Eglises d'Asie

Supplément EDA 1/2008 : Evangélisation et promotion de la Bible en Chine contemporaine

Publié le 09/09/2010




Homme de médias, le très actif Zhang Shijiang, prêtre du diocèse de Xingtai, retrace l’histoire des traductions et de la diffusion de la Bible par les catholiques et les protestants. Il ne cesse de se laisser interpeler par le succès des protestants en matière d’évangélisation, un succès qui, selon lui, repose pour une bonne part sur la connaissance et l’appétit de ces derniers pour la Bible.

Dans la Chine contemporaine, l’Eglise catholique a traduit la Bible en chinois beaucoup plus tard que ne l’ont fait les Eglises protestantes. Quelques lettrés catholiques chinois ont entrepris cette traduction dans les premières années du XXe siècle. En 1907, Li Wenyu a publié Xinjing Shiyi (‘Annotations du Nouveau Testament’) à Shanghai. Xiao Jingshan (Joseph Hsiao) a traduit Xinjing Quanji (‘Œuvres complètes du Nouveau Testament’) et l’a publié à Xianxian en 1922. Une nouvelle édition de ce livre a été publiée à Taiwan dans les années 1950 et il a donné un grand élan à l’évangélisation et au ministère pastoral à Taiwan. En 1949, les Presses commerciales de Shanghai ont publié Jiushi Fuyin (‘L’Evangile du Salut’) que Ma Xiangbo avait traduit en 1937. Xinjing Quanji (‘Les œuvres complètes du Nouveau Testament’), traduit par Wu Jingxiong (John C. H. Wu) et annoté par Luo Guang, ont été publié, pour leur part, en 1948.

 

Il existe toujours des coïncidences et des recoupements dans l’histoire. Jean de Montcorvin, le premier franciscain à avoir essayé de traduire les textes sacrés, est mort en 1328. En 1907, soit 519 ans plus tard, Gabriel Allegra naissait. Comme Jean de Montcorvin, il faisait partie de l’Ordre des Frères Mineurs (OFM). Influencé par son prédécesseur, Gabriel Allegra « décida d’aller en Chine traduire la Bible ». Et ce fut lui qui termina l’œuvre laissée inachevée de Jean de Montcorvin.

A Noël 1968, la traduction de la Bible par le Studium Biblicum (1) fut enfin publiée à Hongkong. Ce fut une date mémorable dans l’histoire de l’Eglise catholique en Chine. Cette traduction de la Bible était le fruit de 20 ans d’un travail consciencieux réalisé par le P. Allegra et son équipe d’exégètes du Studium Biblicum franciscain de Hongkong. Ils traduisirent la Bible livre après livre à partir des textes originaux et compilèrent les traductions en un volume, qui fut publié. C’est le texte qui fait aujourd’hui autorité pour la Bible en chinois.

Le premier principe que suivit le Studium Biblicum a été que la Bible devait être traduite directement du texte original. A l’occasion, des traductions antérieures furent consultées. Les traducteurs se sont également référés à des traductions dans d’autres langues pour voir quelles expressions étaient utilisées pour transcrire les mots de la Bible en langage courant. Ils ont conservé les chapitres et les versets des textes originaux et fait tout leur possible pour en garder le ton et le style. Parmi les trois critères de traduction, la « fidélité » au texte original était le plus important, « l’aisance » venait ensuite, suivi par « l’élégance de l’expression ». Tous les noms de personnes et de lieux ont été transcrits de la langue d’origine. Les traducteurs ont utilisé les termes employés de façon habituelle par l’Eglise, pour conserver l’uniformité de son vocabulaire. En ce qui concerne la langue elle-même, les critères étaient que « la partie se rapportant à la loi devait être concise et sérieuse, celle concernant l’histoire devait être vivante, les proverbes, acérés et pénétrants, les psaumes, passionnés et doux, les recommandations, sérieuses, les louanges, solennelles et passionnées, les enseignements, patients et donnés avec confiance et sûreté ».

