Eglises d'Asie

Le président de la Conférence des évêques catholiques ne voit pas d’issue à la guerre qui déchire son pays

Publié le 18/03/2010




A mesure que le pays voit la guerre s’aggraver entre les forces armées de Colombo et les Tigres du LTTE (Liberation Tigers of Tamil Eelam), les voies qui permettraient de sortir de cette nouvelle crise sont incertaines. Telle est en substance l’analyse de la situation que livre le président de la Conférence épiscopale du Sri Lanka, Mgr Vianney Fernando, évêque de Kandy.

L’élément qui est à la racine de ce conflit vieux de vingt-trois ans est l’absence d’un sentiment national partagé. « Nous n’avons pas encore su faire apparaître un sens de l’identité sri lankaise », expliquait Mgr Fernando le 9 mai dernier à Colombo, quelques semaines après que le président de son pays ait rendu visite au pape Benoît XVI à Rome. Au Sri Lanka, précise-t-il, les gens s’identifient par leur appartenance religieuse ou linguistique : ils parlent tamouls ou cinghalais, ils sont bouddhistes, hindous, musulmans ou chrétiens. Ils ne se disent pas d’abord sri lankais.

A partir de cette réalité, qui s’est cristallisée par les manœuvres de « certaines organisations politiques », les responsables doivent travailler à l’émergence d’un « environnement permettant la fondation d’une réelle identité sri lankaise ». Dans une île de 19 millions d’habitants où les Cinghalais représentent 74 % de la population et les Tamouls 18 %, où près de 70 % des habitants sont bouddhistes et 15 % sont hindous, les tensions sont fortes. Les 7 % de chrétiens présentent la particularité d’appartenir aux deux groupes ethniques, tandis que les musulmans, légèrement plus nombreux que les chrétiens, forment une communauté ethnico-religieuse à part.

Que peut faire l’Eglise catholique dans un contexte où les identités religieuse et ethnique sont si étroitement mêlées ?, s’interroge Mgr Fernando. « L’Eglise ne peut qu’être neutre et jouer un rôle diffus », analyse l’évêque, conscient des critiques qui sont faites aux catholiques. « Les Cinghalais disent que l’Eglise soutient les Tamouls et les Tamouls disent que l’Eglise soutient les Cinghalais. » Au cours de ce presque quart de siècle de guerre, l’Eglise a pourtant payé un lourd tribut : « De nombreuses églises ont été bombardées, des laïcs et des prêtres ont été tués ou ont disparu », mais l’Eglise continue d’agir pour la paix. « Nous sommes des médiateurs », explique l’évêque de Kandy, prenant l’exemple de son diocèse situé au centre du pays et haut lieu du bouddhisme.

Mgr Fernando cite le cas d’une réunion interreligieuse organisée en 2006 par la Commission ‘Justice et Paix’ de son diocèse et qui fut interrompue brutalement par des hommes politiques hostiles à toute tentative de conciliation entre les communautés. Régulièrement, des initiatives de ce type rencontrent l’hostilité d’éléments politiques ou religieux réfractaires à tout compromis. Mgr Fernando conclut en affichant sa ferme résolution d’espérer malgré tout et de trouver une issue au conflit. Au mois d’avril dernier, l’Eglise catholique a soumis un projet à la commission parlementaire chargée d’étudier les principes d’une dévolution de pouvoir à la minorité tamoule. « J’ai appelé le gouvernement à expliquer très clairement sa position et à préciser le point jusqu’où il est prêt à aller, et (les Tigres) à apporter une réponse claire », précise Mgr Fernando.