Eglises d'Asie

NON A L’AFFRONTEMENT, OUI AU DIALOGUE DANS LA VERITE !

Publié le 18/03/2010




Dans un communiqué de presse publié au terme de la réunion sur la Chine qui s’est tenue au Vatican les 19 et 20 janvier 2007, le Saint-Siège a déclaré que, malgré les trois ordinations épiscopales illicites de 2006, il souhaitait toujours nouer un dialogue avec Pékin. Le pape Benoît XVI suit ainsi les traces du pape Jean-Paul II qui a prôné le dialogue pendant un quart de siècle. Ceci constitue jusqu’ici l’initiative la plus significative du pape Benoît XVI concernant la Chine. Désormais, la balle est clairement dans le camp de la République populaire de Chine. Pékin doit prouver qu’il est lui aussi prêt au dialogue.

La rencontre à un haut niveau sur la Chine a été organisée à la demande expresse du pape Benoît XVI. Les plus hauts responsables de l’Eglise étaient présents : le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d’Etat (qui présidait la réunion), le cardinal Ivan Dias, préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, le cardinal Paul Shan (Taiwan), le cardinal Joseph Zen (Hongkong), Mgr Mamberti, secrétaire pour les relations avec les Etats, Mgr Claudio Maria Celli, secrétaire de l’Administration du patrimoine du Siège apostolique, d’autres évêques de Hongkong et de Macao, ainsi que des experts sur les affaires de l’Eglise de Chine. Parmi les participants, certains s’étaient dans le passé montrés ouverts au dialogue avec la République populaire de Chine, tandis que d’autres penchaient plutôt pour l’affrontement. Le communiqué de presse affirmait : “Le débat très large et complexe a été marqué d’une cordialité franche et fraternelle.” Ce qui veut dire que le franc-parler n’a pas entamé la cordialité. Une bonne réunion avec un vrai dialogue.

On a discuté de “l’histoire troublée de l’Eglise en Chine et des principaux événements de ces dernières années”. On a souligné la gravité de la situation : “les problèmes ecclésiaux urgents qui appellent des solutions fondées sur les principes fondamentaux de la nature divine de l’Eglise et sur la liberté religieuse”. Le Saint-Siège appelle au dialogue, aucun des termes du communiqué n’ouvrant la voie à l’affrontement. Rome voit, au milieu de toutes les épreuves, des aspects vraiment positifs dans la situation de l’Eglise de Chine : “Le témoignage vivifiant des évêques, des prêtres et des laïcs a été reconnu et profondément apprécié ; sans céder au compromis, ils ont maintenu leur fidélité au Siège de Pierre, parfois au prix de grandes souffrances. On a observé avec une joie particulière qu’aujourd’hui, presque tous les évêques et les prêtres sont en communion avec le Souverain pontife.” Ceci constitue un message du Saint-Siège aux autorités chinoises ainsi qu’aux fidèles de l’Eglise de Chine. Rome dit à Pékin que tous les catholiques chinois se rangent résolument derrière le pape et qu’ils se veulent en communion avec l’Eglise universelle. Les tentatives du gouvernement pour instaurer une Eglise indépendante ont échoué. Aucune allusion n’est faite à l’existence de deux communautés à l’intérieur de l’Eglise – officielle et clandestine – comme pour indiquer que cette étape devrait appartenir au passé. De plus, le rapport évoque avec joie “une étonnante croissance en nombre de la communauté ecclésiale qui, en Chine comme ailleurs, est appelée à témoigner du Christ”. Il y a là une sorte de reconnaissance par Rome de l’esprit missionnaire digne d’éloge qui anime les communautés d’Eglise chinoises tant officielles que clandestines, que le Vatican propose en exemple à l’Eglise universelle.

Le message suscitant le plus d’espérance se trouve dans les deux derniers paragraphes, où il est dit que le Saint Père va écrire une lettre aux chrétiens de Chine. Ils la recevront avec beaucoup de joie. Nous avons quelques indications sur ce que nous pouvons attendre de cette lettre : “Il en ressortait la volonté de continuer d’avancer dans la voie d’un dialogue respectueux et constructif avec les autorités gouvernementales, afin de dissiper les malentendus du passé. On y exprimait aussi l’espoir que se réalise une normalisation des relations à tous les niveaux, afin de rendre possible une vie de foi paisible et féconde au sein de l’Eglise et d’ouvrer ensemble pour le bien du peuple chinois et la paix dans le monde.” En d’autres termes : un dialogue constructif, fondé sur “les principes fondamentaux de la nature divine de l’Eglise et sur la liberté religieuse une base solide pour un dialogue constructif dans la vérité.