La publication de l’édition de la Bible du Studium Biblicum fut effectivement une date mémorable pour l’Eglise catholique en Chine. Le P. Mark Fang, SJ, l’a souligné : « La contribution de l’édition du Studium Biblicum de la Bible est énorme. Tous les livres liturgiques l’ont utilisée comme base ; les cours bibliques donnés dans les séminaires ou dans les centres d’éducation s’en servaient comme point de départ de l’exégèse. »

La traduction et la publication de la Bible dans la Chine d’aujourd’hui

Le 28 janvier 1979, Deng Xiaoping, alors Vice-Premier ministre du Conseil d’Etat de la République populaire de Chine, rendit visite au président Jimmy Carter, à son invitation. Lors de cette visite, Deng Xiaoping et le président Carter tinrent plusieurs réunions. Quand ils abordèrent le problème de la religion, Deng Xiaoping, l’artisan des réformes et de l’ouverture de la Chine, affirma que l’Eglise de Chine pourrait avoir des Bibles.

En 1980, l’Eglise catholique, ainsi que l’Eglise protestante, unifiée en une seule structure par la volonté des autorités politiques chinoises, décidèrent séparément de tenir en Chine leur Congrès national. Elles promulguèrent respectivement une « Lettre au clergé et aux laïcs de la nation » et une « Lettre à leurs frères et sœurs de la nation dans le Christ ». Ces deux lettres annonçaient que la réimpression de la Bible devenait la nouvelle mission de l’Eglise de Chine.

I.) Traduction et publication de la Bible dans l’Eglise catholique d’aujourd’hui

En 1981, l’Eglise catholique a réimprimé Xinjing Quanji (‘Les œuvres complètes du Nouveau Testament’). En 1983, Mgr Jin Luxian, à Shanghai, a commencé à traduire le Nouveau Testament de la Nouvelle Bible de Jérusalem et, un par un, les livres du Nouveau Testament ont été publiés. En 1980, l’Ancien Testament de la Bible du Studium Biblicum a été publié et distribué à Pékin. Finalement, en 1982, la Bible complète du Studium Biblicum fut reproduite, imprimée et distribuée dans tout le pays.

1.) Xinjing Quanji, combler les manques dans les années 1980 et relier le passé à l’avenir ?

En novembre 1980, « les deux Associations et la Conférence » décidèrent de réimprimer le Xinjing Quanji (‘les œuvres complètes du Nouveau Testament’), qui avait été publié à l’origine à Xianxian. Cette traduction était écrite dans le dialecte du nord de la Chine et avait été faite par le P. Xiao Jingshan. Elle était très populaire, tant parmi le clergé que parmi les laïcs. Le 15 août 1981, le Comité chinois des Affaires de l’Eglise catholique réimprima 40 000 exemplaires du Xinjing Quanji. Il fut réédité trois fois de suite, portant le nombre des exemplaires à 280 000. La préface de la réimpression l’indique clairement : « Pour répondre aux besoins du clergé et des laïcs de la nation d’entendre les enseignements du Christ, nous publions cette nouvelle édition (la 5ème) du Xinjing Quanji, qui a été publiée à l’origine par le diocèse de Xianxian. »

La publication du Xinjing Quanji combla effectivement le besoin d’un vaste nombre de laïcs et de membres du clergé qui avaient survécu à dix années de tourmentes. Elle facilitait également l’enseignement dans les séminaires qui ouvrirent par la suite les uns après les autres. La plupart des jeunes étudiants qui grandirent dans les années 1980 lurent le Xinjing Quanji.

