Né le 2 avril 1963 dans la province du Jiangsu, Wang Aiming fréquente le lycée puis l’université à Nankin. Titulaire d’une maîtrise en littérature occidentale de cette université en 1989, il y devient ensuite professeur assistant à la Faculté des Lettres.
Arrivé à la Faculté de théologie en 1993, Wang Aiming couronnait ses études de théologie à l’Université de Neuchâtel par l’obtention de la licence en herméneutique religieuse en 1999. C’était un parcours peu commun non pour un scientifique mais pour un jeune intellectuel chrétien protestant de République populaire de Chine désireux d’approfondir les questions théologiques liées à l’émergence dans l’espace culturel chinois d’un christianisme respectueux de ses origines et pleinement intégré dans son milieu.
Depuis la fin de ses études, Wang Aiming considère la Faculté de théologie de l’Université de Neuchâtel comme le berceau de sa vocation. Pas au sens de sa vocation personnelle au pastorat, mais bien à celle de contribuer à l’émergence d’une théologie pleinement chinoise. Dans la concrétisation de cette vocation, les professeurs de la Faculté ont joué un rôle important, chacun à partir de sa discipline, mais surtout la dogmatique, l’herméneutique et l’histoire du christianisme. Ses contacts et échanges ont été nombreux et particulièrement fructueux avec les professeurs Gottfried Hamann, Pierre Bühler et Martin Rose.
Wang Aiming se sent la mission de reprendre l’héritage de la Réforme réformée du XVIème siècle, principalement de Calvin, Farel et Luther, afin de vérifier, scientifiquement et théologiquement, si les intuitions fondamentales et les écrits des grands réformateurs protestants n’auraient pas leur place dans la théologie et l’ecclésiologie de l’ensemble protestant chinois contemporain, qui concerne aujourd’hui près de cent millions de personnes. Dans la mesure où le protestantisme chinois actuel subit l’influence principalement du piétisme et du christianisme américain contemporain de type fondamentaliste, la démarche de Wang d’introduire en Chine une réflexion théologique de haut niveau scientifique paraît une œuvre digne de soutien, d’encouragement et de respect.
A l’heure des fondamentalismes, de la religion sentimentale, instrumentalisée politiquement, socialement et culturellement, l’essai de transposition herméneutique de la problématique chrétienne dans la tradition chinoise, en dialogue non dépendant avec la culture, la politique, les autres religions, la sociologie et les sciences, et cela à un niveau universitaire apparaît comme une tâche d’une très grande originalité.
La démarche de Wang n’est pas simple : il doit à la fois acquérir une connaissance approfondie du fonctionnement de la théologie en Europe et en Amérique d’un point de vue historique et phénoménologique et, à la fois, montrer la valeur universelle du christianisme biblique et protestant dans l’espace sinisé, qui, on le sait, ne se limite pas à la Chine, mais comprend également Hongkong, Taiwan, Singapour et, fait souvent ignoré, les importantes diasporas chinoises des grandes villes occidentales ou orientales.
Wang, dans sa démarche, n’a pas hésité à maintenir le débat à un niveau élevé. Ce ne fut ni n’est actuellement simple. Sur le front ecclésiastique tout d’abord. La formation des pasteurs chinois est mauvaise. Les pasteurs les plus âgés ont été formés par les missionnaires occidentaux. Les pasteurs les plus jeunes ont reçu des formations théologiques sommaires issues du piétisme et du fondamentalisme. Les pasteurs d’âge moyen n’ont reçu pratiquement aucune formation, car ils sont les enfants de la Révolution cultuelle (1966-1976) qui a interrompu toute réflexion théologique et toute formation en plongeant le pays dans le chaos. La faiblesse théologique du corps pastoral chinois ne favorise pas un développement harmonieux du christianisme chinois, soumis à de nombreuses influences extérieures. Par ses responsabilités de professeur de dogmatique et d’éthique au Séminaire national protestant de Nankin, puis de doyen et vice-président de cette institution et enfin vice-directeur du comité national théologique du Conseil chrétien de Chine, responsable éditorial de la revue théologique de ce même conseil, Wang essaie de promouvoir une manière scientifique de diffuser la théologie protestante.
