Eglises d'Asie – Chine
Supplément EDA 5/2008 : Lisieux (22 août – 5 sept. 2008) : Temps fort pour les étudiants chinois de théologie en Europe
Publié le 07/10/2011
Brève histoire des sessions d’été
En 1994, grâce à une initiative audacieuse de l’évêque de Shanghai, Mgr Jin Luxian, quelques séminaristes et prêtres de Chine ont eu la possibilité de sortir du pays pour suivre des études théologiques en Europe. Leur arrivée en Europe représentait pour eux un choc culturel considérable. Pour l’étude de la langue, ils devaient surmonter la grande difficulté de passer d’une langue idéographique à des langues alphabétiques. En ce qui concerne la vie d’Eglise, ils n’étaient pas encore conscients des évolutions qui avaient suivi le grand tournant de Vatican II. Ils venaient d’une Eglise officiellement isolée du monde par souci d’indépendance politique et déchirée intérieurement entre « clandestins » et « officiels ».
Il ne suffisait pas de les accueillir et de leur proposer une filière d’études. Il fallait encore les guider dans leur vie de foi et leur offrir une formation humaine et spirituelle.
Les premiers arrivés en 1994 étaient une dizaine de séminaristes accueillis en Allemagne et en France. Les PP. Roman Malek, SVD, et Jean Charbonnier, MEP, s’entendirent alors pour leur permettre de faire une retraite en chinois à l’abbaye de Sept-Fons. Le Frère Lucas Ho, de la communauté de Taizé, leur apporta une direction spirituelle. En 1995, ils étaient une vingtaine, dont deux religieuses étudiantes en Allemagne. La retraite annuelle en chinois eut lieu à l’hospice du Grand Saint-Bernard sous la direction du P. Zen, salésien et Shanghaien, devenu depuis évêque et cardinal à Hongkong. En 1996, la retraite fut organisée en Allemagne. Les participants étaient une quarantaine. Le P. Roman Malek, soucieux de joindre à la retraite un temps de formation adaptée, ajouta deux semaines à la semaine initiale. Le P. Marc Fang Zhirong, SJ, bibliste de Taiwan, fit avec eux le point sur leurs études. L’année suivante à Rome, le P. Thomas Law, de Hongkong, anima une session de liturgie. En même temps, ces prêtres chinois de Taiwan et de Hongkong n’oubliaient pas d’évoquer l’histoire de l’Eglise en Europe.
La retraite suivie de session de formation devenait ainsi un pèlerinage aux sources de la vie d’Eglise en Occident ainsi qu’une information sur les réalités contemporaines de l’Eglise en Europe.
En 1998, les trois semaines de rencontre, encore pour une quarantaine de prêtres, séminaristes, et religieuses, eurent lieu en France : retraite à Lisieux, suivie d’une semaine de spiritualité à Lourdes sous la direction du P. Zhou Hongdao, SJ, puis d’une semaine de pastorale à Ars, animée par le P. Paul Tong, de Singapour. Cette session en France avait été précédée d’un colloque à Paris, en octobre 1995, sur le thème de l’échange théologique Chine-Europe. Une vingtaine d’étudiants chinois figuraient au nombre de la centaine de participants. L’évêque de Shanghai, Mgr Jin Luxian, y avait donné un exposé éclairant sur la formation des prêtres de Chine.
D’année en année, le nombre des participants n’a cessé d’augmenter au cours des sessions d’été tenues en Belgique 1999, à Rome 2000, en Autriche 2001, en Pologne 2002, en Suisse 2003, en Irlande 2004, en Espagne 2005, en Angleterre 2006, en Allemagne 2007. A partir de 2003, il a fallu réduire à deux semaines la durée de la retraite et de la session, de façon à assurer le soutien logistique pour une centaine de participants. Mais de nombreux étudiants chinois de théologie en Europe restaient encore en dehors de ces rencontres… En revanche, ceux qui avaient acquis l’expérience de plusieurs sessions étaient en mesure de participer activement à l’organisation et à l’animation de l’ensemble.
Le fonctionnement de ces sessions d’été repose sur un groupe de coordinateurs nationaux qui ont développé des liens avec les étudiants de théologie accueillis dans leur pays. Le noyau de base est composé de membres d’instituts missionnaires ayant travaillé en Chine : MEP, SVD (Verbe Divin), CICM (Belges de Scheut), PIME (Missions Etrangères de Milan), SCC (Saint Colomban), OAR (Augustins récollets d’Espagne). Ces coordinateurs doivent également s’assurer la coopération d’accompagnateurs spirituels parlant couramment le chinois, car la retraite offre à tous les participants des rencontres individuelles où ils peuvent s’exprimer dans leur langue. Il faut enfin faire venir des conférenciers chinois pour animer la session qui suit la retraite. Les étudiants eux-mêmes fournissent les interprètes capables de traduire les interventions d’évêques ou de personnalités.
