Eglises d'Asie

Candidat malheureux à la présidence de la République, un avocat catholique, trouve discrimi-natoire que seul un candidat de religion musulmane puisse être élu à la tête du pays

Publié le 18/03/2010




Le 6 octobre dernier, le chef de l’Etat, Pervez Musharraf, a été élu sans surprise à la présidence de la République. Porté au pouvoir il y a huit ans par un coup d’Etat, il a entamé son troisième mandat sans rencontrer, lors de cette élection menée au suffrage indirect, de réelles difficultés. Les élus du collège électoral qui étaient membres de l’opposition avaient démissionné de toutes les assemblées pour protester contre un scrutin qu’ils estimaient illégal. La Cour suprême a, pour sa part, autorisé la tenue de l’élection en exigeant que les résultats ne soient pas officiellement publiés avant qu’elle ne statue sur les recours présentés par l’opposition. Parmi ceux-ci, se trouve le recours introduit par Me Joseph Francis, avocat catholique.

Connu dans le pays pour avoir pris la défense de chrétiens comme de musulmans pakistanais, traduits en justice au titre des lois anti-blasphème (1), Me Joseph Francis, âgé de 62 ans, a déposé un recours devant la Cour suprême, le 25 août dernier, après que le bureau de la province du Pendjab de la Commission électorale eut refusé d’enregistrer sa candidature à la présidence de la République.

Joseph Francis, également président du Parti national chrétien du Pakistan (PCNP, Pakistan Christian National Party) (2), souhaitait se présenter à l’élection présidentielle, pour laquelle seuls trois candidats ont été finalement retenus : le général Pervez Musharraf, Makhdoom Amin Faheem, du parti de l’ex-Premier ministre Benazir Bhutto, et Wajihuddin Ahmed, ancien juge à la Cour suprême. La Commission électorale a rejeté la candidature de l’avocat chrétien au titre de l’article 41, alinéa 2, de la Constitution, qui stipule qu’« une personne ne peut pas se présenter à l’élection présidentielle à moins d’être musulmane, âgée d’au moins 45 ans et réunir les conditions requises pour être éligible à l’Assemblée nationale ». De la même manière, dans ce pays où l’islam est religion d’Etat, seuls des musulmans peuvent assumer la charge de Premier ministre, de chef des armées ou bien encore de président de la Cour suprême.

Pour Me Joseph Francis, la loi fondamentale du Pakistan présente un caractère « discriminatoire » certain et, au cas où la Cour suprême ne reconnaîtrait pas le droit pour un non-musulman de se présenter à l’élection présidentielle, il faudrait aller plus loin. « Nous n’hésiterons pas à saisir la Cour internationale de justice et nous brûlerons la Constitution devant le bâtiment de la Cour suprême », a-t-il prévenu. L’avocat a ajouté que son parti, le PCNP, envisageait de dénoncer devant la justice toutes les dispositions constitutionnelles qui discriminent les Pakistanais sur la base de leur appartenance religieuse, comme par exemple l’article déclarant l’islam religion d’Etat, le fait que l’administration soit en mesure de prendre des décisions relatives au respect des us et coutumes du monde islamique ou qu’il existe un tribunal fédéral de la charia.

Au sein des milieux politiques chrétiens, l’initiative de l’avocat catholique a été plutôt bien accueillie, même si certains ont émis des réserves. Nayla J. Dayal, qui dirige le Christian Progressive Movement, s’est réjouie qu’« enfin, quelqu’un fasse preuve d’initiative ». Elle a toutefois ajouté qu’elle aurait aimé que Joseph Francis consulte les dirigeants politiques chrétiens avant de s’engager dans cette voie : « Nous aurions pu apporter quelques suggestions, étant donné que le sujet intéresse la communauté chrétienne toute entière et engage son avenir. » Rohail Gill, de l’Alliance pan-pakistanaise des minorités, a pour sa part déclaré que son organisation soutiendra « le candidat qui représentera le lobby chrétien ». Selon lui, « le principal obstacle, c’est la Constitution elle-même ».