obligé les séparatistes tamouls à se déplacer vers le nord.

Depuis la reprise des combats, en 2006, plus de 3 500 personnes, civils et combattants – soldats gouvernementaux et Tigres tamouls compris -, ont été tués. Elu en 2005 à la tête de l’Etat grâce au soutien des partis nationalistes cinghalais, Mahinda Rajapakse est désormais confronté à un choix difficile. Les généraux de l’armée remportent des succès militaires face aux Tigres et les repoussent dans leurs bastions du nord du pays. Le LTTE réplique en renouant avec sa tactique des attentats suicide. Deux de ces attentats ont fait plus de vingt morts à Colombo les 5 et 6 janvier. Dans ce contexte, le président a le choix entre retenir son armée pour obtenir le retour du LTTE à la table des négociations, au risque de perdre le soutien des nationalistes cinghalais, ou laisser agir ses généraux, au risque de plonger le pays dans le chaos.