Eglises d'Asie

Pendjab : l’Eglise catholique se mobilise pour défendre la cause de plusieurs centaines de familles de paysans chrétiens, expulsées illégalement de leurs terres par les autorités locales

Publié le 18/03/2010




Des terres travaillées par des paysans chrétiens ont été saisies illégalement dans la province du Pendjab, dénonce un groupe catholique de défense des droits de l’homme qui demande au gouvernement de faire cesser ces expulsions. Ce sont 50 hectares de terres cultivées qui ont été enlevés à 900 familles de trois villages du district de Muzaffargarh, entre juin et novembre 2006, les laissant depuis sans ressource. “Ces familles sont au bord de l’effondrement économique et des centaines d’entre elles sont menacées de perdre leur seul moyen de subsistance par ces voleurs de terres a déclaré le P. Emmanuel Yousaf, directeur national de la Commission ‘Justice et Paix’ (NCJP), de la Conférence des évêques catholiques du Pakistan, au cours d’une conférence de presse donnée à Multan, le 7 février dernier.

D’après Irfan Barkat, juriste auprès de la NCJP, Roy Mansab Ali, un directeur d’usine puissant et membre de l’Assemblée provinciale, a fait transférer les terres des paysans de ces villages à des musulmans, avec l’aide des services fiscaux locaux. Alwin Murad, secrétaire général de la Commission ‘Justice et Paix’ de la Conférence des supérieurs majeurs du Pakistan, a demandé au gouvernement de mettre fin à ces expulsions forcées et de restituer les terres réquisitionnées. Faute de quoi, a-t-il averti, il en résulterait un mouvement d’unité nationale de la part de la communauté chrétienne.

Les paysans expropriés et leurs familles se sont joints aux 150 personnes – chrétiens, défenseurs des droits de l’homme, politiciens locaux et avocats – qui manifestaient près du carrefour Kachehri Chowk, à Multan, le 7 février. Ils arboraient des banderoles où on pouvait lire : “Arrêtez de bafouer les droits des minorités” et “Ne nous enlevez pas le droit de vivre”. Une manifestation semblable d’une centaine de personnes s’était déjà déroulée, le 2 février, au club de la presse de Muzaffargarh, à 50 kilomètres de là.

La réquisition des terres avait commencé le 19 juin 2006 lorsque Lal Masih et Parveen James, du Chak 587 (village 587), avaient été contraints de quitter leurs quinze hectares de terre. D’après eux, le gouvernement ne les avait pas avertis de cette expropriation. Il est vrai que la police locale avait déjà expulsé quatre paysans de leur domicile et détruit leurs récoltes, qui s’étendaient sur 20 hectares, à Chak 547, le 1er novembre 2006. Des terres autour de Chak 548 avaient également été saisies le même jour et les affaires personnelles des paysans enlevées, a raconté aux journalistes une des habitantes de ce village, Parveen Bibi. Son téléphone portable et des bijoux en or ont disparu, a-t-elle précisé, ajoutant que c’est seulement plus tard que ses animaux domestiques étaient d’eux-mêmes revenus vers elle. Le 11 février dernier, un mur de clôture d’une famille chrétienne a été démoli au Chak 548.

D’après Parveen Bibi, il y a trente ans, le district n’était qu’un désert aride jusqu’à ce que 480 conduits de ciment pour forer des puits aient été achetés avec l’argent des paroisses catholiques. Trente ans plus tard, après un dur travail, le district s’est transformé en champs verdoyants. La raison “officielle” de l’éviction des villageois est qu’ils vivaient sur les terres du gouvernement, mais la NCJP conteste cette affirmation. Dans un communiqué du 7 février, la Commission a répliqué que Ghulam Gilani, ancien gouverneur du Pendjab, avait vendu ces terres à la communauté chrétienne, le 6 décembre 1983. Depuis, a affirmé la NCJP, le ministère des Finances du Pendjab a délivré à trois reprises des ordonnances réaffirmant les droits de propriété de la communauté : le 20 décembre 1983, le 20 août 1987 et le 25 juin 1992. L’ordonnance de 1987 statuait que “les terres occupées par les paysans chrétiens ne sauraient être passibles d’une revendication en tant que terres agricoles”. Les fonctionnaires du gouvernement ont aussi délivré des ordonnances à l’administration du district de Muzaffargarh à plusieurs reprises en ce sens, a confirmé la NCJP.

Le 1er février dernier, la Commission a envoyé une lettre au président Pervez Musharraf et aux ministres de la province, leur demandant de “prendre note de ces violations systématiques des droits de l’homme qui conduisent à l’anéantissement économique et social de la communauté chrétienne locale et de rappeler aux autorités locales qu’ils doivent laisser les chrétiens vivre en paix. En attendant, les paysans sans terre des trois villages vivent d’expédients dans des abris de terre battue en bordure du village, tandis que des musulmans, qu’on dit être proches de Roy Mansab Ali, occupent leurs maisons et leurs terres.