2.) Un autre Xinjing Quanji : la traduction à Shanghai du Nouveau Testament à partir de la Nouvelle Bible de Jérusalem

En 1983, à Shanghai, Mgr Jin Luxian a commencé à traduire le Nouveau Testament de la Nouvelle Bible de Jérusalem. Lu Shuxin des Quangqi Press de Shanghai aida l’évêque dans quelques traductions et relectures. En 1986, après trois ans de dur travail, le diocèse de Shanghai publia les quatre Evangiles du Nouveau Testament. Puis les Actes des Apôtres, les Lettres de saint Paul, les Epîtres et l’Apocalypse, etc. ont été publiés l’un après l’autre dans des volumes séparés. En 1994, les Quangqi Press publiaient un exemplaire relié et commenté du Xinjing Quanji.

La Nouvelle Bible de Jérusalem est une traduction de la Bible publiée par l’Institut biblique de Jérusalem. Ces dernières années, l’Institut a fait de nombreuses recherches scientifiques sur le texte original de la Bible, y compris sur ses langues – l’hébreu, l’araméen et le grec –, recherches qui amenèrent à faire des corrections. On admet généralement que c’est une des meilleures traductions modernes de la Bible. Pour être sûr de l’exactitude de la traduction du Nouveau Testament, Mgr Jin Luxian s’est consacré, une fois de plus, à partir de 1995, à réviser entièrement la traduction originale. D’abord, en se fondant sur la Nouvelle Bible de Jérusalem, dans ses éditions en grec et en hébreu, il a revu sa traduction antérieure du Nouveau Testament. Puis, pour réviser le Xinjing Quanji annoté, il a consulté les Sacra Pagina Series, qui sont des commentaires sur le Nouveau Testament publiés par les Liturgical Press des Etats-Unis. Après plusieurs relectures et corrections du texte, la traduction chinoise de la Nouvelle Bible de Jérusalem a été encore améliorée. Cela représentait un grand progrès dans la fidélité de la traduction, son aisance et son élégance. En 2004, était publié le Xinjing Quanji, retraduit et ré-annoté. Ainsi, de 1986 à 2004, le diocèse de Shanghai a pu imprimer 598 000 exemplaires du Nouveau Testament.

Traduire la Bible est un travail difficile. Si des spécialistes, des exégètes et des experts de la Bible se réunissaient pour former une équipe de traduction en chinois de l’Ancien Testament de la Nouvelle Bible de Jérusalem et pour réviser le Xinjing Quanji, la nouvelle édition serait une merveilleuse contribution à l’œuvre pastorale et évangélique de l’Eglise en Chine.

3.) La publication et la distribution de l’édition du Studium Biblicum de la Bible en Chine continentale

Après la publication et la distribution de l’édition de Xianxian du Xinjing Quanji à Pékin en 1981, le 14 avril 1990, le Comité chinois des Affaires de l’Eglise catholique a fait imprimer 50 000 exemplaires de l’Ancien Testament traduit par le Studium Biblicum. Bien que le Nouveau et l’Ancien Testament soient deux traductions d’origine différente, l’Eglise de Chine a maintenant une Bible complète, en combinant provisoirement les éditions séparées de l’Ancien et du Nouveau Testament. Cela a résolu le besoin pressant d’un texte pour la formation des séminaristes et des novices, pour l’enseignement dans les séminaires et pour l’œuvre pastorale et évangélique des Eglises locales.

Mgr Zong Huaide, qui était alors président de la Conférence des évêques « officiels » de Chine, a offert solennellement la première édition en Chine de la Bible du Studium Biblicum à Notre-Dame de Chine dans l’Eglise du grand séminaire national, le 15 août 1993, jour de la fête de l’Assomption. Mgr Zong, le clergé et les laïcs qui avaient aidé à la publication de cette Bible étaient remplis de joie et de gratitude ; ils en avaient les larmes aux yeux. Cette Bible faisait partie du premier lot de 50 000 exemplaires de la Bible du Studium Biblicum (Ancien et Nouveau Testament) réimprimé par le Comité chinois des Affaires de l’Eglise catholique aux presses Xinhua de Pékin en 1992. Elle était imprimée avec les caractères chinois classiques en présentation verticale. Cinquante mille exemplaires furent imprimés de nouveau en 1994 et 1996, portant ainsi le total des exemplaires à 150 000.