Sur le front de l’Etat et de la société ensuite. L’Etat, le Parti communiste et la société chinoise en général souhaitent maintenir dans l’espace de la République populaire un espace propice à la stabilité et à l’essor économique. La confrontation de cet immense pays à ses défis politiques, économiques, écologiques, sociaux, religieux et politiques ne laisse pas Wang indifférent. Pour lui, les réformes calviniste et luthérienne pourraient être d’un apport fondamental dans les relations entre la société, l’Etat et les Eglises. Lors de ses études à Neuchâtel, il a appris comment l’Etat et l’Eglise peuvent collaborer pour le bien public, tout en gardant leur autonomie. Si cette situation ne paraît pas possible en Chine actuellement, c’est un idéal que Wang vise dans son action. L’enseignement théologique de haut niveau lui semble la piste la plus prometteuse dans ce domaine, d’autant plus que l’Etat soutient la démarche dans le but d’assurer à toute sa population un niveau éducatif élevé propre à favoriser le développement du pays.
Sur les deux fronts en même temps, Wang souhaite soutenir les valeurs éthiques et spirituelles universelles de la Bible et des traditions de la Réforme. Auteur d’une quarantaine d’articles de revue dans ce domaine, il essaie de promouvoir cette universalité du christianisme contre ce qu’il appelle le cancer du nationalisme à l’œuvre dans les Eglises protestantes chinoises. Il souhaite prendre sa part, par une approche théologique rigoureuse, aux questions des droits de l’homme et des libertés religieuses. Il pense ainsi, par la promotion d’un effort théologique pleinement intégré et de niveau universitaire, contribuer à la modernisation et à l’évolution de son pays.
La démarche de Wang dans la rédaction de sa thèse de doctorat est originale pour la Chine, tout en rejoignant une façon de faire qui a été souvent présent dans l’histoire du christianisme. Le titre en est explicite : Les structures éthiques de l’Eglise : L’héritage de la Réformation pour le futur de l’Eglise en Chine. Wang a constaté que Calvin et Luther sont inconnus dans le monde chrétien et protestant chinois, tout en suscitant le respect et la curiosité, par l’intermédiaire, par exemple, des thèses de Max Weber. Il a constaté que les règles morales chinoises, comme le confucianisme, par exemple, jouent un rôle essentiel dans la société. A partir des années cinquante du siècle précédent, le marxisme et le léninisme ont repris cette fonction à la fois fondamentalement et artificiellement. Aujourd’hui, c’est plutôt un vide qui prévaut dans ce domaine, même si le recours au confucianisme est à nouveau encouragé. Wang pense qu’au niveau de l’Eglise protestante, l’instance qui pourrait jouer ce rôle moral devrait être les intuitions fondamentales des grands réformateurs protestants, qui joueraient le rôle de « Confucius chrétiens ».
Ainsi, le christianisme chinois serait fidèle à ses sources : la révélation chrétienne biblique, Ancien et Nouveau Testament ; l’interprétation renouvelée de cet héritage par la vulgarisation théologique des grandes réformes protestantes ; l’insertion du christianisme dans le monde sinisé, marqué actuellement par le confucianisme et les traditions anciennes ; la réponse aux défis du futur auxquels la Chine est confrontée plus que tout autre pays au monde.
Wang s’efforce d’apporter à son pays, son Eglise et à la formation chinoise la richesse des méthodes scientifiques appliquées au fait chrétien découvertes et apprises à Neuchâtel, aux Etats-Unis et à Bâle dans le cadre de son doctorat. Il souhaite, sous l’impulsion de ce qu’il a reçu à la Faculté de théologie de Neuchâtel, contribuer de manière significative à la formation des pasteurs et théologiens chinois en visant peu à peu à atteindre un niveau de type académique.
Le défi qu’il est en train de relever honore la Faculté de théologie de Neuchâtel qui lui a donné sa formation de base dans le domaine théologique et contribue au rayonnement de l’Université de Neuchâtel à Nankin comme dans le monde universitaire chinois.