Eglises d'Asie

FAIRE DU BOUDDHISME

Publié le 18/03/2010




La moralit&eacute; des gens est en d&eacute;clin et ces derni&egrave;res ann&eacute;es, le bouddhisme n&rsquo;a fait que s&rsquo;affaiblir de mani&egrave;re continue, du fait, en partie, d&rsquo;une menace provenant de l&rsquo;ext&eacute;rieur. En cons&eacute;quence, de nombreux bouddhistes estiment que le moment est venu de promouvoir leur religion afin qu&rsquo;elle reprenne de son importance au plan national. L&rsquo;une des mesures pour y parvenir est d&rsquo;exiger que la nouvelle Constitution d&eacute;clare le bouddhisme religion d&rsquo;Etat.<br />Il est tr&egrave;s difficile de nier que, par le pass&eacute;, le bouddhisme a eu des liens tr&egrave;s &eacute;troits avec la nation et la culture. Toutefois, aujourd&rsquo;hui, la Tha&iuml;lande est en train de s&rsquo;&eacute;loigner de l&rsquo;enseignement du bouddhisme. En sont la preuve l&rsquo;expansion de la criminalit&eacute;, de la corruption, le probl&egrave;me de la violence dans les familles, en particulier envers les femmes et les enfants, l&rsquo;obsession du jeu et du sexe, l&rsquo;attachement aux biens mat&eacute;riels, la d&eacute;votion &agrave; l&rsquo;argent au point d&rsquo;en faire des offrandes et d&rsquo;avoir recours aux pratiques magiques qui sont devenues un commerce florissant. Tout ceci rend septique et am&egrave;ne &agrave; s&rsquo;interroger si le bouddhisme est encore la religion de la nation tha&iuml;landaise ou non.<br />Ce n&rsquo;est pas un mal mais plut&ocirc;t un bien que nous nous efforcions de faire de sorte que la religion bouddhique redevienne religion d&rsquo;Etat. Mais cela n&rsquo;a aucune chance de se r&eacute;aliser en ajoutant simplement un article dans la Constitution. Au contraire, cela ne fera qu&rsquo;augmenter les soup&ccedil;ons chez les &eacute;trangers et les membres des autres religions. Ils se demanderont&nbsp;: puisque le bouddhisme est religion d&rsquo;Etat, quelle est la raison de la baisse de moralit&eacute; en Tha&iuml;lande&nbsp;? Pourquoi le bouddhisme n&rsquo;a pas &oelig;uvr&eacute; pour que les Tha&iuml;landais aient un niveau de moralit&eacute; plus &eacute;lev&eacute;&nbsp;?<br />Si nous voulons que le bouddhisme redevienne r&eacute;ellement la religion de la nation tha&iuml;landaise, il n&rsquo;existe qu&rsquo;un seul moyen&nbsp;: faire en sorte qu&rsquo;il redevienne une religion qui s&rsquo;enracine au plus profond de l&rsquo;&ecirc;tre. Il faudrait que les bouddhistes mobilisent toutes leurs forces pour que le bouddhisme comme religion enracin&eacute;e au plus profond de l&rsquo;&ecirc;tre devienne r&eacute;alit&eacute;. Mais pour cela, il faut avoir recours &agrave; un grand nombre de mesures et non pas se contenter de la pr&eacute;dication et de l&rsquo;enseignement. Ces mesures devraient &ecirc;tre encourag&eacute;es par l&rsquo;Etat, par exemple en promulguant des lois, en procurant une aide budg&eacute;taire et du personnel. Le r&ocirc;le de l&rsquo;Etat est cependant moins important que celui de la communaut&eacute; des bonzes et du peuple. Inscrire dans la Constitution que le bouddhisme est religion d&rsquo;Etat pourrait &ecirc;tre une condition obligeant l&rsquo;Etat &agrave; soutenir vraiment le bouddhisme mais cependant, pas au point de faire bouger la communaut&eacute; des bonzes et d&rsquo;amener le peuple &agrave; faire quelque chose en faveur du bouddhisme.<br />Il est courant de penser que si le bouddhisme est en d&eacute;cadence aujourd&rsquo;hui, c&rsquo;est &agrave; cause du laisser aller et de l&rsquo;indiff&eacute;rence de l&rsquo;Etat. De ce fait, si l&rsquo;Etat l&rsquo;encourageait et l&rsquo;aidait davantage, le bouddhisme se d&eacute;velopperait et ne serait pas faible et chancelant comme il l&rsquo;est actuellement. D&rsquo;aucuns demandent avec instance que l&rsquo;Etat affecte un budget plus &eacute;lev&eacute; aux institutions et aux activit&eacute;s du bouddhisme. La question qui se pose est de savoir si les institutions bouddhiques manquent de moyens