Eglises d'Asie

Les réfugiés tamouls, attendant en vain leur réinstallation depuis plus d’un an, récitent le chapelet afin de faire plier les autorités

Publié le 18/03/2010




Le camp de réfugiés installé dans le village de Nanattan, au nord du Sri Lanka, accueille, depuis 2007, un millier de pêcheurs tamouls catholiques. Avec leur famille, ils ont dû fuir les villages de la côte, lorsque ceux-ci ont été repris aux rebelles par l’armée gouvernementale.

La guerre civile entre les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) et l’Etat sri-lankais, commencée il y a 25 ans, s’est brutalement intensifiée début 2008, les combats autour des zones encore contrôlées par les Tigres dans le nord du pays atteignant, ces derniers mois, une particulière intensité. C’est le long de la côte nord-ouest que les forces armées gouvernementales ont le plus progressé, reprenant aux rebelles de nombreux villages. Dans cette région où les Tamouls sont majoritaires (1), les populations des zones d’affrontement ont été déplacées dans des camps de fortune, où les conditions de vie sont désastreuses (2).

 

Les réfugiés du camp de Nanattan font partie de la première vague des déplacements de population : depuis plus d’un an, ils n’ont cessé de demander à l’armée de les laisser retourner dans leur foyer, en vain. Selon le P. Jeyabalan Seemanpillai, ils ne comptent désormais plus que sur la prière.

 

Ce prêtre a raconté à l’agence Ucanews comment le 25 octobre dernier, à 19 h, les cloches de l’église du village se sont mises à sonner, les parents et les enfants se sont agenouillés devant leurs huttes de cadjan (3) pour réciter ensemble le rosaire, comme tous les samedis depuis janvier dernier. Des haut-parleurs installés dans le camp diffusaient le chapelet dans tout le village et les habitants de Nanattan se sont joints à leur prière. « A travers le rosaire, ce peuple de pêcheurs exprime sa souffrance », témoigne le P. Seemanpillai, qui est curé de l’église Sainte Marie d’Arippu, à quelques km de Nanattan, mais qui a choisi de se rapprocher des réfugiés et de venir vivre auprès d’eux. Il poursuit en expliquant que cela fait plus d’un an que les forces armées ont déclaré avoir délivré les villages des pêcheurs du joug des rebelles, mais qu’elles ne leur permettent pas pour autant de revenir dans leurs foyers. Les déplacés ont donc décidé de continuer leur chapelet hebdomadaire jusqu’à ce que les militaires les autorisent enfin à rentrer chez eux.

 

Pour Jesuthasan Croos, 55 ans, père de trois enfants et originaire d’Arippu, le camp surpeuplé de Nanattan avec ses écoles de fortune n’offre pas le cadre de vie qu’il souhaite pour ses enfants. « Nous essayons de faire comprendre à l’armée notre situation, dit-il, mais nous n’obtenons pas de réponse. » Selon le P. Seemanpillai, les militaires empêchent tout retour vers les villages, au motif que les opérations de déminage ne sont pas terminées.

 

Quant à Sebastian Croos, qui a fui avec toute sa famille le village de Mullikulam, il insiste sur le fait que les réfugiés ne veulent pas dépendre de l’aide humanitaire : « Nous voulons simplement retourner chez nous, où nous avons tout ce qu’il nous faut : église, école, un bon environnement. » Il ajoute : « Nous trouvons espoir et réconfort dans la prière du rosaire. » Pour lui, le chapelet est devenu « une arme », la seule qui pourra faire agir les militaires et permettre aux déplacés de rentrer bientôt dans leur foyer.