Eglises d'Asie

Un mois après le passage du cyclone Nargis, le risque d’épidémies reste élevé parmi les rescapés, en grande partie livrés à eux-mêmes

Publié le 18/03/2010




Un mois après le passage du cyclone Nargis qui a ravagé le delta de l’Irrawaddy dans la nuit du 2 au 3 mai dernier, la situation reste critique pour une très grande partie des rescapés.

La catastrophe a fait 134 000 morts ou disparus, selon les chiffres fournis par le gouvernement birman, et le sort des rescapés, avec 2,4 millions de sans-abri, n’est qu’en partie soulagé par une aide internationale que la junte au pouvoir n’accepte qu’avec parcimonie depuis dix jours. Selon le témoignage d’une infirmière qui est intervenue dans le village de Leieintan, au cœur du delta, les blessures des rescapés – des fractures, plaies, brûlures – ne sont rien face aux risques d’épidémies.

Partie avec une équipe envoyée par le Myanmar Disaster Relief Committe (MDRC), la structure mise en place par l’Eglise catholique en Birmanie pour coordonner les secours, l’infirmière a souhaité conservé l’anonymat. Elle a confié à l’agence Ucanews (1) qu’elle est parvenue à Leieintan, à 120 km au sud-ouest de Rangoun, après un périple en bateau à partir de la ville de Pyapon (2). Durant deux jours, à partir du 13 mai, elle et son équipe ont aidé du mieux qu’elles ont pu, en soignant, distribuant des vivres et fabriquant des abris à l’aide de bâches. « Notre équipe, trois médecins, six infirmières et deux auxiliaires, a été sous le choc, en arrivant dans le village », a-t-elle témoigné à son retour à Rangoun, fin mai. « Une trentaine de villageois nous ont souhaité la bienvenue, soulagés de voir enfin de l’aide leur arriver, mais ils se tenaient face à nous, avec derrière eux un paysage de désolation. »

Sur les 600 habitations que comptait Leieintan, 300 sont complètement détruites. Dans ce village de 3 000 âmes, les habitants, bouddhistes en grande majorité, avec une minorité de protestants, de baptistes et de catholiques, vivaient chichement du travail de la terre. Pour les survivants, l’avenir est sombre, le riz et les noix de coco qu’ils vendaient avant le cyclone ayant disparu. Une bonne partie d’entre eux ont trouvé refuge dans l’église catholique du village, le temple baptiste et la maison en dur d’un catholique.

Dix jours après la catastrophe, l’équipe médicale du MDRC a constaté que le nombre de morts allait très certainement s’alourdir si rien n’était fait à grande échelle pour venir en aide aux rescapés. Une femme a raconté que son fils de 4 ans avait survécu à la nuit fatidique, après s’être pourtant quasiment noyé, mais qu’il était décédé quelques jours plus tard, victime d’un coup de froid non soigné. Après avoir pansé les plaies, les médecins et les infirmières ont tenté de faire passer des messages de prévention afin d’éviter les épidémies. Dans des conditions de vie où l’hygiène la plus élémentaire est devenue très difficile à observer, où l’eau potable manque, ce sont les enfants qui sont les plus exposés au danger, souligne l’infirmière. « Les enfants que j’ai soignés avaient attrapé des rhumes, des diarrhées, le choléra ou présentaient les symptômes d’un état de choc », raconte-t-elle.

L’infirmière poursuit en témoignant qu’elle et son équipe ont aussi prié avec les rescapés, avant leur départ pour Rangoun, ces derniers ayant exprimé l’espoir que d’autres viennent rapidement les aider. Au sein de paysages dévastés, elle a vu comme un signe d’espérance le fait que des paysans retournent préparer la terre dans leurs champs, pour de nouvelles cultures.

De Rangoun, où il coordonne les secours mobilisés par les catholiques, Mgr Charles Bo, archevêque de Rangoun (3), a diffusé l’histoire de Stella, une mère de neuf enfants, enceinte et proche du terme lorsque le cyclone a soufflé. Sauvée in extremis de la noyade, elle a mis au monde son dixième enfant tandis que la mort frappait autour d’elle. Aujourd’hui, elle et tous ses enfants sont sains et saufs, hébergés dans un centre tenu par l’Eglise catholique. « La force terrifiante d’une tempête, soufflant avec une puissance démesurée, n’a pas pu arrêter la vie qui s’affirmait de nouveau par l’entremise d’un petit enfant. La vie s’affirme et doit s’affirmer au Myanmar », écrit l’évêque, qui rappelle que le 2 juin marque le début de la nouvelle année scolaire en Birmanie. Tant d’enfants sont morts, d’autres ont survécu mais ne pourront retourner de sitôt à l’école ; la priorité doit être d’aider les enfants et leurs parents, a-t-il poursuivi.