Eglises d'Asie

Dans l’archidiocèse de Colombo, une église catholique a été contrainte de fermer ses portes sous la pression de moines bouddhistes

Publié le 18/03/2010




Le 6 octobre dernier, une église catholique de l’archidiocèse de Colombo a reçu l’ordre de la police locale de fermer ses portes. Situé dans le village de Croos Watta, à 25 km au nord de Colombo, la paroisse dessert 300 familles catholiques qui vivent parmi 350 familles bouddhistes. Selon leur curé, le P. Chryshantha Fernando, les bouddhistes locaux, notamment le responsable de la pagode du village, ne veulent pas que les catholiques pratiquent leur foi, mais, comme ils n’ont pu obtenir leur départ, ils sont résolus à menacer la vie et les biens des catholiques. La police, pour ramener le calme, a donc choisi d’ordonner la fermeture de l’église.

Les débuts de l’affaire remontent à plus de dix ans, explique le P. Fernando. A l’époque, en 1996, la paroisse de Kotugoda, qui se trouve à trois kilomètres de Croos Watta, a acheté un terrain dans le village de Pathum Viyana Ekalak, afin d’y construire une chapelle. Très rapidement, le vénérable Udamvita Asraji, supérieur de la pagode de Croos Watta, a protesté, arguant que le lieu envisagé était trop proche d’une statue du Bouddha. « Il nous a dit que nous pouvions aller où nous voulions, mais pas à cet endroit, rapporte le prêtre. Nous avons obtempéré et nous avons revendu le terrain. » Ce n’est qu’en 2003 qu’un terrain fut finalement trouvé à Croos Watta et qu’une chapelle, dédiée à Notre Dame de la Rose mystique, fut édifiée. Située à 200 m de la pagode du vénérable Udamvita Asraji, l’édifice catholique n’a alors pas provoqué de réaction négative ou hostile de la part de la communauté bouddhiste de Croos Watta.

Entrepris en février dernier, un projet de rénovation et d’agrandissement de la chapelle a toutefois mis le feu aux poudres, poursuit le P. Fernando. Les travaux étaient bien avancés, les murs achevés et il ne restait plus que le toit à poser lorsque, le 28 septembre, le vénérable Udamvita Asraji, accompagné de plusieurs bonzes, est venu sur le chantier et a exigé l’arrêt des travaux. Le moine a affirmé que, la population locale étant majoritairement bouddhiste, elle ne voulait pas d’une église catholique près de chez elle (1). Il a ajouté qu’au cas où le P. Fernando n’obtempérait pas, « il y aurait des morts ». Le 3 octobre, un magistrat local a ordonné l’arrêt des travaux, tout en autorisant le prêtre à continuer de dire la messe, et à la communauté d’organiser les classes de catéchisme dominicales. Mais, trois jours plus tard, la police s’est présentée à l’entrée du lieu de culte catholique, demandant au prêtre en train de célébrer l’Eucharistie, de cesser la célébration, puis elle a ordonné la fermeture du lieu.

Pour le P. Fernando, « c’est toujours le même moine et ses confrères qui suscitent des problèmes. Ils ne font qu’accroître l’animosité entre les fidèles ». Selon le P. Susith Silva, vicaire épiscopal pour la région nord de l’archidiocèse de Colombo, il est légitime que les catholiques de Croos Watta disposent d’un lieu de culte. Majoritairement composée de paysans pauvres sans moyen de locomotion pour se rendre à l’église, la communauté locale voit ses droits à vivre en paix et dans la liberté religieuse menacés. « L’Eglise n’accepte pas ces méthodes et une telle corruption », a déploré le P. Silva (2).

En visite, au début du mois d’octobre, au Sri Lanka, Louise Arbour, Haut Commissaire aux droits de l’homme pour les Nations Unies, a été informée de l’affaire, souligne-t-on à l’archidiocèse (3).