Eglises d'Asie – Chine
Pour approfondir – Des évêques belges se rendent en visite en Chine
Publié le 18/03/2010
A l’heure où le monde a les yeux tournés vers le Tibet et la répression que les autorités chinoises y exercent, à l’heure où Rome réfléchit à la manière de faire avancer le dossier des relations entre le Saint-Siège et Pékin, une délégation d’évêques belges, conduite par le cardinal Godfried Danneels, s’est envolée pour la Chine populaire. Ainsi que l’indique le P. Jeroom Heyndrickx, CICM, dans le texte ci-dessous, sous-titré : « Conférence à l’Académie chinoise des sciences sociales et visite au peuple de Dieu qui est en Chine », cette visite est une initiative avant tout pastorale. Elle s’inscrit dans le contexte d’échanges vieux de plus de vingt ans entre les Eglises catholiques de Belgique et de Chine. *
Ce 31 mars, le cardinal Godfried Danneels, archevêque de Malines-Bruxelles, en Belgique, accompagné de quatre évêques belges et des membres du conseil de la Fondation Ferdinand Verbiest de Louvain, a entamé une visite à l’Eglise de Chine (1). Cette visite avait déjà été envisagée lorsque le cardinal Danneels avait dû interrompre sa précédente visite à cause de la maladie du pape Jean Paul II en 2005 (2). Cette fois-ci, la visite s’inscrit dans le programme d’échange entre l’Eglise de Belgique et l’Eglise de Chine entrepris depuis vingt ans. La visite est organisée par la Fondation Verbiest (Louvain) dont le cardinal Danneels assure la présidence. La fondation parraine l’Institut Verbiest de l’université de Louvain (KUL) qui se consacre à la recherche académique concernant l’histoire de l’Eglise en Chine. Elle coopère aussi avec l’Eglise de Chine dans le domaine de la formation. La délégation des évêques est l’hôte non pas du gouvernement chinois, mais bien de la communauté de l’Eglise de Chine. Le cardinal Danneels est invité à donner une conférence à l’Institut pour l’étude des religions du monde à l’Académie chinoise des sciences sociales. Il y parlera des « Défis de la culture de la vie : le dialogue de l’éthique et de la science ». Le reste de l’itinéraire et du programme, excepté la visite de certains sites culturels, est exclusivement pastoral. Ils rendront visite à des communautés religieuses et à des séminaires où le cardinal donnera des conférences. Ils se rendront aussi dans deux villages catholiques qui relevaient des missions CICM (Missionnaires du Cœur immaculé de Marie) dans l’ancienne province du Jehol : la mission des Pins (dans la partie ouest de la province du Liaoning) et la Vallée du Tigre (Laohugou, à Lanpinxian) où Theofiel Verbist, le fondateur des CICM, est mort en 1868. La visite s’inscrit à la suite de la session destinée aux évêques chinois qui s’est tenue en Belgique en novembre 2007 (3). La délégation rencontrera des évêques et des prêtres chinois à Pékin. Durant une journée entière, ils poursuivront leurs échanges de vues sur la manière de pratiquer aujourd’hui l’évangélisation dans la société sécularisée d’Europe et de Chine. Ils rechercheront aussi des voies plus concrètes de coopération et d’échange entre les deux Eglises locales dans les domaines de la formation et de la catéchèse. Comment les organisateurs de ce voyage situent-ils cette initiative dans le contexte des récents événements ? Les médias ont fait écho à une réunion d’experts de la Chine qui s’est tenue au Vatican ; quelques jours après, il a été rapporté que des négociations (secrètes) auraient eu lieu au Vatican avec une délégation chinoise ! Mais ensuite, à Pékin, Ye Xiaowen, directeur de l’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses (SARA), qui avait tenu récemment aux Etats-Unis un discours plutôt amical et positif sur le Saint-Siège, s’est soudainement mis à parler avec agressivité de « la double face » du Vatican, affirmant que la lettre du pape Benoît XVI était « un pas en arrière ». Pour couronner le tout, il y a encore les événements au Tibet, etc. Comment la visite des évêques se situe-t-elle dans ce contexte ? S’agissant de l’Eglise en Chine, la Fondation Verbiest distingue clairement deux niveaux distincts. Beaucoup de gens oublient le point suivant : il y a, d’une part, le niveau officiel des discussions sur les relations entre l’Eglise et l’Etat en Chine et la question de la liberté de religion et, d’autre part, la normalisation des relations diplomatiques entre Pékin et le Vatican. Il n’est pas facile de dire si un dialogue positif va s’engager sur ces sujets, à en juger surtout d’après la tonalité de l’interview du directeur Ye Xiaowen, publié le 13 mars 2008 dans l’hebdomadaire Nanfang Zhoumo. Habituellement, les médias s’intéressent à ces aspects et il est rare qu’ils rendent compte des événements concernant le domaine pastoral. La diplomatie est évidemment un terrain important qui peut aussi avoir des répercussions sur la vie interne de l’Eglise en Chine. Tous les catholiques espèrent que les experts cherchent et trouveront une solution à ces problèmes en suspens. Mais ce n’est pas sur ce terrain que le cardinal Danneels et les évêques belges veulent agir lors de leur séjour en Chine. Leur intérêt concerne précisément le terrain pastoral de la vie et de la célébration de la foi du peuple de Dieu qui est en Chine, grâce auquel il reconstruit une communauté chrétienne. Nous recevons de bonnes nouvelles en ce domaine. Cette année, il y a eu de nouveau des milliers de baptêmes d’adultes à Pâques. Représentant l’Eglise universelle, les évêques belges veulent rencontrer cette communauté d’Eglise en Chine, pleine de vitalité. Avec le programme indiqué ci-dessus, ils croient être en mesure d’avoir une vraie rencontre dans la foi avec les chrétiens chinois. Bien entendu, ils n’ignorent pas qu’il y a aussi de sérieux problème sur le plan pastoral à l’intérieur de l’Eglise de Chine. Le problème majeur porte sur la division entre les communautés « clandestine » et « officielle » de l’Eglise. Mais c’est là justement pour les évêques une raison de plus pour venir en Chine et y apprendre des chrétiens chinois comment ils espèrent grandir au-delà du problème de cette division. Le même Esprit qui chaque jour donne la force à l’Eglise est aussi à l’œuvre dans ces rencontres. Les évêques échangeront avec les évêques et les prêtres chinois sur la question de savoir comment nos deux Eglises peuvent, à l’époque d’aujourd’hui, se renforcer mutuellement dans la foi et dans nos efforts pour favoriser l’unité de l’Eglise. Il est important que les autorités civiles et ecclésiales poursuivent les discussions sur les relations diplomatiques et les autres questions du domaine officiel. C’est leur responsabilité. Pendant ce temps-là, les évêques de Belgique viennent rencontrer le peuple de Dieu en Chine, apportant le même espoir que le pape Benoît XVI a exprimé, c’est-à-dire que l’unité de l’Eglise pour laquelle le Christ a prié lors de la dernière Cène grandisse également dans l’Eglise de Chine.