Eglises d'Asie

La mise à l’abri de la statue du sanctuaire marial de Madhu n’a pas été décidée pour complaire aux Tigres tamouls, réfutent les évêques catholiques du Sri Lanka

Publié le 18/03/2010




Le 10 avril dernier, la Conférence des évêques catholiques du Sri Lanka a vivement réagi aux accusations rapportées ces derniers jours dans plusieurs médias et au sein de certains cercles politiques, selon lesquelles la mise à l’abri, le 3 avril, de la statue de la Vierge Marie du sanctuaire de Madhu avait été décidée par l’Eglise pour complaire aux Tigres tamouls (1). « Les prêtres du sanctuaire de Madhu ont décidé, en accord avec l’évêque de Mannar, d’emporter la statue (de la Vierge) avec eux afin de la mettre à l’abri dans l’église la plus proche, en l’occurrence celle de Theavanpiddi », peut-on lire dans le communiqué rédigé par les évêques du Sri Lanka, réunis en session du 9 au 11 avril dans la ville de Kandy.
Les prêtres du sanctuaire marial affirment qu’ils ont agi de la sorte « de leur plein gré et non sous la menace ou à la demande du LTTE (Tigres de libération de l’Eelam tamoul) ou de toute autre partie, ainsi que cela a été rapporté avec malice dans certains médias », écrivent encore les évêques, qui insistent pour dire que la statue a été retirée « à titre temporaire » du sanctuaire et y retournera « à la première occasion » lorsque la sécurité du lieu sera rétablie. Le sanctuaire de Madhu, situé dans la partie nord du pays, est un centre de pèlerinage fort connu au Sri Lanka ; fréquenté en temps de paix par des catholiques aussi bien que par des hindous et des bouddhistes, qu’ils soient tamouls ou cinghalais, il a dernièrement été la cible de tirs croisés, la région où il est situé se trouvant au point de contact de zones contrôlées par les Tigres tamouls et les forces gouvernementales (2). La raison qui a amené les évêques à rédiger le communiqué est que Theavanpiddi (Thevanpiti), le village côtier, majoritairement catholique, où la statue de la Vierge a trouvé refuge, est un village situé en zone contrôlée par le LTTE. Le 9 avril, sur le site Internet du ministère de la Défense (www.defence.lk), on pouvait lire le commentaire suivant : « Le LTTE a fait preuve d’un cynisme manipulateur au sanctuaire de Madhu, qui a abouti à ce que les prêtres évacuent le périmètre de l’église, emportant la statue sacrée de Notre Dame de Madhu avec eux. On peut se poser la question de savoir s’il était impérieux de déménager la statue vers un lieu situé loin en profondeur dans une zone incertaine, alors qu’il aurait été logique de l’emmener à Mannar, sous la garde de l’évêque de ce diocèse. » Le lendemain, le Jathika Hela Urumaya (JHU), parti formé de moines bouddhistes connus pour leur extrémisme politique et leur soutien à une solution militaire à la guerre civile qui déchire le pays depuis 1983 (3), a critiqué le transfert de la statue d’une zone considérée comme neutre à une zone contrôlée par le LTTE. Dans un texte rédigé en cinghalais, le secrétaire général du JHU, le vénérable Omalpe Sobitha Thero, rend l’évêque de Mannar responsable de ce qui pourrait arriver au sanctuaire marial de Madhu : « Maintenant que les cadres du LTTE sont au sanctuaire, l’évêque devra répondre des éventuels dommages qui pourront être causés au sanctuaire. » En retirant la statue, « le LTTE tente de gagner le soutien de la communauté catholique dans le monde en donnant l’impression que c’est lui qui protège la statue ; de plus, désormais, le LTTE peut utiliser le sanctuaire à sa guise dans sa stratégie guerrière », ajoute le moine. A Colombo, un prêtre catholique, qui demande l’anonymat pour commenter les réactions du JHU, estime que ce parti extrémiste utilise cette affaire comme prétexte afin d’attaquer l’Eglise. « Sont-ils allés sur place avant de se permettre des déclarations irresponsables et causes de division entre les croyants ? », interroge-t-il. Le 16 avril, dans le Daily Mirror, un quotidien de référence au Sri Lanka, un catholique, Ruki Fernando, coordinateur de Law and Society Trust, une ONG de défense des droits de l’homme, a appelé tant le LTTE que les forces gouvernementales à rester à l’écart du sanctuaire de Madhu, un territoire qui, selon les vœux exprimés à plusieurs reprises par l’Eglise, devrait être considéré comme « une zone de paix ». Selon les dernières informations disponibles, le sanctuaire et ses environs immédiats sont repassés sous contrôle des forces gouvernementales. Dimanche 27 avril, la télévision publique a montré des images du vicaire général du diocèse de Mannar en visite sur les lieux à l’invitation des forces armées gouvernementales. Le haut commandement de l’armée a demandé le retour au sanctuaire de la Vierge de Madhu, mais l’évêque de Mannar a fait répondre qu’avant toute chose, il avait besoin de voir garanti le statut de zone de paix pour le sanctuaire. Les militaires ont seulement évoqué une « zone de sécurité ». Une rencontre devrait être organisée prochainement à la Conférence épiscopale afin que les évêques catholiques discutent des contacts à prendre tant avec le gouvernement qu’avec les Tigres afin de permettre aux pèlerins de retourner au sanctuaire marial.