Eglises d'Asie – Chine
Selon une catholique engagée dans l’aide aux handicapés mentaux, le handicap gagne en visibilité en Chine mais les droits des personnes handicapées ne sont pas reconnus
Publié le 18/03/2010
Meng Weina, la quarantaine dynamique, dirige Huiling (‘Sagesse de l’âme’), une ONG fondée à Canton dans les années 1990 et aujourd’hui présente dans une dizaine de grandes villes, telles Pékin, Chongqing, Tianjin, Xi’an ou encore Hongkong. Selon elle, la société chinoise fait montre de moins de discrimination qu’autrefois à l’endroit des handicapés mentaux et les autorités ont pris des mesures afin de leur venir en aide. « C’est bien évidemment une bonne chose », estime-t-elle, mais ces changements sont le fait d’« un sentiment d’empathie envers des êtres perçus comme vulnérables ». La société chinoise, poursuit-elle, manque d’« un degré de conscience plus élevé » qui verrait les handicapés comme des personnes à part entière, dotées des droits fondamentaux de l’être humain.
La mentalité commune est qu’il « faut aider » ces personnes, mais qu’elles ne sont pas en mesure de prendre part de manière active à la vie de la société, explique encore Meng Weina, qui rappelle que la conviction qui l’a amenée à fonder Huiling est que « les personnes ayant un handicap ont les mêmes droits que les autres », qu’« elles doivent donc être acceptées et respectées » comme toute personne humaine.
Petit à petit, cependant, les choses évoluent, souligne-t-elle. Ainsi, depuis l’an dernier, dans certaines des plus grandes villes du pays, une allocation mensuelle de 300 yuans (30 euros) est versée aux handicapés de plus de 18 ans. Auparavant, des aides semblables existaient mais elles étaient versées uniquement aux parents ou aux tuteurs légaux des personnes handicapées. Dans le même ordre d’idée, un fonds pour l’emploi des handicapés a été créé il y a peu. Mais il arrive que des bénéficiaires de ce fonds soient enregistrés auprès d’une entreprise mais n’y travaillent pas ; « tout le sens de cette mesure, qui est d’encourager les handicapés à travailler au sein de la société et de participer à la vie normale, est ainsi perdu », explique Meng Weina.
La fondatrice de Huiling est connue en Chine pour son franc-parler. Financée à 75 % par des fonds venus de l’étranger, son ONG ne reçoit aucun subside des autorités chinoises. Forte de cette indépendance, Meng Weina n’hésite pas à faire appel aux médias pour faire passer sa vision du handicap et de sa place dans la société – ce qui lui vaut une surveillance attentive de la police. Connue pour son combat, elle figurait parmi les quatre responsables d’ONG chinoises invités, le 9 septembre dernier, par Timothy Shriver, président de Special Olympics, une ONG internationale qui œuvre à l’intégration des handicapés mentaux dans la société. A cette occasion, elle a redit son analyse du fait que, ces trente dernières années, le sort des handicapés mentaux s’est amélioré sur un plan matériel mais pas sur un plan spirituel. Elle a cité le fait qu’il était rare que les parents d’enfants handicapés ou le personnel des institutions qui les accueillent aient conscience que ceux-ci puissent être consultés sur leur sort ou qu’ils puissent avoir une opinion sur leur condition.
Fondée à Canton sous la forme d’un simple foyer, Huiling s’est développée au point d’être l’une des institutions les plus en pointe dans l’accueil et la formation des handicapés adultes en Chine. Proche de missionnaires italiens, Meng Weina s’est convertie au catholicisme et les différents centres et foyers de son ONG collaborent souvent étroitement avec l’Eglise catholique locale. Sur son site Internet, on peut lire l’affirmation suivante : « Huiling a la ferme conviction que les personnes handicapées mentales peuvent participer avec la même égalité à la construction de notre vie en société. »
L’évolution de la perception du handicap par les Chinois doit beaucoup à Deng Pufang, fils de Deng Xiaoping, devenu handicapé par la faute des Gardes rouges lors de la Révolution culturelle. Aujourd’hui président de la Fédération des handicapés de Chine, fondée en 1988, il a permis la création, dès 1984, d’un Fonds de prévoyance sociale pour les handicapés, puis, en 1991, l’adoption de la première loi relative à la protection et à la promotion des droits fondamentaux des handicapés. Toutefois, si le handicap physique est devenu mieux accepté au sein de la société chinoise, le handicap mental est encore l’objet d’une forte stigmatisation.