Eglises d'Asie

A Jaffna, depuis que le gouvernement a interdit la pêche en mer, il n’y a plus de « poissons pour l’Eglise »

Publié le 18/03/2010




« Du poisson pour l’Eglise ! » était le cri qu’on avait l’habitude d’entendre au marché aux poissons à l’extrémité des quais, sur le front de mer de Jaffna. On ne l’entend plus. Après que le gouvernement a restreint les activités des pêcheurs, ceux qui sont catholiques ne pratiquent plus la vente aux enchères d’une partie du produit de leur pêche au profit de leur paroisse. Du fait de l’intensification de la guerre civile entre les forces gouvernementale et les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), le gouvernement a en effet interdit la pêche sur les côtes du nord du Sri Lanka.

Depuis, le marché aux poissons de Kurunagar, un quartier de Jaffna à majorité catholique, est d’un calme inquiétant. Ils sont loin les cris de jadis, quand les pêcheurs se tenaient tous les matins avec leurs paniers à appeler : « Du poisson pour l’Eglise ! » Tous les jours, les pêcheurs, la plupart paroissiens de l’église St-James, une des plus grandes du Sri Lanka, mettaient de côté quelques poissons, des crevettes ou des crabes. « Ils vendaient aux enchères le poisson collecté et la recette était versée dans la caisse de la paroisse. Mais nous avons dû arrêter notre collecte à cause des restrictions des heures de pêche », explique Philip Pathmathasan, le paroissien chargé des recettes paroissiales.

Sinniah Thavaratnam, président de l’Union des pêcheurs du district de Jaffna, se lamente parce qu’il n’y a maintenant « plus de poisson » ni à manger, ni à vendre. Son syndicat regroupe 117 sociétés de pêche de la péninsule de Jaffna. « Nos gens n’ont rien à manger, explique-t-il aux journalistes. C’est le seul gagne pain des pêcheurs. Nous et l’évêque de Jaffna, nous protestons contre ces restrictions. »

 

Selon les autorités, il y a 1 800 pêcheurs dans ce quartier et seulement 200 vont travailler tous les jours. Sinniah Thavaratnam affirme, lui, que ce sont 2 900 familles catholiques qui dépendent de la pêche à Kuranagar. Il y a quelques mois, le gouvernement a déclaré que les restrictions avaient été renforcées parce que « des terroristes, déguisés en pêcheurs, avaient attaqué les forces gouvernementales ». Depuis le 11 août dernier, le seul accès terrestre reliant Jaffna au reste du pays est coupé, un couvre-feu a été instauré dans la ville et des milliers de personnes attendent de quitter les lieux par voie de mer. Le gouvernement a restreint la pêche aux heures diurnes, entre 8 h du matin et 2 h de l’après-midi, dans les eaux peu profondes uniquement et en n’utilisant que de petites embarcations manœuvrées à la main. Pour Sinniah Thavaratnam, de telles restrictions sont un non-sens : « Le moment favorable pour pêcher est la nuit, c’est pourquoi les restrictions affectent sérieusement ce secteur dans un pays qui consomme beaucoup de poissons de mer. »

 

Le P. R.H. Sahayanayagam, curé de l’église St-James (1), est également à la peine. « Au Sri Lanka, la pêche est un des plus anciens et importants moyens de subsistance. La pêche fait vivre beaucoup de monde. Le conseil paroissial a stoppé la collecte du poisson parce que les pêcheurs reviennent les filets vides. » Certains en sont réduits à « mettre en gage leur bijoux pour manger », dit-il. D’autres empruntent à la paroisse des sommes aussi modestes que de 100 à 200 roupies (0,65-1,30 euros) « pour manger ».

 

Le 22 juin dernier, les médias indiquaient que le gouvernement avaient levé certaines restrictions à la pêche dans les eaux du nord et de l’est du pays. Mais, pour Philip Pathmathasan, la mesure vient trop tard, une bonne partie des pêcheurs ayant « été obligée de tout laisser et de partir chercher un nouveau gagne-pain ailleurs ».