financiers. La r&eacute;ponse est qu&rsquo;elles n&rsquo;en manquent pas. Les sommes d&rsquo;argent que les institutions de la communaut&eacute; des bonzes et les pagodes re&ccedil;oivent du peuple croyant sont &eacute;normes. La question suivante est celle-ci&nbsp;: &agrave; quoi sont utilis&eacute;es ces sommes d&rsquo;argent&nbsp;? La r&eacute;ponse est qu&rsquo;une grande partie de ces sommes sont d&eacute;pens&eacute;es en biens mat&eacute;riels, plus pr&eacute;cis&eacute;ment pour les constructions. Des milliards sont utilis&eacute;s pour construire de belles pagodes et autres b&acirc;timents religieux. Mais, en m&ecirc;me temps, on manque d&rsquo;argent pour la formation des bonzes et des novices et pour l&rsquo;&eacute;ducation morale de la jeunesse. Dans certaines villes, il n&rsquo;y a pas m&ecirc;me assez d&rsquo;argent pour subvenir &agrave; la nourriture dans les &eacute;coles de formation des novices. Quand certaines pagodes poss&egrave;dent des moyens financiers qui se comptent par millions, un nombre important de pagodes du pays restent pauvres (m&ecirc;me si les villages et les agglom&eacute;rations qui entourent ces pagodes ont les moyens de promouvoir les vices que sont les jeux et l&rsquo;alcool).<br />Les probl&egrave;mes les plus importants ne sont pas le manque d&rsquo;argent ou la n&eacute;gligence de l&rsquo;Etat&nbsp;; mais plut&ocirc;t le fait que les milieux bouddhistes &agrave; tous les niveaux n&rsquo;ont pas conscience du probl&egrave;me qui est en train de se poser au bouddhisme, &agrave; savoir le manque de collaboration des bouddhistes pour raviver le bouddhisme dans le c&oelig;ur des gens. R&eacute;fl&eacute;chissez donc bien et vous verrez combien il serait b&eacute;n&eacute;fique au bouddhisme si toutes les pagodes riches se montraient g&eacute;n&eacute;reuses envers les pagodes pauvres, pour promouvoir l&rsquo;&eacute;ducation et la formation des bonzes et des novices des campagnes ou encore en envoyant du personnel pour aider dans l&rsquo;enseignement. Quant au peuple, il comprendrait la valeur de la formation des bonzes et des novices au lieu de s&rsquo;en d&eacute;sint&eacute;resser et de ne penser qu&rsquo;aux constructions car avec ces derni&egrave;res, il esp&egrave;re que cela lui apportera chance et bonne fortune.<br />Il est vrai que les gouvernements pr&eacute;c&eacute;dents ne se sont pas int&eacute;ress&eacute;s autant qu&rsquo;ils l&rsquo;auraient d&ucirc; aux probl&egrave;mes du bouddhisme. Malgr&eacute; cela, la situation du bouddhisme n&rsquo;&eacute;tait pas si d&eacute;cevante qu&rsquo;aujourd&rsquo;hui. Si toutes les instances responsables prenaient conscience de leurs responsabilit&eacute;s, &agrave; commencer par le Conseil des Anciens, elles se rendraient compte que la formation des bonzes se trouve actuellement dans un &eacute;tat critique. La communaut&eacute; des bonzes n&rsquo;a pas vraiment fait tous les efforts n&eacute;cessaires pour que les bonzes et les novices re&ccedil;oivent une formation compl&egrave;te&nbsp;; au contraire, il en a laiss&eacute; la responsabilit&eacute; aux diff&eacute;rentes pagodes. Ce Conseil se contente de faire passer les examens. Bien qu&rsquo;il y ait des voix qui s&rsquo;&eacute;l&egrave;vent pour r&eacute;clamer la r&eacute;forme de la formation des bonzes, en pratique, rien n&rsquo;a &eacute;t&eacute; encore fait en ce sens alors que le Conseil des Anciens en est directement responsable. M&ecirc;me si l&rsquo;Etat s&rsquo;y impliquait vraiment, il lui serait difficile d&rsquo;am&eacute;liorer la qualit&eacute; de la formation des bonzes&hellip; Et encore, nous ne parlons pas de la r&eacute;forme de la mani&egrave;re de gouverner la communaut&eacute; des bonzes. Le gouvernement a bien formul&eacute; un nouveau projet de loi concernant cette r&eacute;forme, mais ce projet est rest&eacute; en suspens tout simplement du fait de l&rsquo;opposition de la communaut&eacute; des bonzes, le Conseil des Anciens se pla&ccedil;ant au-dessus des d&eacute;bats.