Eglises d'Asie

Selon Human Rights Watch, les victimes du conflit dans le sud du pays sont très majoritairement des civils

Publié le 18/03/2010




Depuis la reprise des violences, en 2004, dans le sud, à majorité musulmane, du pays, il n’est pratiquement pas de jours sans qu’on apprenne la mort violente d’une ou de plusieurs personnes, musulmanes ou bouddhistes, dans les quatre provinces de Pattani, Yala, Narathiwat et Songkhla, où les populations ethniquement malaises sont dominantes. Human Rights Watch a fait le décompte des victimes entre janvier 2004 et juillet 2007. Dans un rapport publié le 28 août dernier, l’organisation de défense des droits de l’homme indique que 2 463 personnes ont été tuées durant cette période et que 89 % d’entre elles (2 196 personnes) sont des civils.

Dans ce conflit de « basse intensité » où les soldats de l’armée thaïlandaise font face à une guérilla qui mène des actions ciblées, « les violences contre les civils sont utilisées par les militants séparatistes pour obtenir le départ de ces provinces des bouddhistes thaïs, pour maintenir leur contrôle sur les musulmans malais et pour discréditer les autorités thaïlandaises », a précisé Brad Adams, directeur pour l’Asie de Human Rights Watch.

Au sein de la mouvance séparatiste, un groupe se distingue par sa violence. Les Patani Freedom Fighters, animés par une logique extrémiste, veulent radicaliser le conflit, en le résumant à une opposition frontale entre musulmans malais et « infidèles ». A cette fin, ils affirment que les provinces méridionales de la Thaïlande sont « une zone de conflit » religieux qui doit être libérée de ce qu’ils qualifient d’occupation bouddhiste thaïe.

Human Rights Watch recense plus de 3 000 attaques et actions violentes dirigées contre les civils depuis janvier 2004 : attentats contre des écoles, des commerces, des services publics. Des enseignants, des personnels de santé ont été pris pour cibles. Des enfants dans les bras de leur mère ont été visés. Des exécutions sommaires prenant pour seul critère l’appartenance ethnique ont été organisées, dans le but de terroriser la population. Dans la logique d’une radicalisation du conflit, les musulmans malais qui sont suspectés de collaborer avec les autorités thaïlandaises ou qui sont connus pour refuser la violence et le programme des séparatistes sont également pris pour cibles ; ils sont qualifiés de « traitres » ou d’« hypocrites » pour, indique le rapport, ne pas soutenir ce « mélange radical de nationalisme malais et d’idéologie islamiste » qui apparaît être la raison d’être des séparatistes extrémistes.

Le rapport cite l’exemple d’un chef de village. Malais musulman, Usman Jaema a témoigné de l’assassinat de son fils, âgé de 15 ans, à coups de machettes et de haches par des séparatistes, en janvier 2004. Ces derniers voulaient lui adresser une mise en garde et lui signifier qu’il ne devait pas s’opposer à leurs actions. « Dans le village, une dizaine de jeunes ont rejoint les rangs des séparatistes. Ils ont été entraînés pour rejoindre les rangs de la guérilla et ils ne m’aiment pas, indique Usman Jaema. Après l’attaque, les membres du village ne m’ont plus respecté. Selon eux, si je n’avais pas été capable de protéger mon propre fils, comment pourrais-je les protéger ? Certains ont même affirmé que, pour avoir la paix, s’il fallait soutenir les séparatistes, ils le feraient. »