Eglises d'Asie

Macao : après les échauffourées qui ont accompagné les manifestations du 1er mai, un responsable de l’Eglise catholique demande des réformes politiques

Publié le 18/03/2010




Selon le P. Pedro Chung Chi-kin, vicaire général du diocèse de Macao, les échauffourées qui se sont produites lors des manifestations du 1er mai présentent un caractère choquant dans la mesure où, comparées aux manifestations de l’an dernier, elles traduisent une escalade ; elles manifestent aussi et surtout la profondeur du malaise social actuel, que ne cache plus une conjoncture économique florissante.

Le prêtre observe que les manifestants du 1er mai étaient principalement des gens d’âge moyen et des travailleurs peu ou pas qualifiés qui se trouvent exclus du marché du travail dans l’industrie du jeu, où ce sont les jeunes qui sont embauchés en priorité. Parmi les manifestants, se trouvaient aussi de nom-breux travailleurs du secteur de la construction, eux aussi évincés du marché par des travailleurs venus – clandestinement le plus souvent – de Chine continentale, de Hongkong ou d’ailleurs et qui sont de plus en plus nombreux à Macao. « Toutes ces personnes ne peuvent bénéficier de la croissance d’une économie dopée par l’essor de l’industrie du jeu et du tourisme », commente le P. Chung Chi-kin.

L’an dernier, les manifestations du 1er mai à Macao avaient dégénéré en affrontements lorsque la police avait empêché deux mille personnes d’approcher du siège du gouvernement. Cette année, les manifestations ont pris une tournure violente lorsque la police a fait usage d’armes à feu pour disperser une foule, estimée à 2 400 personnes par les forces de l’ordre et à 10 000 par les organisateurs de la manifestation. Il y a eu cinq tirs de sommation, l’un d’eux blessant un motocycliste circulant à 300 m de là. Des slogans appelant à la démission du chef de l’exécutif local, Edmund Ho Hau-wah, ont été lancés. Le soir même, le gouvernement déclarait que « la police avait pris les mesures appropriées pour gérer la situation afin de maintenir l’ordre social ».

Antonio Ng Kuok-cheong est membre de l’Assemblée législative locale ; catholique, il est un des rares hommes politiques militant pour davantage de démocratie à Macao. Ayant pris part aux manifestations du 1er mai, il a justifié les revendications des manifestants en mettant en avant qu’il s’agissait de protestations contre la corruption du gouvernement, la collusion entre les responsables du gouvernement et le secteur des affaires et l’augmentation à Macao du nombre des travailleurs pauvres. Depuis l’ouverture de l’industrie du jeu à de nouveaux acteurs, en 2002 (1), les tensions s’exacerbent, fait valoir le député, et, si aucune réforme constitutionnelle n’est menée pour introduire le suffrage universel dans le territoire, le problème ne fera qu’empirer (2). De plus, Ng Kuok-cheong estime de plus que la police a réagi de manière disproportionnée le 1er mai dernier.

Pour Bill Chou Kwok-ping, professeur d’administration publique à l’Université de Macao, il ne fait pas de doute que le territoire se trouve aujourd’hui dans une impasse politique réelle. Le chef de l’exécutif a été élu par un comité de 300 personnes, représentant principalement les milieux d’affaires et les personnalités pro-Pékin, et l’assemblée législative ne joue pas de rôle significatif, le pouvoir étant partagé entre l’exécutif et les milieux d’affaires. Un tel système ne peut que favoriser les intérêts d’une petite minorité et le plus grand nombre se voit exclu du partage des fruits de la croissance, observe l’universitaire. Il ajoute qu’il faudrait pourtant peu de chose pour satisfaire – en partie – les revendications populaires : régulation de l’ouverture du marché du travail aux personnes extérieures à Macao, lutte contre le travail clandestin, maîtrise de l’inflation, amélioration des pratiques gouvernementales.

Le P. Chung Chi-kin, de son côté, remarque que le rôle joué par l’Eglise dans la société est plus modeste qu’auparavant. « Du temps des Portugais, l’Eglise et le gouvernement local entretenaient une relation de partenariat et les responsables de l’Eglise avaient parfois l’oreille des dirigeants », explique-t-il. Depuis la rétrocession de 1999, ce rôle de conseil s’est amenuisé, et « désormais, c’est aux laïcs qu’il appartient de participer plus activement à la vie politique et à l’action gouvernementale » (3).