Depuis 1998, l’Alliance biblique universelle et l’Eglise catholique de Chine se sont rapprochées pour financer la publication de la Bible pour l’Eglise catholique en fournissant gratuitement, chaque année, une moyenne de 100 000 exemplaires. A la fin de 2006, les Presses de l’Amitié à Nankin (Nanjing Amity Printing Company Ltd.) avait imprimé 590 000 exemplaires de la Bible du Studium Biblicum.

Ces dernières années, la Comité chinois pour les Affaires de l’Eglise catholique a imprimé différentes éditions de la Bible du Studium Biblicum dans des formats différents, un format de poche du Nouveau Testament (100 000 exemplaires) et le même nombre d’exemplaires pour un format plus grand. Au total, plus de 1,7 million d’exemplaires de différentes tailles et éditions ont été imprimés.

La Bible du Studium Biblicum a d’abord été publiée à Hongkong. Elle a donc été imprimée dans les caractères chinois classiques en présentation verticale, ce qui est un inconvénient pour la plupart des personnes vivant en Chine continentale. Cet obstacle à la lecture de la Bible est préjudiciable à l’étude biblique des jeunes et au travail pastoral des Eglises locales. Pour y remédier, le Studium Biblicum de Hongkong prépare une version utilisant des caractères chinois simplifiés en présentation horizontale.

4.) La traduction chinoise de la Bible pastorale catholique

La traduction chinoise de la Bible pastorale catholique (aussi connue sous le nom de Bible des Peuples) a été publiée à Hongkong en 1998. En 2000, le Comité chinois des Affaires de l’Eglise catholique a publié la Bible pastorale catholique en présentation horizontale et avec des caractères simplifiés. A ce jour, la Chine continentale en a imprimé 450 000 exemplaires, dont 50 000 exemplaires en format de poche.

La traduction chinoise de la Bible pastorale catholique est facile à lire du fait de sa présentation horizontale et de ses caractères chinois simplifiés. En Chine continentale, parmi certains cercles, cette édition est très populaire. Mais à la lecture ou à l’étude, notamment dans des groupes de prière et d’études bibliques, des erreurs de traduction apparaissent par rapport au texte de la Bible du Studium Biblicum. Ce problème a sérieusement tourmenté ces dernières années le clergé chinois et les laïcs.

Dans les années 1990, le P. Bernard Hurault, co-initiateur de la Bible pastorale catholique, a contacté le P. Mark Fang, de Taiwan, et M. Stanislaus Lee, de Hongkong, pour discuter avec chacun d’eux de la traduction en chinois de la Bible pastorale catholique. Ces deux spécialistes catholiques de la Bible ont insisté « sur le fait que cette traduction devait être faite par des exégètes qualifiés à partir des langues originales (hébreu et grec) ». Mais leur avis ne fut pas retenu. Le P. Hurault voulait absolument que la Bible pastorale catholique soit rapidement traduite en chinois à partir des traductions existantes (anglais, français ou espagnol). Il a réuni un groupe de personnes qui allèrent se former aux Philippines et qui traduisirent la Bible en même temps qu’ils se formèrent. C’est de cette façon que fut traduite l’édition chinoise de la Bible pastorale catholique.

