Eglises d'Asie

Province de la Frontière du Nord-Ouest : la Haute Cour a statué en faveur de la reconstruction d’une église chrétienne sur le campus de l’Université de Peshawar

Publié le 18/03/2010




Le 23 janvier dernier, la Haute Cour de la province de la Frontière du Nord-Ouest a rejeté la plainte d’un étudiant musulman de l’Université de Peshawar (UOP, University of Peshawar), demandant que soit interdite la reconstruction d’une église chrétienne au sein du campus. Le 11 janvier, Masood Khan avait saisi la haute juridiction au motif que la reconstruction du lieu de culte chrétien était un acte contraire à l’islam et potentiellement porteur de violences interreligieuses. Dans les attendus de sa décision, la Haute Cour a estimé que, dans les pays musulmans, l’islam garantissait les droits des minorités non musulmanes et que, par conséquent, la reconstruction était légale. “Dans les pays non musulmans à travers le monde, il n’existe pas de disposition interdisant la construction ou la reconstruction de mosquées. En tant que musulmans et ainsi que l’islam nous l’enseigne, nous devons être tolérants peut-on lire dans la décision de justice.

Fondé en 1913 sous le nom College, devenu University of Peshawar en 1950, UOP est le principal établissement d’enseignement supérieur de la province de la Frontière du Nord-Ouest. Ses six facultés (arts et humanités, études islamiques et orientales, sciences de la vie, management, sciences de l’information, sciences physiques et numériques, sciences sociales) accueillent près de 22 000 étudiants, dont 40 % sont des étudiantes. Situé à une dizaine de kilomètres de Peshawar, chef-lieu de la province, son vaste campus abrite au total près de 35 000 personnes. On y compte 38 mosquées ou lieux de culte musulman et une église chrétienne. Celle-ci existe depuis la fin des années 1960 et présente la particularité d’être ocuménique. Quatre confessions – l’Eglise catholique, l’Eglise (protestante) du Pakistan, l’Eglise anglicane et l’Eglise presbytérienne unie – s’en partagent l’usage. Selon Mgr Mano Rumal Shah, évêque de Peshawar pour l’Eglise du Pakistan, UOP est la seule université du pays à compter une église sur le territoire de son campus. Le lieu de culte est utilisé par quelque 1 500 familles chrétiennes, qui, pour la plupart, comptent un membre employé par l’université. Aucune autre église chrétienne n’existe dans les environs.

Ainsi que l’explique Mgr Shah, les problèmes qui ont abouti à la saisine de la Haute Cour trouvent leur origine dans une décision du gouvernement de la province. Celle-ci est dirigée par le Muttahida Majilis-e-Amal (MMA), une alliance de six partis musulmans fondamentalistes. Il y a peu, le gouvernement a alloué des fonds – trois millions de roupies (38 000 euros) – pour la rénovation-reconstruction de l’église chrétienne. Le vice-chancelier de l’université a rendu la nouvelle publique et, très rapidement, des protestations se sont élevées. Le 19 décembre dernier, le ministre-président de la province, Akram Khan Durrani, membre du MMA, a posé la première pierre du chantier et annoncé que tous les lieux de culte de la province, quelle que soit la religion à laquelle ils appartiennent, allaient être rénovés. Soulignant la nécessité d’un dialogue entre les religions, il a déclaré que “la force n’était pas une solution” et qualifié la reconstruction de l’église de “cadeau de Noël” pour la communauté chrétienne locale.

Jusqu’à ce jour, l’église chrétienne était “cachée aux regards” et n’était qu’un hangar de dimension modeste en mauvais état, a précisé Mgr Shah. A la date du 21 janvier, la reconstruction n’avait pas démarré et le culte célébré ce dimanche a réuni environ 400 personnes. Pour l’évêque, l’aide gouvernementale débloquée et un don supplémentaire promis par un parlementaire chrétien de l’Assemblée nationale “sont l’occasion d’une grande joie” pour les chrétiens vivant sur le campus d’UOP. “Nous exprimons notre pleine gratitude aux autorités, qui se sont montrées fidèles à l’islam a souligné Mgr Shah, en ajoutant que, dans les journaux locaux, les musulmans ont signifié leur accord pour le projet de reconstruction.

L’église du campus avait été endommagée en 1970 par des extrémistes musulmans. Depuis cette date, aucune autre action violente n’a eu lieu. L’an dernier, en 2006, ce sont au total neuf lieux de culte chrétiens qui ont été attaqués par des extrémistes – huit au Pendjab et un dans le Sind (1). Selon Mgr Shah, à la lumière de ce contexte de violences, les fidèles de l’église du campus de l’UOP peuvent s’estimer heureux que les étudiants opposés au projet de reconstruction aient exprimé leur opinion par voie de justice, “de manière civilisée”.