Eglises d'Asie

L’Eglise catholique appelle à une levée de l’état d’urgence et à un retour des principes démocra-tiques

Publié le 18/03/2010




Quelques jours après l’imposition par le président pakistanais de l’état d’urgence et de la suspension de la Constitution, le 3 novembre dernier, les responsables de l’Eglise catholique ont condamné « la suspension des droits fondamentaux, l’éviction de juges de la Cour suprême, l’arrestation ou l’assignation à résidence d’avocats, de personnalités politiques et de militants des droits de l’homme, l’usage de la force contre des manifestants pacifiques, ainsi que le contrôle de la presse et des médias ». Les évêques catholiques ont appelé le président, également chef des armées, à mettre un terme aux mesures d’exception et à relâcher les personnes récemment arrêtées ou assignées à résidence.

Dans une déclaration du 6 novembre dernier, les membres de la Commission nationale ‘Justice et Paix’ de la Conférence épiscopale du Pakistan (NCJP, Catholic Bishops’ National Commission for Justice and Peace) ont qualifié l’imposition de l’état d’urgence de « malheureuse et de faux-pas », déclarant que « les défis auxquels le pays se trouve aujourd’hui confronté ne peuvent être gérés par l’imposition de l’état d’urgence. Ce sont le respect de la loi, l’indépendance de la justice et la restauration des droits fondamentaux qui mèneront le Pakistan sur le chemin de la démocratie ».

Depuis 1999, date du renversement du Premier ministre élu, Nawaz Sharif, par le général Pervez Musharraf, les principes démocratiques ont été mis à mal. Réélu sans surprise à sa propre succession, le 6 octobre dernier, au suffrage indirect et les élus du collège électoral, membres de l’opposition, ayant démissionné de toutes les assemblées pour protester contre un scrutin qu’ils estimaient illégal (1), le président est devenu de plus en plus impopulaire.

L’opposition, composée d’une part de ceux qui veulent le retour à la démocratie et, d’autre part, de ceux qui exigent la reconnaissance des mouvements islamistes radicaux, a alors multiplié les manifestations dans le pays. Afin de calmer les opposants, Musharraf a entamé, avec l’ancien Premier ministre, Benazir Bhutto – revenue d’exil le 18 octobre 2007, malgré des menaces de mort – de laborieuses négociations en vue d’un éventuel partage du pouvoir. Mais en instaurant l’état d’urgence afin d’amenuiser les marches de manœuvre de l’opposition, Musharraf a mis fin à tout espoir d’accord.Les raisons officielles invoquées par le général – la montée de la violence terroriste et les interférences des juges dans la politique du gouvernement – résistent mal à l’analyse et n’ont pas convaincu l’opi-nion publique. D’après des sources locales, certains proches du général laissaient dernièrement enten-dre que celui-ci était de plus en plus inquiet de la décision des juges quant à la constitutionalité de sa réélection d’octobre dernier, mais qu’il ne les laisserait en aucun cas invalider sa réélection.

Dans un communiqué du 8 novembre dernier, la NCJP a déclaré que les raisons invoquées pour l’instauration de l’état d’urgence, telles les attaques terroristes ou l’extrémisme, étaient des domaines dans lesquels le gouvernement s’était peu investi jusqu’à présent, alors que, paradoxalement, « le gouvernement s’emploie à faire taire la voix de la société civile », en multipliant les arrestations. Un membre de la Commission nationale ‘Justice et Paix’, Irfan Barkat, figure ainsi parmi les milliers de personnes arrêtées ; il a été interpellé à Lahore, le 5 novembre dernier, en même temps qu’un membre de la Commission des droits de l’homme du Pakistan, instance indépendante des pouvoirs publics.

Face à la censure imposée aux médias et à la multiplication des arrestations, le quotidien de Karachi The News (2) s’est interrogé sur les motivations de cet état d’urgence qui laisse libres les fauteurs de troubles, à savoir les islamistes, et emprisonne les avocats et les défenseurs des droits de l’homme.

Selon des médias locaux, le 9 novembre dernier, à Karachi, la Muttahida Majlis-e-Amal, une coalition de six partis politiques musulmans fondamentalistes, a organisé des manifestations contre l’instauration de l’état d’urgence, appelant la population à hisser des drapeaux noirs sur le toit de leur habitation et à ne plus payer leurs factures aux services publics. Deux jours plus tard, le président annonçait que les prochaines élections législatives se dérouleraient « avant le 9 janvier » et sous état d’urgence, « nécessaire à la tenue d’un scrutin absolument libre et honnête ». Le 14 novembre, il affirmait qu’il ne quitterait pas ses fonctions de chef de l’armée avant que la Cour suprême ne se prononce sur sa récente élection, sans doute avant la fin novembre. Dans un premier temps, il avait pourtant annoncé qu’il abandonnerait l’uniforme dès le 15 novembre, jour où prend fin à la fois son mandat présidentiel et la législature du Parlement.