Eglises d'Asie

Sans trop y croire, des représentants des minorités religieuses demandent le retour à un Etat laïque

Publié le 18/03/2010




Le 9 juin dernier, le Bangladesh Hindu Bouddha Christian Oikya Parishad (Conseil et unité des chrétiens, bouddhistes et hindous du Bangladesh) a demandé le retour à la Constitution de 1972, texte rédigé après la guerre d’indépendance de 1971, à l’issue de laquelle le Bangladesh a obtenu son indépendance du Pakistan.

Selon cette Constitution de 1972, la religion et l’Etat étaient séparés, situation remise en cause en 1988 par le 8ème Amendement à la Constitution et notamment son article 2A qui stipule : « La religion d’Etat de la République est l’islam, mais d’autres religions peuvent être observées en paix et dans l’harmonie au sein de la République. » Le 8ème Amendement a été proclamé un 9 juin et ce n’est donc pas par hasard si des représentants des minorités religieuses ont choisi cette date pour revendiquer le retour à un Etat laïque. Ces délégués ont toutefois manifesté un scepticisme certain quant aux chances de succès de leur démarche.

 

« Chaque année, nous nous réunissons le 9 juin, nous prenons la parole, et puis, plus rien ! », a affirmé Sabittri Bhattacharja, président du Bangladesh Hindu Bouddha Christian Oikya Parishad. De religion hindoue, elle a dénoncé le fait que les gouvernements se succèdent (1) et les minorités religieuses demeurent maintenues à un statut inférieur, « un statut de citoyens de deuxième classe ». Les minorités religieuses ont pris part à la guerre d’indépendance, il y a 37 ans, et elles ne s’attendaient pas à vivre dans un système politique doté d’une Constitution institutionnalisant leur infériorité citoyenne, a-t-elle affirmé. Depuis le vote de l’amendement de 1988, la situation faite aux minorités empire rappelant qu’après les élections législatives de 2001, un grand nombre d’hindoues avaient été violées et tuées. Représentant 10,5 % de la population, les hindous sont perçus comme votant en majorité pour la Ligue Awami, sortie vaincue des urnes face à son rival de toujours, le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) (2).

 

Devant 200 délégués chrétiens, bouddhistes, hindous et quelques musulmans, le journaliste et défenseur des droits de l’homme Shahriar Kabir, musulman, a lui aussi appelé au retour à l’esprit de la Constitution de 1972, « symbole de l’unité de la nation après la guerre d’indépendance de 1971 ». Plus aucun ministre du gouvernement n’appartient aujourd’hui à une minorité religieuse, a-t-il déploré.

 

La catholique Rosaline Costa, coordinatrice de Hotline Human Rights Bangladesh, a expliqué que les musulmans comme les non-musulmans se retrouvent « dépouillés de leurs droits fondamentaux » pour des raisons de politique politicienne. Elle a rappelé que le tournant islamique pris en 1988 par le président et ancien militaire Hossain Mohammed Ershad l’avait été pour « assurer son emprise sur le pouvoir ». Hossain Mohammed Ershad a pris le pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat en 1982 et, lorsque la rue a commencé à remettre en cause sa légitimité, il a utilisé la religion afin de détourner l’attention de l’opinion, a expliqué Rosaline Costa. Des manifestations de masse ont finalement entraîné sa chute en 1990.

 

Pour les militants des droits de l’homme et défenseurs des minorités religieuses, la difficulté avec le 8ème Amendement est qu’il est instrumentalisé par des islamistes et une partie du personnel politique. Dans un pays où l’analphabétisme demeure massif, bien des musulmans illettrés sont convaincus que « le Bangladesh est devenu un Etat islamique ». Or, si l’islam est bien religion d’Etat, l’Etat n’est pas un Etat islamique, insiste Rosaline Costa, qui déplore la tension imprimée à la société par les islamistes et qui oblige, par exemple, les églises chrétiennes à demander la protection de la police lors des grandes fêtes religieuses, telles Noël.