M. Stanislaus Lee et le P. Mark Fang ont fait une analyse correcte de la Bible pastorale catholique dans leurs écrits respectifs : « Notes sur la Bible pastorale catholique » et « le Développement de la Bible en chinois dans la perspective de la Constitution dogmatique sur la Révélation divine du concile Vatican II ». M. Lee a confirmé qu’une des caractéristiques de cette Bible était qu’elle « contenait de nombreuses annotations pour un usage pastoral dans de nombreuses cultures nationales et pour l’utilisation de la Bible dans la vie quotidienne ». Il a toutefois souligné qu’il existait quelques problèmes avec la traduction chinoise. Tout d’abord, cette traduction n’était pas une « traduction à partir des versions complètes de la Bible en hébreu et en grec », comme nous l’avons déjà indiqué dans l’introduction. Ensuite, les fautes les plus voyantes de la traduction chinoise « montrent clairement que les traducteurs n’ont pas effectué leurs traductions à partir des langues originelles de la Bible, pas plus qu’ils n’ont une connaissance suffisante de ce livre ». Comme cette Bible en chinois a été traduite à partir de traductions anglaise, française ou espagnole, le P. Lionel Goh, du Studium Biblicum, qui devait donner le nihil obstat à la Bible pastorale catholique en chinois, a dû faire une déclaration officielle dans un journal en 1999 pour dire qu’il ne donnait le nihil obstat qu’à titre personnel et que « cette traduction en chinois avait été faite à partir d’un original en anglais ».

M. Stanislaus Lee concéda que « la Bible pastorale catholique était différente de la Bible du Studium Biblicum dans ses intentions, dans son objectif, son style et sa langue, etc. De la façon dont la traduction avait été faite et compte tenu de son niveau de professionnalisme, elle ne pouvait convenir à un usage académique ou à des recherches approfondies. En cas de problème avec le texte, il était recommandé de se référer au texte original de la Bible et, dans la plupart des cas, la Bible du Studium Biblicum s’avérait être la référence ». En même temps, le P. Fang reconnaissait que si l’on disait que la Bible pastorale catholique avait de nombreux problèmes de traduction et de nombreux défauts, il était toutefois difficile d’y trouver des erreurs relevant de la foi ou de la morale.

Après que la Bible pastorale catholique a été publiée en Chine continentale, ses traducteurs ne ménagèrent pas leurs efforts pour qu’elle soit lue partout. Ils se rendirent dans les paroisses pour créer des groupes de partage de la Bible. Leur enthousiasme a été tout à fait admirable. Il y a maintenant un grand élan dans toutes les paroisses pour donner de l’importance à la Bible et pour faire de sa lecture le point de départ de l’évangélisation. Toutes les traductions du Nouveau Testament, de l’Ancien Testament et de la Bible entière à travers l’histoire de l’Eglise catholique en Chine ont contribué à l’œuvre pastorale et évangélique de toutes les paroisses en Chine. Nous espérons que la Bible pastorale catholique sera revue et améliorée par des spécialistes de la Bible de telle façon qu’elle puisse mieux servir le clergé, les laïcs et les personnes responsables d’un ministère pastoral et évangélique.

II.) La traduction et la publication de la Bible par l’Eglise protestante en Chine

Depuis les réformes et l’ouverture de la Chine, l’Eglise protestante en Chine a attaché une grande importance à la publication de la Bible. Cela a commencé très tôt, avec un grand enthousiasme et l’investissement de beaucoup de ressources. Par conséquent, une grande quantité de Bibles a déjà été imprimée. Dans le passé, les Bibles étaient imprimées à Shanghai, à Fujian et à Jiangsu. Aujourd’hui, la société Nanjing Amity Printing Company Ltd. est pratiquement la seule entreprise responsable de ce travail.

1.) De l’accent mis sur la publication de la Bible à la création d’une organisation spécifique du ministère de la Bible

Après la création de la République populaire de Chine, la China Bible House (créée en 1937) avait déjà imprimé, en 1955, 100 000 exemplaires d’une Bible de poche. Mais, durant la tourmente de la Révolution culturelle (1966-1976), la plupart des Bibles furent détruites. Après dix années catastrophiques, la fourniture de bibles à l’Eglise de Chine devenait une chose urgente. Lors d’une réunion, le 25 février 1980, le Mouvement patriotique des trois autonomies des Eglises protestantes en Chine décida de « réimprimer la Bible, d’imprimer des livrets de chants et des livres spirituels ». En octobre de la même année, la troisième Conférence nationale des Eglises protestantes en Chine renouvela l’urgence de cette réimpression. La première tâche du « Conseil chrétien de Chine », nouvellement créé, fut « d’aider dans leurs ministères les laïcs et les Eglises dans tout le pays et en particulier de leur fournir des bibles, des livrets de chants et de la littérature chrétienne ». Non seulement l’Eglise protestante insistait sur la Bible dans sa Conférence nationale, mais elle réagit très vite et mobilisa efficacement les Eglises locales – municipales et provinciales – pour aider à l’impression de la Bible. Elle mit également en place des Comités bibliques ad hoc et créa des points de distribution dans les églises. Tout ceci contribua à promouvoir et à réaliser un important travail d’impression et de distribution de la Bible.