<br />Les pressions exerc&eacute;es pour ins&eacute;rer un article dans la Constitution d&eacute;cr&eacute;tant le bouddhisme religion d&rsquo;Etat trouve son origine dans le fait que les gens se figurent que le bouddhisme sera prosp&egrave;re ou non d&eacute;pendant avant tout de l&rsquo;Etat. Mais en r&eacute;alit&eacute; l&rsquo;Etat n&rsquo;est qu&rsquo;un facteur qui peut y contribuer. Mais le facteur fondamental de cette prosp&eacute;rit&eacute; r&eacute;side dans la communaut&eacute; des bonzes et dans le peuple. Si ces deux instances ne bougent pas, l&rsquo;Etat pourra s&rsquo;efforcer de faire tout ce qu&rsquo;il peut, comme dans le cas de la r&eacute;forme de la formation des bonzes ou dans d&rsquo;autres circonstances, il n&rsquo;aboutira &agrave; rien&nbsp;; surtout quand il s&rsquo;agit de probl&egrave;mes fondamentaux tels que celui de l&rsquo;interdiction de l&rsquo;alcool dans l&rsquo;enceinte des pagodes alors que l&rsquo;alcool et le bouddhisme s&rsquo;excluent mutuellement. Mais de nos jours, la consommation d&rsquo;alcool lors de la f&ecirc;te des offrandes de v&ecirc;tements aux bonzes, de la f&ecirc;te de la pagode ou &agrave; l&rsquo;occasion des cr&eacute;mations est devenue pratique courante dans de nombreuses pagodes &agrave; travers tout le pays. Ce genre de probl&egrave;me, il n&rsquo;y a que les bonzes et les r&eacute;sidents des villages qui peuvent le r&eacute;soudre. Cependant, beaucoup de pagodes ne le peuvent pas dans les faits pour la bonne raison que les pagodes manquent d&rsquo;autorit&eacute; et que le peuple ne s&rsquo;y int&eacute;resse pas. La question qui se pose est alors la suivante&nbsp;: si le bouddhisme devient religion d&rsquo;Etat, est-ce que l&rsquo;alcool dispara&icirc;tra de l&rsquo;enceinte des pagodes&nbsp;?<br />Ce dont on a parl&eacute; jusqu&rsquo;ici ne concerne que le probl&egrave;me des bonzes. Le probl&egrave;me du bouddhisme englobe aussi celui de la baisse de la moralit&eacute; et de la qualit&eacute; de la vie du peuple. Quel que soit son pouvoir, l&rsquo;Etat n&rsquo;a pas la capacit&eacute; de faire du bouddhisme une religion enracin&eacute;e au plus profond de l&rsquo;&ecirc;tre des gens. Tout au plus, il peut obliger les gens &agrave; &eacute;tudier davantage les cours de morale. L&rsquo;exp&eacute;rience du pass&eacute; prouve n&eacute;anmoins que ces cours n&rsquo;am&eacute;liorent pas du tout leur moralit&eacute;. Mais &eacute;voquer le r&ocirc;le de l&rsquo;Etat de la sorte ne veut pas dire qu&rsquo;il est inutile ou qu&rsquo;il manque de capacit&eacute;s. Il peut encore intervenir sur plusieurs plans, mais au lieu de penser &agrave; faire &eacute;tudier davantage les pr&eacute;ceptes de la morale ou &agrave; &eacute;couter davantage les pr&ecirc;ches des bonzes, l&rsquo;Etat devrait s&rsquo;efforcer de consolider les familles et les communaut&eacute;s. Dans le pass&eacute;, la famille et la communaut&eacute; ont &eacute;t&eacute; des institutions tr&egrave;s importantes au point de vue de la transmission des valeurs morales. Mais de nos jours, elles se sont affaiblies au point de n&rsquo;&ecirc;tre plus capables de tenir ce r&ocirc;le comme jadis. La mise en place de m&eacute;canismes sur le plan institutionnel et l&eacute;gal pour renforcer la solidit&eacute; de la famille et des communaut&eacute;s &ndash; par exemple, donner aux parents la possibilit&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre plus longtemps avec leurs enfants &ndash; est une chose qui pourrait aider &agrave; relever le niveau moral des personnes. Promouvoir une r&eacute;forme des m&eacute;dias pour qu&rsquo;ils se lib&egrave;rent de l&rsquo;influence de l&rsquo;id&eacute;ologie de la consommation est une mesure parmi d&rsquo;autres que l&rsquo;Etat pourrait prendre. Mais toutes ces mesures sont envisageables sans qu&rsquo;il soit n&eacute;cessaire de devoir inscrire dans la Constitution que le bouddhisme est religion d&rsquo;Etat.