Eglises d'Asie

« Les chrétiens tamouls et cinghalais peuvent faire lien entre les deux communautés », explique un prêtre lors d’une opération en faveur des déplacés

Publié le 18/03/2010




Le 8 novembre dernier, la Fédération de la Jeunesse catholique Rajarata (1), du diocèse d’Anuradhapura, dans la Province du Centre-Nord, a organisé une distribution de fournitures scolaires aux enfants, tous hindous et tamouls, déplacés par les combats. La cérémonie s’est déroulée dans une atmosphère de fête à l’église St-François-Xavier de la ville de Kekirawa.

Thurga Subothini, 10 ans, avec 41 autres enfants bénéficiaires de l’opération, a reçu un « kit scolaire » comprenant des livres d’école, des stylos et une bouteille d’eau. Pour la fillette, ces quelques fournitures signifient beaucoup. Elle a raconté à l’agence Ucanews que sa famille a fui la guerre civile en 2001 et vit depuis dans des conditions précaires dans le village de Jayanthi, à seulement 30 km de la frontière de la Province du Nord et des zones de combats. Comme tous les autres réfugiés, aller à l’école est un luxe qu’ils ne peuvent pas souvent se permettre. Un constat que confirme Grecian Ashen, jeune hindou âgé de 14 ans qui a lui aussi reçu un kit scolaire, mais qui explique que gagner de l’argent est primordial : « S’il n’y a plus rien à manger, je manque l’école et je vais aider mes parents à réparer les chaussures. »

 

Le père de Thurga, Arumugam Kanaku, explique qu’il fait des travaux manuels et de cordonnerie dans le village afin de subvenir aux besoins de sa famille. Sa première pensée chaque matin est de se demander comment il va nourrir ses quatre enfants et gagner suffisamment afin qu’ils puissent aller à l’école.

 

Pour le P. Augustine Kariyakarawana, curé à Kekirawa, la distribution de ces fournitures est d’un grand secours « car le prix de tout cela aurait été une charge trop lourde pour les parents lorsque l’école rouvrira en janvier, pour le dernier trimestre ». Les jeunes du groupe catholique à l’origine de l’opération se disent avoir été frappés par les conditions de vie des enfants réfugiés tamouls qui « ont des uniformes scolaires en loques » et « transportent leurs livres d’école dans des sacs plastiques », n’ayant pas les moyens d’avoir un cartable.

 

Rajarata, créée en 1990, compte aujourd’hui 65 membres de différentes paroisses du diocèse d’Anuradhapura, qui couvre la Province du Centre-Nord. Elle organise des retraites, des sessions de formation pour la jeunesse et vient en aide aux malades. Ses actions sont financées par l’argent de poche des jeunes et les dons qu’ils sollicitent.

 

La distribution de fournitures scolaires du 8 novembre s’inscrit dans toute une série d’actions que le groupe a menées depuis le début des déplacements des populations tamoules de la Province du Nord. L’année dernière, les jeunes avaient construit une hutte en terre avec un toit en tôle ondulée pour une famille et, plus récemment, ils ont réparé les toits effondrés de plusieurs des huttes de fortune dans lesquelles vivent, à Jayanthi, une cinquantaine de famille de réfugiés.

 

Depuis l’intensification des combats dans le nord de l’île entre l’armée sri-lankaise et les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), séparatistes, les conditions de vie des populations déplacées ne cessent de se détériorer (2). La lutte armée des Tigres, commencée en 1983 pour obtenir l’indépendance d’un territoire tamoul au sein de l’île qui compte 20 millions d’habitants à majorité cinghalaise, a causé à ce jour plus de 80 000 morts et déplacé deux millions de personnes (3).

 

Le P. Sarath Peiris, directeur du groupe Rajarata, estime que cette distribution de fournitures, comme d’autres manifestations de solidarité, permettra l’établissement « de bonnes relations et une meilleure compréhension entre les différentes communautés ». Il rappelle que la guerre civile a conduit les Cinghalais, majoritairement bouddhistes, et les Tamouls, majoritairement hindous, à se considérer mutuellement avec suspicion. Pour lui, « seul le christianisme, qui réunit des fidèles tamouls comme cinghalais, peut arriver à faire le lien entre eux » (4).