En novembre 1989, en réponse aux besoins du ministère de la Bible, le Conseil chrétien de Chine décida de fonder un « Comité biblique ». Son rôle était de « faire des recommandations au département de publication des deux conseils dans leur plan annuel d’impression et de publication de la Bible, de mettre en chantier la traduction ou la révision de la Bible en chinois moderne et de conduire des échanges internationaux sur la publication de la Bible ». De plus, à partir de 1990, près de 70 points de distribution de la Bible ont été progressivement mis en place dans le pays, formant un réseau national. Par ces points de distribution, la Bible pouvait être rapidement distribuée aux chrétiens dans les villes, les bourgs et les villages.

2.) Les actions entreprises : des caractères classiques aux caractères simplifiés

Pour gagner du temps dans la typographie et éviter les fautes, les deux conseils de l’Eglise protestante en Chine réimprimèrent d’abord 50 000 exemplaires du Nouveau Testament (version Shen) tel qu’il existait en octobre 1980. Deux mois plus tard, 85 000 exemplaires de la Bible complète ont été imprimés à Shanghai. En 1982, sous la coordination nationale des deux conseils, les deux conseils de la province de Fujian ont imprimé 50 000 exemplaires du Nouveau Testament (version Shen) et des Psaumes. En 1983, les deux conseils de la province de Jiangsu ont, quant à eux, imprimé 450 000 exemplaires de la Bible en version verticale (version Shangdi).

Comme les jeunes Chinois du continent n’avaient pas l’habitude de lire la Bible avec les caractères classiques en présentation verticale, les deux conseils chrétiens nationaux ont décidé, en 1984, de créer un comité spécial qui remplacerait les caractères classiques par des caractères simplifiés. Ce comité était dirigé par le pasteur Shen Cheng’en et se composait de 21 membres de l’Eglise et 20 laïcs. A l’époque, on ne disposait pas encore d’ordinateur et il a fallu recopier les caractères classiques en présentation verticale pour pouvoir les transcrire en caractères simplifiés, écrits horizontalement. En même temps, la vieille ponctuation a été corrigée, ainsi que quelques fautes. En juillet 1986, le premier volume du Nouveau Testament et des Psaumes a été publié dans cette nouvelle présentation. A Pâques 1989, toute la Bible a été publiée avec les nouveaux caractères simplifiés présentés horizontalement. Enfin au printemps 1993, la Bible complète a été publiée en caractères chinois simplifiés, avec une nouvelle ponctuation et un index pinyin.

Depuis 1980, l’Eglise protestante chrétienne a imprimé plus de 40 millions d’exemplaires de la Bible. La moyenne annuelle d’impression de la Bible est passée de 2,5 millions d’exemplaires à 3 millions.

3.) La Nanjing Amity Printing Company Ltd.

Pour faire face aux besoins de Bibles, la Fondation de l’Amitié et l’Alliance biblique universelle se sont rapprochées pour former les Nanjing Amity Printing Press, la société qui a précédé la Nanjing Amity Printing Company Ltd. d’aujourd’hui, et dont l’objet était d’imprimer des Bibles. Aujourd’hui, cette entreprise est la maison d’édition officiellement chargée d’imprimer la Bible pour l’Eglise en Chine et sa réputation d’entreprise fiable et compétente n’est plus à faire.

