Eglises d'Asie

Avec sa photo à la une du Quotidien du peuple, le chef de l’Association patriotique des catholiques chinois semble solidement en place

Publié le 18/03/2010




Anthony Liu Bainian, vice-président de l’Association patriotique des catholiques chinois, est depuis de longues années considéré comme la personnalité qui met en musique la politique du Parti communiste et du gouvernement chinois concernant l’Eglise catholique en Chine. Laïc, âgé d’un peu plus de 75 ans, il n’a jamais vu son autorité remise en question par la haute direction chinoise et la récente publication d’une photo de lui en une du Renmin Ribao (Quotidien du peuple), pour inhabituelle qu’elle soit, semble indiquer qu’il est solidement en place.

C’est le 2 janvier dernier que le Renmin Ribao a publié la photo en question. On y voit Hu Jintao, qui porte la double casquette de président de la République populaire et de secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC), serrant la main de Liu Bainian. La légende indique que Hu Jintao salue des personnalités issues de divers horizons. Quelques semaines plus tard, le 25 janvier, la même photo a été publiée en première page du bimensuel, L’Eglise catholique en Chine, conjointement publié par l’Association patriotique et la Conférence des évêques « officiels » de Chine. Cette fois-ci, la légende était nominative : « Le secrétaire général Hu Jintao salue chaleureusement le vice-président Liu Bainian. »

Interrogé par l’agence catholique Ucanews, Anthony Liu Bainian a indiqué que la photo avait été prise le 1er janvier, lors d’une réception par les dirigeants du pays des membres de la Conférence consultative politique du peuple chinois, la deuxième chambre du Parlement chinois, où Liu Bainian siège, en sa qualité de membre de son Comité permanent. Il s’est déclaré « heureux » de voir cette photo à la une du principal quotidien du pays. Quant au rédacteur en chef de L’Eglise catholique en Chine, Liu Yuanlong, il a précisé que c’était la première fois que sa publication publiait une photo du chef de l’Etat en première page ; selon lui, elle illustre l’harmonie régnant entre l’Eglise et l’Etat ainsi que « l’attention du gouvernement pour les religions ».

Que penser d’une telle mise en avant de la personne de Liu Bainian ? Selon un prêtre catholique chinois, il s’agit là d’un geste « inhabituel ». Sur le fond, « les communistes » et la haute direction chinoise, que ce soient ses composantes « libérale » ou « conservatrice », ont toujours vu la religion « comme un domaine réservé et un sujet délicat ». En octobre dernier, à la faveur du 17ème congrès du PCC, le mot « religion » a fait son entrée dans les statuts du Parti (1). Plus récemment, l’agence officielle, Chine Nouvelle, a rapporté que le Bureau politique du Parti avait discuté de la religion lors de sa réunion du 18 décembre. Présidée par Hu Jintao, la rencontre a débouché sur la conclusion que « le PCC et le gouvernement devaient avoir une entière et complète compréhension des situations et des problèmes variés auxquels ils font face lorsqu’ils ont affaire aux questions religieuses ». Propos à peine éclairés par ceux tenus par Hu Jintao et rapportés par Chine Nouvelle : les autorités doivent se montrer actives lorsqu’il s’agit des affaires religieuses et promouvoir l’harmonie entre les religions. Hu Jintao a émis trois demandes : que la position de base du PCC sur les religions perdure, que le gouvernement approfondisse son travail auprès des croyants et que la formation du personnel religieux soit renforcée.

Pour le P. Gianni Criveller, du Centre d’études du Saint-Esprit, rattaché au diocèse de Hongkong, la photo de Hu avec Liu semble indiquer que l’Association patriotique reçoit le plein soutien du gouvernement. A un moment où l’on pouvait penser que l’Association patriotique était sinon sur la touche, du moins en voie de marginalisation, le signal qu’envoie la publication de cette photo indique le contraire. Liu Bainian demeure influent dans les hautes sphères politiques pékinoises et cela est « inquiétant » pour le développement de l’Eglise catholique en Chine, explique le missionnaire italien. Les propos tenus par Hu Jintao tels qu’ils ont été rapportés par l’agence officielle montrent que, sur le fond, la volonté politique de contrôle sur les religions ne change pas et reste aussi ferme qu’il y a 20 ans. Dans l’immédiat, les autorités veilleront toutefois à ne prendre aucune initiative qui pourrait provoquer l’opprobre de l’opinion internationale, l’objectif premier étant que les Jeux olympiques de cet été se déroulent de manière harmonieuse.

Par ailleurs, la rencontre informelle qui a eu lieu aux Etats-Unis, ce 20 février, entre le nonce apostolique accrédité aux Etats-Unis et le directeur de l’Administration d’Etat des Affaires religieuses (ex-Bureau des Affaires religieuses), pour inédite qu’elle soit, ne permet pas, là aussi, d’affirmer que les positions entre le Saint-Siège et Pékin sont sur le point de se rapprocher pour déboucher sur une normalisation des liens diplomatiques (2). Au Vatican, un prélat a déclaré à l’agence I-Media qu’il n’y avait « rien de nouveau », rien qui laisse entrevoir une issue rapide à ce dossier à l’histoire déjà longue.