Les prêtres et religieuses de Chine apprennent ainsi à se connaître, à échanger, à coopérer, quelle que soit leur origine. De ce fait, ils sont amenés à relativiser les divisions internes dont ils souffrent dans leur pays. Cette expérience en Europe devrait les aider à se comprendre et à s’épauler une fois de retour en Chine.
Lisieux 2008 : Sous le regard de sainte Thérèse,
Les présentations
22 août 2008
Face à la grande bâtisse normande de l’Ermitage, l’abri des pèlerins peut accueillir en une même grande salle l’ensemble de notre groupe. Grâce aux bons soins de Mgr Bernard Lagoutte, recteur du sanctuaire, cette salle a été aménagée en chapelle.
Les étudiants se présentent :
– 15 en Allemagne dont 9 prêtres, 1 diacre et 5 séminaristes. Ils sont originaires des provinces chinoises du Shaanxi, Shanxi, Mongolie intérieure, Hebei, Jiangxi, Hubei, etc. ;
– 9 en Irlande dont 7 prêtres et 2 religieuses. Originaires du Shaanxi, Gansu, Mongolie intérieure, Mandchourie, Shandong, Canton ;
– 13 à Rome dont 5 prêtres, 4 religieuses, 3 diacres et 1 séminariste. Originaires du Shaanxi, Shanxi, Hebei, Jilin, Sichuan, Hubei, Shanghai, Zhejiang ;
– 2 prêtres en Suisse venus du Yunnan (Dali) et du Liaoning (Shenyang) ;
– 2 prêtres en Belgique du Shanxi (Taiyuan et Fenyang) et 1 religieuse du Hebei ;
– En Pologne, 1 séminariste et 4 religieuses, tous du Hebei (Handan et Yongnian) ;
– 10 en Espagne dont 3 prêtres des provinces du Shaanxi, Hebei, Shandong, une sœur du Fujian, 1 prêtre, 1 séminariste et 4 religieuses du Henan ;
– 32 en France dont 9 prêtres (du Shaanxi, Hebei et Yunnan), 1 diacre du Zhejiang, 1 séminariste du Hebei, 19 religieuses du Shaanxi Hebei, Tianjin, Fujian, et 2 laïcs : He Lintao, photographe de la paroisse chinoise de Paris, et Melle Wang Ling, du Relais France-Chine, organisatrice principale de la session. (En France, ils sont 6 à Paris, 4 à Lyon, 2 prêtres à Toulouse, 8 sœurs à Angers, une à Murinais (Béatitudes), une à Vénasque (Notre-Dame de Vie)).
Cette foule sympathique et quelque peu disparate est vite répartie en dix équipes soigneusement préparées d’avance, chaque équipe étant accompagnée d’un directeur spirituel, prêtre ou religieuse.
Visites et jeux au grand air
La première journée de vie commune est consacrée à une exploration de notre environnement normand, une « Journée d’initiation historique et culturelle » : messe matinale dans la belle cathédrale de Bayeux suivie d’un pèlerinage au cimetière américain de Colleville-sur-mer et d’un pique-nique sur la fameuse plage d’Omaha Beach. Le débarquement des forces alliées en juin 1944 a marqué l’histoire de l’Europe contemporaine. Tout notre groupe en obtient des images saisissantes sur l’écran panoramique au-dessus du port d’Arromanches. L’espace herbu qui couvre la falaise offre un site idéal pour des jeux en équipe face à la mer sous un soleil radieux. L’après-midi se termine par un pèlerinage à Notre-Dame de la Délivrande, un sanctuaire fréquenté par les mystiques normands du XVIIe siècle, dont saint Jean Eudes et Lambert de la Motte.
Dimanche consacré aux pèlerinages thérésiens
Avant de participer à la grand’messe, nous consacrons une heure à la visite de la basilique. Les explications de Laurence traduites en chinois par Marguerite Gao nous permettent de saisir toute la richesse des symboles du message de sainte Thérèse qui se révèlent dans les mosaïques et les vitraux. A la messe, nous sommes 45 prêtres chinois à concélébrer autour d’un prêtre africain, de service à Lisieux au cours de l’été. Son homélie bien vivante, un brin savante et en tous cas bien articulée peut donner à penser. Les prêtres africains ont été éduqués en français depuis leur petite enfance. Ils sont « inculturés ». Pour atteindre ce niveau d’expression, les prêtres asiatiques doivent demeurer en France au moins dix ans, car toute leur formation primaire et secondaire s’est faite dans la langue de leur pays.
Les visites de l’après-midi se font en quatre ou cinq groupes : maison de sainte Thérèse, cathédrale Saint-Pierre, église Saint-Jacques où une exposition est consacrée aux parents de sainte Thérèse qui seront béatifiés le 19 octobre 2008. Les carmélites ont la gentillesse de nous recevoir par groupes. Des plus âgées à la plus jeune, elles nous font part de leur expérience de la vie contemplative, un choix de vie consacrée qui demeure encore bien mystérieux pour la plupart des sœurs chinoises.
