Eglises d'Asie

Pendjab : une adolescente chrétienne a été violée et ses proches sont désormais l’objet de menaces de la part des coupables, laissés en liberté par la police

Publié le 18/03/2010




Le viol d’une adolescente chrétienne, le 14 mai dernier, dans une région rurale du Pendjab, et les menaces dont sa famille est l’objet depuis qu’elle a porté plainte auprès de la police illustrent, une nouvelle fois, les conditions de vie, parfois tragiques, faites à la petite minorité chrétienne du Pakistan.

L’affaire a pour cadre le village de Nizampura, petite localité rurale du Pendjab, où vivent environ 80 familles chrétiennes, principalement protestantes. La région est réputée pour les pépinières qui y sont exploitées, où sont cultivés de jeunes plants de fleurs et de légumes, vendus pour être replantés ailleurs. Les chrétiens de Nizampura sont pour la plupart analphabètes et ne possèdent pas de terre. Employés à la journée dans les champs et les serres des pépiniéristes, ils gagnent en moyenne 100 roupies par jour (1,30 euro) et il est fréquent que leurs enfants travaillent avec eux.

Le 14 mai dernier, âgée de 14 ans, Sumaira Rafiq était partie travailler, en compagnie de sa mère et de sa tante, dans la pépinière de Mohammad Asif, qui exploite là 30 hectares de terre. Ce dernier, accompagné de deux autres musulmans, Rizwan Alias Khusri et Mohammad Nawaz, a offert du thé aux trois chrétiennes. Le breuvage était drogué et toutes les trois sont tombés inconscientes. Les deux adultes ont été retrouvées le soir même par d’autres ouvriers agricoles dans un champ. Sumaira Rafiq, quant à elle, avait réussi à gagner la maison d’un voisin, où, en état de choc, elle a raconté comment elle avait été violée par les trois hommes.

Le 19 mai, le père de la jeune fille, Rafiq Masih (1), a porté plainte au commissariat de la ville de Pattoki, proche de son village, désignant par leur nom les trois hommes auteurs du viol. Mais la police a laissé ces derniers en liberté. Très rapidement, des proches des trois hommes ont commencé à harceler la famille de la jeune chrétienne pour exiger le retrait de la plainte. « Nous vous couperons les jambes et nous nous en prendrons à vos enfants », rapporte Rafiq Masih, citant les menaces reçues.

Désespérée et sans travail depuis ces événements, la famille s’est tournée vers le Rév. Saleem Gill, pasteur de la All Saints’ Church à Pattoki, qui a organisé une conférence de presse au Lahore Press Club le 21 juin dernier, avec l’aide du Bureau pour les femmes de l’Eglise (anglicane) du Pakistan. Les responsables chrétiens ont dénoncé « le crime haineux » commis sur la personne de Sumaira Rafiq et appelé les autorités à ouvrir une véritable enquête, à arrêter les trois coupables et à assurer la sécurité de la famille de la victime.

Le Rév. Saleem Gill a souligné que, comme à l’accoutumée, la police tend à favoriser les propriétaires terriens et dédaigne les ouvriers agricoles. Le fait qu’ils soient chrétiens ajoute à leur peine, car il est fréquent que « les chrétiens, pauvres et sans éducation dans cette région, soient accusés de vol, voire de meurtre », a-t-il ajouté.

Selon une responsable de l’ONG Women Action Forum, la législation en vigueur favorise ce type de crime. Si un musulman viole une chrétienne et affirme ensuite qu’elle a accepté la foi musulmane et l’a épousé, le viol n’est plus qualifiable en crime, étant donné que le viol dans le cadre du mariage n’est pas reconnu par la loi. Selon la Commission pour les droits de l’homme au Pakistan, une ONG indépendante, le nombre des viols, y compris celui des viols collectifs et lorsque la victime est mineure, est en constante augmentation.