Selon le site Internet de la Nanjing Amity Printing Company Ltd., la société, à la fin de l’année 2006, avait imprimé 53,2 millions (53 219 332) d’exemplaires de différentes versions de la Bible. La Bible complète (Ancien et Nouveau Testament) représentait à elle seule 45,8 millions d’exemplaires, dont 38,6 millions avaient été imprimés pour l’Eglise protestante en Chine, 590 000 exemplaires pour l’Eglise catholique et 6,6 millions pour l’exportation et les Eglises à l’étranger. Les bibles pour l’exportation sont imprimées dans une grande variété de langues : depuis le chinois, l’anglais, le russe, l’espagnol, le français, le japonais, le portugais, le thaïlandais, le grec, le hollandais, le suédois, … jusqu’à vingt langues africaines. Ces bibles sont distribuées dans plus de 60 pays et, chaque année, Amity livre quelques millions d’exemplaires aux seules Eglises de Chine.

La Nanjing Amity Printing Company Ltd. s’est progressivement transformée en partenaire privilégié pour l’impression de Bibles chinoises et de Bibles en d’autres langues pour la Chine et le reste du monde. Depuis ses débuts, le bureau Asie-Pacifique de l’Alliance biblique universelle a joué un rôle conséquent, en améliorant grandement le professionnalisme et en modernisant le matériel d’impression, par l’importation de machines, le recrutement de professionnels de l’imprimerie, la formation du personnel et l’élaboration des plans des usines.

L’objet de l’Alliance biblique universelle est « de permettre à chacun d’acheter une Bible selon ses moyens et dans une langue accessible ». Au départ, l’Alliance biblique universelle a investi sept millions de dollars pour créer l’Amity Printing Company. Afin de réduire le coût de production des bibles, permettre aux catholiques en Chine d’acquérir une bible et garantir sa qualité, l’Alliance biblique universelle a importé en Chine, de 1987 à 1994, du papier bible, mis gracieusement à la disposition de l’Amity Printing Company. A partir de 1994, l’Alliance a acheté un papier de qualité identique produit en Chine et elle a continué à soutenir l’impression des bibles en fournissant le papier.

4.) Les Bibles en langues des minorités ethniques et les Bibles de différentes traductions chinoises

Ces dernières vingt années, les deux conciles des Eglises protestantes en Chine ont publié 27 nouvelles éditions de la Bible, dans des formats et avec des contenus différents, pour répondre aux divers besoins du clergé et des laïcs. Ces éditions comprennent des Bibles avec des annotations spéciales, des Bibles traduites en chinois moderne, des Bibles bilingues anglais-chinois, des Bibles imprimées en gros caractères, des Bibles pour les aveugles et des Bibles pour de nombreuses minorités ethniques. Sont également disponibles des Bibles dans des étuis en cuir de couleurs différents, des Bibles avec un double index anglais-chinois.

En imprimant des Bibles en chinois, les deux conseils des Eglises protestantes ont aussi réalisé que les minorités ethniques en avaient également besoin. Ils traduisirent et publièrent donc des Bibles dans les différentes langues de ces minorités, le miao, le heiyi, le baiyi, le va (wa), le dai (tao), le lahu, le jingpo, le lisu, le coréen, etc. Enfin, depuis 1996, des Bibles pour aveugle ont été imprimées (à 52 100 exemplaires, à ce jour). A l’heure actuelle, les deux conseils préparent la traduction d’une Bible en mongol.

Il existe des différences dans les Bibles en usage dans l’Eglise catholique et dans les Eglises protestantes. L’Eglise catholique utilise comme texte de référence la Bible en grec. Cette Bible compte 73 livres, 46 pour l’Ancien Testament et 27 pour le Nouveau Testament. La Bible de l’Eglise protestante n’a, quant à elle, que 66 livres, car elle ne reconnaît comme authentiques que les Ecrits en hébreu. Les sept livres qui n’ont que des originaux en grec ne sont pas reconnus, à savoir Baruch, Tobie, Judith, Maccabées 1 et 2, la Sagesse et l’Ecclésiaste. Par ailleurs, les Bibles de l’Eglise protestante comportent moins d’annotations que celles de l’Eglise catholique, où les notes sont nombreuses et détaillées. Ainsi, lorsque l’on compare la Bible du Studium Biblicum avec la version de la Sainte Bible de l’Union chinoise, on passe de simple au double : alors que la première compte 2 050 pages, la seconde n’en compte que 1 241. Il n’est donc pas difficile d’expliquer pourquoi la Bible protestante est moins chère que la Bible catholique.