Le soir avant l’entrée en retraite, tout le groupe s’enthousiasme au spectacle de la clôture des Jeux olympiques à Pékin. Que de médailles d’or pour la Chine ! Au mur de la grande salle de conférences, le visage de sainte Thérèse éclairé d’un léger sourire semble dire à tous ces prêtres et religieuses de Chine : « Lancez-vous à la conquête d’une médaille d’or spirituelle ! ».
Cinq jours en silence à l’écoute de Dieu
Quatre vingt-dix jeunes heureux de se retrouver entre amis de la même province de Chine et souvent du même diocèse ont évidemment beaucoup de choses à se dire. Ils respectent pourtant la consigne de silence tout au long des jours de retraite, même pendant les repas accompagnés d’un fond musical. Le P. Anselme Phang, un carme chinois venu spécialement de Singapour, nourrit la prière et la réflexion à l’aide de citations de sainte Thérèse ou de saint Paul qu’il projette sur un grand écran aux cours de ses deux conférences quotidiennes.
L’après-midi, la conférence est suivie d’un échange en équipe, puis d’une adoration du Saint Sacrement avant les vêpres. Le prêtre qui préside revêt une chape brodée offerte par une communauté clandestine de Chine. Tous ont en main un livret spécialement préparé pour ces quinze jours de prière commune. On y trouve les prières liturgiques du matin et du soir, les lectures de la messe du jour, et un choix de chants que beaucoup connaissent mais qu’ils prennent le temps de répéter ensemble ce qui donne beaucoup de force à cette prière communautaire.
Pèlerinage au Mont-Saint-Michel
Les journées de retraite s’étaient écoulées sous un ciel gris et pluvieux. Mais le samedi 30 s’éclaire d’un soleil radieux alors que deux autocars nous mènent jusqu’au célèbre Mont. Notre groupe remplit l’église Saint-Pierre pour une messe en chinois présidée par le P. Bruno Lepeu, MEP de Hongkong. Nous sommes heureux de pouvoir disposer des salles de l’abri Saint-Aubert pour y déguster le pique-nique préparé par les Travailleuses Missionnaires de Lisieux. Puis c’est la visite des merveilles de l’abbaye. Des feuillets explicatifs en chinois sont disponibles, mais plusieurs d’entre nous profitent aussi des visites guidées en français et en anglais. Les salles superposées aux flancs du roc font revivre des siècles de foi et de prière. Sous les colonnades du cloître, il faut lever les yeux vers le sommet de la flèche. La statue dorée de l’archange s’élève à 150 m. Celui dont le nom signifie « Qui est comme Dieu ? », crée un lien entre ciel et terre.
Dimanche à Paris le 31 août
La matinée du dimanche est marquée par une rencontre avec le cardinal André Vingt-Trois dans le jardin de Notre-Dame de Paris. Le cardinal analyse les diverses approches de la foi chez nos contemporains. L’Eglise accueille ces démarches faites en toute liberté en réponses aux dons de l’Esprit Saint. Nous participons ensuite à la messe dans la cathédrale. A la fin de la célébration, notre groupe chinois se rend en procession à l’autel des reliques de saint Paul Chen Changpin, canonisé en 2000, un séminariste du Guizhou qui avait été recueilli et élevé par l’œuvre de la Sainte Enfance (1). En 1861, alors qu’il étudiait en 1ère année de philosophie, il fut arrêté et décapité.
Le groupe est ensuite accueilli à la maison des Missions Etrangères par le P. Georges Colomb, vicaire général, heureux de s’adresser en chinois à cette foule qui remplit la salle à manger. Cette rencontre aux Missions Etrangères est une découverte pour la plupart, car ils viennent généralement de provinces du nord de la Chine où les missionnaires étaient franciscains, lazaristes ou jésuites, les MEP travaillant dans le sud-ouest de la Chine et dans le nord-est du pays, en Manchourie. La journée à Paris se termine par les vêpres chantées à l’église Notre-Dame de Chine sous la direction du P. Wang Quanxin, qui en est le vicaire habituel.
Deuxième semaine consacrée aux conférences
Lundi 1er septembre, le P. Gérard Pitel vient de Caen faire une présentation des mouvements charismatiques en France. Il expose clairement les orientations du Renouveau depuis les années 1970, relevant les difficultés rencontrées par certains groupes, tout en notant leur impact positif sur la vitalité de l’Eglise. La messe est ensuite célébrée avec les carmélites sous la présidence de Mgr Pican, évêque de Bayeux et Lisieux.
Les trois jours qui suivent sont centrés sur l’évangélisation dans la société chinoise contemporaine. Le P. Luke Tsui, spécialement venu de Hongkong, en exprime tous les défis avec beaucoup de flamme sur la base de sa longue expérience. Le P. Jean Charbonnier consacre une soirée à une présentation des échanges spirituels France-Chine depuis le XVIIe siècle. Le dernier jour est marqué par l’intervention de Mgr d’Ornellas sur l’esprit missionnaire en Europe. Il invite à une écoute attentive de la Parole de Dieu, seule capable de régénérer un monde désorienté. L’archevêque de Rennes préside enfin la messe de clôture dans la crypte de la basilique Sainte-Thérèse.