Eglises d'Asie – Sri Lanka
L’évêque catholique de Jaffna a rencontré la Haut Commissaire aux Droits de l’homme de l’ONU pour l’informer des conditions de vie alarmantes créées par la guerre civile
Publié le 18/03/2010
Selon Human Rights Watch, entre janvier 2006 et juin 2007, 11 000 cas d’enlèvements ou de disparitions ont été recensés au Sri Lanka. L’évêque tamoul a confirmé à la commissaire que « la peur, les vols, les enlèvements, le racket, les meurtres et les disparitions » sont le lot quotidien des habitants de Jaffna. Personne ne se risque à interroger les militaires ou à leur demander des comptes, a-t-il souligné. Quant aux conditions de vie, le couvre-feu nocturne, en place depuis un an et les restrictions imposées aux pêcheurs (1), sont devenues très dures : pas de travail ni de développement possible, un chômage massif et des pénuries alimentaires devenues chroniques. L’évêque a rappelé qu’un prêtre, le P. Nicholapillai Packiaranjith, avait, en sautant sur une mine dans la région nord, payé de sa vie alors qu’il allait porter secours aux populations victimes du conflit en accompagnant un convoi d’aide humanitaire (2).
Lors de la visite de Louise Arbour à l’évêché de Jaffna, l’armée avait bouclé l’édifice, empêchant des centaines de parents de personnes tuées ou disparues d’approcher l’émissaire de l’ONU pour lui faire part de leurs malheurs. Ce n’est que sur l’intervention de l’évêque que les officiers responsables de la sécurité de la Haut Commissaire ont accepté de laisser entrer une poignée de ces personnes afin qu’elles puissent lui parler directement.
Louise Arbour s’est dite alarmée par la faiblesse de l’Etat de droit, la prévalence de l’impunité et a regretté l’absence d’enquêtes solides et de poursuites judiciaires. Elle a aussi déclaré que la Commission nationale pour les Droits de l’homme gagnerait la confiance de la population si elle menait des audiences ouvertes au public et publiait des rapports dans des délais raisonnables. Enfin, elle a regretté ne pas avoir eu le temps de visiter la région est du pays. De retour à Colombo, le 13 octobre, elle a déclaré qu’elle aurait souhaité « exprimer directement aux LTTE [ses] profondes inquiétudes au sujet des violations des droits de l’homme et des règles humanitaires (dont se rendent coupables les Tigres tamouls), y compris le recrutement d’enfants-soldats, la conscription forcée, l’enlèvement d’adultes et les assassinats politiques ». Elle a appelé de ses vœux l’envoi au Sri Lanka d’observateurs de l’ONU – ce à quoi le ministre des Droits de l’homme et de la Gestion des catastrophes, Mahinda Samarasinghe, a répondu : « Nous ne souhaitons en aucune façon discuter d’une éventuelle présence de l’ONU à des fins d’observation dans le pays. »
Des manifestations pour la paix sont organisées régulièrement, dans ce pays où le conflit a fait plus de 67 000 morts, depuis près d’un quart de siècle. Le 7 octobre, sous une pluie battante, 12 000 catholiques ont parcouru les rues de Colombo sur une distance de 4 km, à l’occasion de la fête de Notre Dame du Rosaire ; Tamouls et Cinghalais côte à côte, jeunes et moins jeunes ont récité le rosaire et écoutant l’archevêque de Colombo, Mgr Oswald Gomis, s’interroger : « Combien de temps ce carnage va-t-il encore durer ? Nous voulons que cette guerre civile cesse. » Le 21 septembre, 5 000 personnes, hindous, chrétiens et musulmans, s’étaient rassemblées dans un parc de Colombo, pour lancer un mouvement pacifique inspiré des préceptes du Mahatma Gandhi.