Eglises d'Asie

Pour approfondir – Le patriotisme à Hongkong

Publié le 18/03/2010




Depuis que la colonie britannique de Hongkong est revenue dans le giron de la Mère Patrie, le 1er juillet 1997, Pékin n’a pas ménagé ses efforts pour éveiller, éduquer et stimuler le patriotisme des Hongkongais. C’est un fait que celui-ci fait pâle figure par rapport à celui des compatriotes du continent, exalté et fier, voire revanchard et violent.

Les habitants de la Région administrative spéciale (RAS) de Hongkong, d’abord très réticents à se soumettre à l’autorité du gouvernement communiste central, ont été invités à accepter, progressivement, le fait accompli et à participer au développement de la Chine populaire. Apprendre le mandarin, la langue officielle sur le continent chinois, est maintenant encouragé à Hongkong. Des expositions et conférences présentant la culture et l’histoire du pays y sont régulièrement organisées. Les Chinois médaillés d’or des Jeux olympiques d’Athènes (2004) y sont venus se faire applaudir, de même l’astronaute Yang Liwei qui a fait le tour de la terre dans l’espace (2003). Les épreuves d’hippisme des Jeux olympiques de Pékin de 2008 vont y avoir lieu.

 

Jusqu’ici, ces nombreux efforts n’avaient pas porté beaucoup de fruits. Les Hongkongais, tout en aimant leur patrie, restent très modérés ; ils continuent de s’exprimer en cantonais et préfèrent apprendre l’anglais que le mandarin. Ils commémorent les massacres de Tiananmen de 1989, admirent l’Occident et imitent volontiers le mode de vie américain.

 

1.) Une occasion en or de promouvoir le patriotisme

 

Le passage de la flamme olympique, le 2 mai dernier, avait été soigneusement mis en scène : pendant huit heures, 120 coureurs issus de toutes les couches de la société se sont relayés pour porter la torche partout dans Hongkong et, en particulier, dans le décor grandiose de la baie de Victoria. Les Hongkongais étaient invités à s’habiller en rouge pour l’occasion et toute la circulation avait été bloquée.

 

D’après les médias locaux, repris ensuite par la presse internationale, une foule enthousiaste et unanime a célébré l’événement. Les gens ont fait un triomphe à la « Sainte Flamme ». Ils se bousculaient tout au long du parcours pour manifester leur soutien aux Jeux olympiques et leur fierté d’être Chinois. Et, effectivement, la télévision a montré des images très inhabituelles de l’ancienne colonie : des jeunes agitant d’énormes drapeaux de Chine et de Hongkong, des groupes d’admirateurs chantant en mandarin l’hymne national, des citoyens exprimant devant les caméras leur ferveur patriote. Du jamais vu depuis la fondation de l’ancienne enclave britannique ! C’est à peine si l’on a signalé « quelques incidents dus à des personnes isolées ».

 

En fait, les autorités de Hongkong avaient procédé quelques jours auparavant à l’expulsion de manifestants pro-tibétains. De plus, des militants des droits de l’homme avaient été renvoyés dans leur pays dès leur arrivée à l’aéroport (1). Pendant le parcours, une vingtaine de personnes ont été interpellées, parmi lesquelles une dizaine de militants pro-tibétains emmenés dans un fourgon de police, après une échauffourée avec des manifestants pro-chinois. Une centaine de militants pro-démocratie ont également manifesté pour réclamer le suffrage universel dans le territoire rétrocédé en 1997 à la Chine. Mais le service d’ordre sur le parcours de la flamme était des plus sévères car il fallait que l’étape de Hongkong soit une réussite.

 

2.) A vouloir trop prouver, on ne prouve plus rien

 

La démonstration n’a pourtant pas été aussi éblouissante que prévue. Il y avait beaucoup de lycéens sur le parcours de la flamme. Est-ce que certains établissements avaient reçu l’ordre d’aller en masse acclamer le passage de la torche (à la satisfaction des élèves qui avaient un jour de congé supplémentaire) ? Les Hongkongais ne connaissent généralement pas le mandarin et sont incapables de chanter l’hymne national. Mais, pour l’occasion, on avait permis à de nombreux habitants de Shenzhen de franchir la frontière pour se joindre aux célébrations et les renforcer. Les chorales improvisées venaient probablement de là. Jusqu’ici, dans l’ancienne colonie, on trouvait très peu de ces gigantesques drapeaux chinois et hongkongais. D’où venaient les milliers de ceux que l’on a déployés sur le parcours ?

 

L’auteur de ces lignes était présent à Hongkong le 2 mai dernier. Il est sorti peu après le passage de la flamme dans un quartier très peuplé de l’ancienne colonie. Or, il a constaté que personne ne portait de vêtements rouges et que les passants semblaient indifférents à ce qui venait de se passer. Où était donc passé l’enthousiasme contagieux qu’on exhibait encore sur les petits écrans une demi-heure plus tôt ? On ne peut pas nier, certes, que de nombreux Hongkongais se sont déplacés pour voir passer la torche olympique mais leur unanimité était-elle aussi totale que le proclamaient les médias ? N’y avait-il pas une part de manipulation et de propagande politique dans la présentation de l’événement ? Sans aucun doute.

 

3.) Le patriotisme des Hongkongais

 

Depuis le passage de la torche olympique à Hongkong, un terrible drame est venu endeuiller la Chine : le tremblement de terre du Sichuan, le 12 mai dernier, qui a probablement tué près de 100 000 personnes et anéanti le logis de cinq millions de Chinois. Aussitôt, toute la Région administrative spéciale de Hongkong s’en est émue et un merveilleux mouvement de solidarité s’est déclenché à plus de 1 500 kilomètres de la zone sinistrée. Les Hongkongais se sont mobilisés pour venir au secours des blessés et des sans-logis. A la date du 21 mai, un milliard et demi de dollars de Hongkong (123 millions d’euros) ont déjà été collectés. La Croix-Rouge a recueilli tant de dons de sang qu’elle ne sait plus où les conserver. Des équipes de secouristes sont parties sur place pour aider les sauveteurs locaux. Les Eglises ont organisé des réunions de prière pour les victimes du séisme. Les trois minutes de silence du 19 mai dernier observées sur le continent ont été très largement respectées à Hongkong. Et tout cela s’est accompli, le plus souvent, dans la discrétion la plus totale et le respect.

 

Oui, le patriotisme est bien vivant à Hongkong, mais il n’est ni prétentieux ni démonstratif, ni politicien. Il est généreux et délicat. Les Chinois du continent qui veulent donner des leçons de patriotisme aux Hongkongais feraient bien de s’en inspirer.