Eglises d'Asie

Pour approfondir – « Une visite pastorale inoubliable » – Le séjour de cinq évêques belges auprès de l’Eglise catholique de Chine

Publié le 18/03/2010




Après une visite de onze jours en Chine du nord, et plus particulièrement dans les anciennes missions des pères de Scheut, le cardinal Danneels est rentré comblé au pays. Le voyage était remarquable, mais épuisant. Il s’agissait d’une visite historique. En effet, jamais un cardinal accompagné d’une aussi importante délégation d’évêques (Mgr Aloys Jousten, Mgr Guy Harpigny, Mgr Rémy Vancottem et Mgr Roger Vangheluwe) et de prêtres, n’avait ainsi eu l’occasion de visiter des communautés paysannes catholiques, loin des grandes villes. Pour ce faire, la délégation dut non seulement recevoir la permission des autorités civiles, mais également parcourir un périple de centaines de kilomètres en autobus. Ainsi le déplacement de Shenyang (ancien Mukden, dans la province du Liaoning) jusqu’à la ville provinciale de Chaoyang et l’ancien village catholique tout proche : Songshuzhuizi (‘Le village des Pins’). De là, la délégation se rendit à Chengde (province du Hebei) et puis rentra à Pékin. Cet effort en valait la peine, car la grande majorité des catholiques chinois vit à la campagne. En Belgique, beaucoup se souviennent de l’exil forcé de tant de missionnaires durant les années 1950 (scheutistes, franciscains, Sœurs de la chasse, etc.). Certains connurent même la prison. Qui alors aurait pu imaginer qu’en 2008, un cardinal et des évêques belges, ainsi que le provincial des scheutistes et des franciscains seraient aussi chaleureusement accueillis par ces mêmes chrétiens que les missionnaires durent alors abandonner ?

Peu de communautés chrétiennes ont tant souffert en Chine que celle du ‘Village des Pins’ (Songshuzhuizi) dans la province du Liaoning, dans l’ancien diocèse de Jehol, administré par les scheutistes, où furent évêques Mgr Louis Janssens et Mgr Jozef Oste (de Zele, en Flandre orientale). Toute la mission – l’église, l’évêché et le séminaire – fut détruite en 1947. Les scheutistes furent exilés. Certains donnèrent leur vie, tels les PP. Verhaert, Ullings, Doms et Petrus Zhang. La Révolution culturelle (1966-1976) fut une expérience douloureuse pour les villageois et elle laissa bien des séquelles. Ce fut, dès lors, d’autant plus émouvant pour le cardinal et la délégation de se voir accueillis par 1 500 chrétiens qui criaient avec enthousiasme : « Bienvenus à nos amis de Belgique ! ». Les villageois chantaient et frappaient des mains, alors que des fusées d’artifice étaient allumées. Certains anciens pleuraient de pouvoir à nouveau serrer la main d’un évêque belge. D’autres s’agenouillaient en demandant la bénédiction. C’étaient tous des paysans, comme les scheutistes d’alors en connaissaient, mais leur condition matérielle s’était améliorée. La délégation reçut un accueil comparable de la part de la communauté de la ville de Chengde et dans le village de ‘La vallée du Tigre’ (Laohugou, Lanpinxian), dans la province du Hebei, où mourut du typhus en 1868 le fondateur des pères scheutistes, le P. Théophile Verbist (d’Anvers) et où en 1900 le P. Jozef Segers (de Saint-Nicolas) fut enterré vivant par les Boxers. Ces communautés ont également connu un passé dramatique. La délégation constata qu’un nouvel espoir est en train de naître.

 

Il y eut de nombreux discours d’évêques et de prêtres exprimant leur gratitude envers le travail des scheutistes de Belgique et des Pays-Bas. Ils rappelèrent que depuis vingt ans existe une collaboration fructueuse entre l’Eglise locale de Chine et l’Eglise de Belgique, et cela par l’intermédiaire des pères de Scheut et de leur Fondation Verbiest, dont le cardinal Danneels assume la présidence. Il y eut des moments très émouvants, comme au cimetière de la Vallée du Tigre, où la délégation pria avec tous les chrétiens du lieu pour les scheutistes qui y étaient enterrés. Le cardinal Danneels et le P. Willy Oost, provincial des scheutistes, bénirent les tombes. Les évêques déposèrent les fleurs qui leur avaient été offertes à l’entrée du village sur les tombes des scheutistes. Il y eut également une forte émotion lorsque le cardinal et le père provincial déposèrent une gerbe et prièrent en silence près de la statue en marbre de Theofiel Verbist, que les chrétiens de la Vallée du Tigre ont érigé en 2006.

Partout, le cardinal exprima la reconnaissance de la délégation belge. Il parla du don d’eux-mêmes des missionnaires belges et comment ils posèrent les fondations d’une Eglise locale pleinement chinoise avec l’aide des chrétiens et prêtres du pays. Il insista sur le fait que l’Eglise de Belgique désirait continuer à collaborer avec cette Eglise en Chine. Ce partenariat se vit principalement par la mise à disposition de bourses d’études, via la Fondation Verbiest, en vue de former des ministres du culte, prêtres et religieux, mais aussi des laïcs.

Avant cela, le cardinal avait donné différentes conférences à Pékin : à l’Académie des sciences sociales et dans deux grands séminaires des environs. Il y eut des échanges avec de jeunes évêques, prêtres et religieux sur le thème de la pastorale dans une société sécularisée, en Chine comme en Europe. La délégation belge était pleinement consciente des problèmes existants en Chine. Ceux-ci ne furent pas éludés. A côté des discussions avec l’Eglise, il y eut également des rencontres avec des instances officielles: l’Association patriotique et le Bureau des Affaires religieuses. Nos évêques ont appris comment l’Eglise de Chine parvient depuis des dizaines d’années à obtenir par le dialogue, des avancées dans le domaine de la liberté religieuse. Tout n’est pas encore parfait, loin de là. Mais des progrès existent depuis vingt ans et cela mérite d’être souligné. Pour les évêques de nos deux pays, cela avait du sens d’apprendre comment chaque Eglise locale essaie de trouver un modus vivendi avec ses autorités civiles, afin que tous, croyants et non-croyants, y soient traités de la même manière.