Eglises d'Asie

Selon plusieurs observateurs, la portée de la récente visite en Chine populaire de l’archevêque de Hô Chi Minh-Ville fait débat

Publié le 18/03/2010




La visite que l’archevêque de Hô Chi Minh-Ville, le cardinal Jean-Baptiste Pham Minh Mân (1), a effectuée en Chine populaire, du 24 au 28 septembre dernier, suscite de la part des observateurs de l’actualité catholique en Chine des commentaires variés.

Le cardinal Mân, accompagné de deux évêques vietnamiens et de quelques prêtres, a rencontré, au cours de sa visite, l’évêque nouvellement ordonné du diocèse de Pékin, Mgr Joseph Li Shan (2), ainsi que l’évêque « officiel » de Shanghai, Mgr Aloysius Jin Luxian, et plusieurs personnalités des instances approuvées par le régime, que ce soit l’Association patriotique des catholiques chinois ou la Conférence des évêques « officiels » de l’Eglise de Chine.

Pour Kwun Ping-hung, observateur de longue date de l’Eglise catholique en Chine depuis Hongkong, le caractère très officiel de la visite du cardinal vietnamien et ses rencontres avec les dirigeants de l’Association patriotique « peuvent être mal compris des catholiques chinois ». Selon lui, tous les catholiques en Chine ont à l’esprit la lettre que Benoît XVI leur a adressée le 30 juin dernier, où il est clairement écrit que « les agences étatiques », selon les termes choisis par le pape, qui se placent au-dessus des évêques pour diriger la vie de l’Eglise « ne correspondent pas à la doctrine catholique ». De même, la Conférence des évêques « officiels » « ne peut pas être reconnue en tant que conférence épiscopale par le Saint-Siège », a encore indiqué l’observateur non catholique.

Selon un prêtre « clandestin » de l’est du pays interrogé par l’agence Ucanews, la visite du cardinal Mân est intervenue trop tôt après la publication de la lettre du pape et l’ordination du nouvel évêque de Pékin. Les catholiques comprennent l’objet invoqué par le cardinal vietnamien pour expliquer les raisons de son voyage en Chine : « partager la foi catholique telle qu’elle est vécue au Vietnam, avec l’Eglise de Chine, que ses membres appartiennent aux communautés ‘officielle’ ou ‘clandestine’ ». Mais ces mêmes catholiques chinois s’interrogent si le cardinal a vraiment pu entrer en contact avec des « clandestins ». Selon ce prêtre, il semble que Mgr Mân n’a pu parler « qu’à des catholiques « officiels », voire seulement des membres de l’Association patriotique ».

De Hongkong, un prêtre vietnamien d’origine chinoise, le P. Pierre Lam Minh, des Missions Etrangères de Paris, précise que le cardinal Mân a été invité en Chine pour faire part à ses hôtes de la manière dont les nominations épiscopales se passent au Vietnam. Un modus operandi s’est progressivement mis en place : le Saint-Siège choisit les candidats à l’épiscopat et, si le gouvernement vietnamien accepte ce choix, les deux parties annoncent la nomination dudit candidat. Il est difficile de dire si un schéma semblable pourrait fonctionner en Chine, pays plus vaste que le Vietnam où l’Eglise est divisée, contrairement au Vietnam, explique le missionnaire.

Quant à l’ordination du nouvel évêque de Pékin, ces mêmes observateurs indiquent qu’aucune conclu-sion ne doit être tirée du fait que le P. Li Shan a été ordonné avec l’approbation du Saint-Siège et du gouvernement chinois. Un compromis a été trouvé pour ce diocèse sensible car situé sur les lieux du pouvoir politique chinois, explique Kwun Ping-hung, mais cela ne signifie pas que ce compromis puisse être généralisé à la Chine toute entière. Anthony Lam Sui-ki, du Centre d’études du Saint-Esprit, attaché au diocèse de Hongkong, rappelle qu’en 2005, trois ordinations épiscopales ont eu lieu avec l’accord du Saint-Siège – à Shanghai, Xi’an et Wanzhou – et que l’année suivante, en 2006, trois autres ont été menées sans son accord – à Kunming, pour l’Anhui et à Xuzhou. Que Mgr Li Shan ait été ordonné avec l’accord du pape, c’est certainement un événement significatif, précise Anthony Lam, mais on ne peut en conclure que cette ordination crée un précédent.

Par ailleurs, quelque trois semaines après la visite du cardinal Mân à Pékin et Shanghai, un autre cardinal de l’Eglise catholique s’est rendu en Chine populaire. Du 19 au 30 octobre, le cardinal Keith O’Brien, archevêque de Saint Andrews et Edimbourg, en Ecosse, s’est rendu en Chine, plus particulièrement à Xi’an, Pékin, Shanghai et Hongkong, après un court séjour au Vietnam. Le cardinal écossais a fait savoir qu’il ne s’adresserait aux médias qu’après son retour au Royaume-Uni.