Eglises d'Asie

Un organe de presse du Parti met en avant l’importance pour ses membres de se montrer « loyal » en étant athée

Publié le 18/03/2010




Dans un pays où la doctrine officielle en matière de religion est l’athéisme et où l’appartenance au Parti communiste chinois est incompatible avec la croyance en une religion, un article récemment paru dans Qiushi (‘A la recherche de la vérité’), magazine idéologique du Comité central du Parti et rédigé par le département de la propagande, est intéressant à plus d’un titre.

L’article en question met en avant le fait, pour le déplorer, que la loyauté d’« une minorité de membres » du Parti va en déclinant. Pour éclairer ce que cette mention de la loyauté veut dire, l’auteur de l’article écrit : « Par exemple, certains membres du Parti croient aux esprits plutôt qu’au marxisme-léninisme, et à des individus plutôt qu’à l’organisation. » Il ajoute que des cadres – « une minorité » – placent désormais leur loyauté dans des personnes et leurs réseaux de contacts, pour, à leur, tour pousser en avant leurs obligés et former des factions. Par ailleurs, d’autres cadres cherchent à s’enrichir « par la corruption » et mènent « un mode de vie décadent », la périphrase ritournelle pour désigner l’entretien de maîtresses.

Ainsi que le souligne, à Hongkong, le South China Morning Post, cet article, rapidement repris par l’agence Chine nouvelle et par d’autres sites officiels, indique tout d’abord que la direction du Parti s’inquiète de voir la gigantesque machine qu’est le Parti perdre le soutien de ceux-là même qui en sont les membres et dont le nombre avoisine les 70 millions de personnes. L’article évoque seulement « une minorité », mais, ce faisant, il admet l’existence d’une tendance inquiétante.

Il n’est certes un secret pour personne en Chine que l’appartenance au Parti est une voie d’accès commode sinon obligée pour parvenir aux réseaux du pouvoir, de même que la corruption est largement répandue et concerne au premier chef les membres du Parti. De la même manière, il n’est pas complètement nouveau de lire dans la presse officielle que les membres du Parti ne font pas tous profession d’athéisme militant (1). Mais, avec la publication d’un tel article, la haute direction du Parti indique qu’elle s’inquiète de voir un nombre de plus en plus grand de membres du Parti croire en telle ou telle religion ou se livrer à des pratiques qualifiées de « superstitieuses ».

Si l’on fréquente des lieux de culte en Chine, il n’est pas rare d’y trouver, parmi les fidèles, des membres du Parti ou de l’appareil de sécurité. Sans s’en cacher, des cadres se rendent dans des temples bouddhiques ou des églises chrétiennes. Une étude de l’Ecole nationale d’administration indiquait il y a peu que seuls 47 % des membres du Parti disent ne pas croire à quoi que ce soit qui puisse passer pour de « la superstition » ; les autres 53 % font confiance à l’art de déterminer un caractère à partir de la forme et des traits du visage, à celui d’interpréter les rêves ou encore à l’astrologie, à la divination et au feng shui (2).

Pour la direction chinoise, ces nouveaux comportements sont une menace et ils doivent donc être sanctionnés. Selon le South China Morning Post, il ressort des condamnations prononcées ces dernières années contre des membres du Parti arrêtés pour corruption que ceux qui ont été accusés de corruption et de pratiques superstitieuses ont été plus lourdement condamnés que ceux qui ont été poursuivis pour corruption uniquement.

A l’approche du 17ème congrès du Parti, qui aura lieu à l’automne prochain, les factions par ailleurs dénoncées se positionnent. Dans ce contexte, on constate aujourd’hui que la direction du Parti – ou une fraction de cette direction – met en avant le critère de la loyauté à l’idéal athéiste. Le message à l’adresse des générations montantes est peut-être que leur promotion au sein du Parti passera par une profession de foi renouvelée à l’athéisme militant.