<br />Introduire dans la Constitution un article d&eacute;cr&eacute;tant que le bouddhisme est religion d&rsquo;Etat, ne permettra pas, d&rsquo;une part, de faire du bouddhisme une religion enracin&eacute;e au fond de l&rsquo;&ecirc;tre, mais, d&rsquo;autre part, cela aura pour cons&eacute;quence de ne pas r&eacute;soudre v&eacute;ritablement les probl&egrave;mes auxquels les milieux bouddhistes sont confront&eacute;s. Car c&rsquo;est mettre l&agrave; trop d&rsquo;espoir dans l&rsquo;Etat au point de ne d&eacute;pendre et de ne compter que sur lui, au lieu de faire collaborer la communaut&eacute; des bonzes et le peuple dans la recherche de solutions avec l&rsquo;encouragement de l&rsquo;Etat.<br />De plus, faire du bouddhisme la religion d&rsquo;Etat pourrait bien &ecirc;tre la source de nombreux probl&egrave;mes par la suite, la division des religions &eacute;tant un probl&egrave;me dont on parle beaucoup actuellement. Ce probl&egrave;me ne se poserait pas si tous les adeptes vivaient leur religion avec un esprit ouvert. Mais la situation actuelle ne nous permet pas de parler de cette mani&egrave;re avec assurance, car l&rsquo;attachement &agrave; son point de vue ne permet pas d&rsquo;accepter des opinions diff&eacute;rentes de la sienne. Cela se voit partout, sp&eacute;cialement lorsque l&rsquo;influence de l&rsquo;id&eacute;ologie nationaliste s&rsquo;en m&ecirc;le. Par exemple, maudire ou menacer ceux qui pensent que l&rsquo;inscription sur une st&egrave;le, attribu&eacute;e &agrave; Ramkhamheng ne serait pas son &oelig;uvre, ceux qui doutent que Khun Hing Mo ait &eacute;t&eacute; l&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne que l&rsquo;on pense, ou encore ceux qui soutiennent qu&rsquo;on ne devrait pas interdire aux femmes d&rsquo;entrer dans l&rsquo;enceinte des stupas qui contiennent des reliques &ndash; une accusation tr&egrave;s r&eacute;pandue assure que ces gens-l&agrave; &laquo;&nbsp;ne sont pas des Tha&iuml;s&nbsp;&raquo;. Ces r&eacute;actions sont tr&egrave;s r&eacute;pandues aujourd&rsquo;hui, au point de mettre en doute la tol&eacute;rance d&rsquo;un certain nombre de Tha&iuml;landais.<br />Cette question concerne notre d&eacute;bat car si la religion bouddhiste vient &agrave; &ecirc;tre inscrite dans la Constitution, on arrivera facilement &agrave; penser que si on est Tha&iuml;landais, on doit &ecirc;tre bouddhiste. Etre attach&eacute; &agrave; cette id&eacute;e en manquant de tol&eacute;rance, pourrait susciter des conflits avec les membres d&rsquo;autres religions ainsi qu&rsquo;entre membres d&rsquo;une m&ecirc;me religion, mais avec des opinions diff&eacute;rentes. Par exemple, les accuser de ne pas &ecirc;tre Tha&iuml;landais, ou encore, r&eacute;clamer que l&rsquo;Etat prenne des mesures qui soient positives &agrave; l&rsquo;&eacute;gard du bouddhisme pourrait avoir des cons&eacute;quences n&eacute;gatives pour les autres religions en arguant que le bouddhisme est tha&iuml;landais. On ne peut certes nier que l&rsquo;attachement &agrave; une religion, sans tol&eacute;rance envers les autres, est seulement le fait de certains bouddhistes. C&rsquo;est aussi le fait de certains musulmans. M&ecirc;me s&rsquo;ils ne repr&eacute;sentent qu&rsquo;une petite minorit&eacute;, ils peuvent cr&eacute;er de s&eacute;rieux probl&egrave;mes &agrave; la majorit&eacute; des croyants, comme c&rsquo;est le cas actuellement dans les provinces frontali&egrave;res du sud du pays.<br />Peu importe les diff&eacute;rences d&rsquo;opinions, la tol&eacute;rance est une n&eacute;cessit&eacute; que l&rsquo;on soit pour ou contre l&rsquo;inscription du bouddhisme dans la Constitution. Par cons&eacute;quent, il faudrait &eacute;viter de s&rsquo;accuser et de se condamner mutuellement, particuli&egrave;rement lorsque les deux parties en question se disent bouddhistes. Pour le moins, on ne devrait pas entrer en conflit et se ha&iuml;r mutuellement car c&rsquo;est par cette attitude int&eacute;rieure que l&rsquo;on reconna&icirc;tra que nous sommes de v&eacute;ritables bouddhistes et que le bouddhisme est enracin&eacute; au plus profond du c&oelig;ur de l&rsquo;homme.<br /><br /><br />