Conclusion : la Bible, un moyen de mesure du travail évangélique

En 1949, les Eglises protestantes comptaient 700 000 fidèles et l’Eglise catholique 3,5 millions. En 2006, l’Eglise protestante chrétienne de Chine a imprimé 40 millions d’exemplaires de la Bible pour 16 millions de croyants, là où l’Eglise catholique en a imprimé 2,1 millions d’exemplaires pour 5 millions de fidèles. Le nombre des fidèles est ici celui indiqué dans les chiffres officiels du gouvernement ; ils sont plutôt minorés par rapport à la réalité et les chiffres réels sont très certainement bien supérieurs.

Le « Salon du ministère de la Bible de l’Eglise en Chine » s’est tenu en 2004 et 2006 à Hongkong et dans trois villes américaines (Los Angeles, Atlanta et New York). Ces salons ont attiré des centaines de milliers de visiteurs.

Tout ceci montre que l’Eglise protestante en Chine a fait un admirable travail de publication et de diffusion de la Bible. Elle jouit d’une relation privilégiée avec les Eglises protestantes à l’étranger. Les chrétiens protestants donnent généralement une grande importance à la Bible, qui joue un rôle capital dans l’œuvre pastorale et évangélique. Le fruit de leur travail missionnaire est évident. Il est inutile de dire que l’Eglise catholique doit réfléchir sérieusement au petit nombre de bibles qu’elle imprime et au nombre de convertis qu’elle recueille, comparés à ceux de l’Eglise protestante. En fait, la publication et la distribution de la Bible sont un thermomètre du travail évangélique, qui témoigne de l’énergie et de l’efficacité de l’évangélisation de chaque Eglise.

Pour terminer, j’aimerais vous faire partager l’échange que j’ai eu avec un catholique baptisé depuis peu. Ce frère dans le Christ me demandait : « Quand les catholiques auront-ils des bibles en caractères simplifiés ? Quand pourrons-nous avoir des bibles de formats différents, disponibles dans les magasins d’articles religieux ? Quand la Bible pénétrera-t-elle dans nos familles ? » Telles étaient ses pensées et ses réflexions après avoir rencontré des fidèles de deux Eglises protestante et catholique dans une même région. En effet, la plupart des protestants possèdent au moins une bible, qu’ils ont toujours sur eux. Or, seul un catholique sur cinq dispose d’une bible et rare sont ceux qui l’ont sur eux. En lisant quotidiennement des passages de la Bible, beaucoup de protestants ont déjà entièrement lu leur Bible entre trois et cinq fois et ils connaissent par cœur nombre de passages. Quand ils prêchent l’Evangile, ils citent donc couramment la Bible. Par contre, très peu de catholiques ont lu la Bible en entier, ne serait-ce qu’une seule fois. Et, logiquement, les catholiques, dans leur travail missionnaire, enseignent le dogme, les règles de l’Eglise, les sacrements, la liturgie mais ne citent que rarement la Bible.

A l’heure actuelle, l’Eglise catholique doit donc faire face de manière urgente aux défis suivants : comment donner plus d’importance à l’impression et à la distribution de bibles en Chine ? Comment coordonner au niveau national une participation active des Eglises locales à cette tâche ? Comment mettre dans les mains du clergé et des laïcs des bibles dans tout le pays ? Il est évident que la collaboration enthousiaste du clergé et des laïcs est de la plus grande importance.