Pour bien comprendre le sens et l’importance de considérations émanant du Saint-Siège à ce point positives, il faut se souvenir qu’elles interviennent après les regrettables événements récemment survenus dans l’Eglise de Chine. En avril-mai 2006, deux ordinations illicites d’évêques en Chine ont choqué l’Eglise universelle. Pourquoi ? Après tout, d’autres évêques avaient été ordonnés en 2004-2005 après avoir été nommés par le pape. Etait-ce en réaction au conflit très médiatisé entre l’évêque de Hongkong et l’un des dirigeants de l’Association patriotique ? Mais ensuite, à la fin du mois de novembre 2006, il y a eu une autre ordination illicite dans le diocèse de Xuzhou. Les communautés de l’Eglise clandestine comme celles de l’Eglise officielle ont réagi de manière critique. Les milieux de l’Eglise clandestine ont affirmé que la participation d’évêques légitimes dans la célébration d’ordination confirmait leur conviction que la communauté de l’Eglise officielle en Chine n’était pas fidèle à Rome et que seule était fidèle la communauté de l’Eglise clandestine.

En optant pour le dialogue dans les circonstances actuelles, le pape dépasse toutes ces discussions. Il fait preuve de courage et de fermeté, mais aussi de sagesse, de perspicacité et de discernement. En fait, il lance la balle dans le camp des responsables de la République populaire de Chine et leur adresse un défi. En 2006, les autorités chinoises ont utilisé la ruse pour leurrer des évêques légitimés par le Vatican et les forcer à prendre part à l’ordination d’évêques non reconnus par le Saint-Siège. Sous la contrainte, ces évêques ont choisi d’éviter d’entrer en conflit avec les autorités qui les auraient punis ainsi que leurs fidèles s’ils avaient refusé. Ils savaient qu’en cédant ainsi à la pression, ils étaient passibles des sanctions prévues par le droit canon. Leurs propres ouailles les ont critiqués. Cependant, le Saint-Siège, dans ses réactions après chaque ordination illicite, n’a appliqué aucune sanction. Cet appel du pape Benoît XVI à éviter tout nouvel affrontement et à promouvoir le dialogue semble contenir implicitement un message sans paroles adressé aux autorités chinoises : “La Chine et l’Eglise trouveront l’une et l’autre leur avantage si nous dialoguons en vue de normaliser cette situation d’absence de liberté.”

Nous devrions tous apprendre que ce genre de dialogue est plus fort que l’affrontement. Il ne divise pas, mais fait appel à un effort pour surmonter tous les obstacles. Il y a déjà eu une première tentative, en juin 2006, peu après les premières ordinations illicites : le pape avait envoyé à Pékin deux diplomates pour dialoguer, mais apparemment leur mission n’a pas réussi. Il n’y a eu aucun dialogue. Pire encore, une nouvelle ordination épiscopale illicite a eu lieu en novembre (Xuzhou). Jusqu’à présent, la République populaire de Chine n’a pas répondu positivement aux essais de dialogue proposés par Rome. Malgré cela, le Saint-Siège, après avoir recherché sans arrêt le dialogue au temps de Jean-Paul II, opte aujourd’hui, une fois de plus, en faveur du dialogue. Chaque fois, la République populaire de Chine répète son exigence de supprimer la nonciature de Taiwan. Les intentions de Rome à propos de sa représentation à Taiwan sont connues des autorités chinoises depuis qu’en 1972, le Saint-Siège a rappelé son nonce à Taiwan pour n’y laisser qu’un chargé d’affaires. Telle est encore la situation aujourd’hui. Le pape Benoît XVI invite maintenant les responsables de la République populaire de Chine à discuter de la mise en pratique de la liberté religieuse pour les catholiques en Chine, de la même manière que celle-ci est appliquée dans 165 autres pays dans le monde, qui trouvent normal qu’il en soit ainsi. La République populaire de Chine est-elle prête cette fois-ci ? Un nouveau refus – comme par exemple les vieilles conditions préalables de “commencer par supprimer l’ambassade à Taiwan” et de “cesser toute ingérence dans nos affaires intérieures” – n’est vraiment plus crédible.

Mais le pape Benoît XVI n’adresse pas un défi seulement aux communistes. Les fidèles et les évêques aussi, à l’intérieur et à l’extérieur de la Chine, sont appelés à dialoguer dans la vérité. Y sont-ils prêts ? Beaucoup le sont ; d’autres apparemment pas. Aujourd’hui, c’est l’heure de la vérité. Nous devons prendre conscience qu’il est facile mais inutile et sans mérite de se contenter de pointer un doigt accusateur vers des personnes de “l’autre communauté d’Eglise” ou vers des personnalités du gouvernement, dans une attitude d’affrontement. Ceci ne ferait que bloquer le dialogue et contredirait l’appel du pape Benoît XVI. Nous devons trouver la vérité, comme une source de notre disposition au dialogue, dans “les principes fondamentaux de la nature divine de l’Eglise et de la liberté religieuse et finalement dans l’Evangile. Seule la vérité évangélique est capable de créer l’unité au sein de l’Eglise parce qu’elle est fondée sur l’amour du Christ. Elle peut libérer les fidèles et les rendre assez forts pour répondre à l’appel du pape à entamer un dialogue franc à l’intérieur de l’Eglise, en vue de savoir comment trouver l’unité, et pour un dialogue ouvert avec le gouvernement chinois dans “la recherche d’un terrain d’entente” et afin de “rendre à Dieu ce qui revient à Dieu et à César ce qui revient à César”.